Réforme de la haute fonction publique : l'application au versant territorial est en vue
La transposition de la réforme de la haute fonction publique à l'encadrement supérieur des collectivités territoriales était au menu des travaux du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) ce 9 juillet. L'ensemble des projets de textes a été rejeté, principalement pour cause de désaccord sur un projet de classement des emplois fonctionnels de direction. Les intéressés se félicitent toutefois de la revalorisation des grilles indiciaires qui résultera de l'application de la réforme.

© @laurent_sceaux/ Réunion du CSFPT le 9 juillet
Plus de trois années après l'entrée en vigueur dans la fonction publique de l'État des principales mesures de la réforme de la haute fonction publique, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) a examiné, à l'occasion ce 9 juillet d'une séance qui n'a été programmée que tout récemment, six projets de décret transposant ces dispositions à l'encadrement supérieur des collectivités territoriales et de leurs groupements et devant s'appliquer au 1er janvier prochain.
Malgré l'impatience des agents concernés de bénéficier en particulier de grilles indiciaires alignées sur celles de leurs homologues de l'État, l'instance de consultation a rejeté l'ensemble de ces projets de textes, les syndicats votant la plupart du temps en bloc contre ces derniers et la plus grande partie des représentants des employeurs s'abstenant.
Du côté des employeurs - et des associations et organisations professionnelles représentant les cadres supérieurs territoriaux - on déplore l'inadaptation du classement des emplois fonctionnels administratifs de direction des collectivités en quatre niveaux, sur le modèle du référentiel en vigueur à l'État. La liste des emplois relevant de chacun de ces niveaux doit être fixée par un arrêté qui est à l'état de projet et qui n'a pas été soumis à l'avis du CSFPT. Mais ses représentants ont été informés des intentions du gouvernement. Dans le texte, les emplois fonctionnels administratifs de la fonction publique territoriale - à savoir des emplois qui sont à la jonction de l’administratif et du politique et obéissant à certaines règles spécifiques - seraient rangés essentiellement en fonction de la taille démographique des collectivités. Mais seulement 19 directeurs généraux des services (DGS) relèveraient du niveau 1, c'est-à-dire le plus élevé – alors qu'à l'État, quelque 160 cadres supérieurs bénéficieraient de ce dernier. Dans le deuxième niveau, le gouvernement prévoit pour l'heure 56 emplois fonctionnels de la fonction publique territoriale. La plupart des agents seraient situés dans le niveau 3 (avec 450 emplois) et le niveau 4. Ce dernier, le plus faible, comporterait 2.090 emplois.
Les élus locaux et les associations et organisations professionnelles représentant les cadres supérieurs territoriaux plaident pour un relèvement du nombre d'emplois de la catégorie 1. Une demande que les premiers ont réaffirmée devant les représentants de la direction générale des collectivités locales (DGCL) présents à la séance du CSFPT. Mais ceux-ci n'ont pas semblé accepter. "La DGCL nous a répondu que [dans le projet] l'avant-dernier niveau [niveau 3] est plus élevé que le dernier niveau actuel et donc que les personnes concernées seraient gagnantes", rapporte l'entourage du président du CSFPT, Philippe Laurent. La DGCL aurait ajouté que même s'ils n'étaient pas classés dans les deux plus hautes catégories, les cadres supérieurs territoriaux bénéficieraient déjà de "gains au niveau indiciaire" et d'un déroulé de carrière refondu (avec une trentaine d'échelons dans chaque grade).
Un projet de décret examiné par le CSFPT "procède à l'alignement de la carrière des administrateurs territoriaux sur celle des administrateurs de l'État". Le futur cadre d'emplois des administrateurs territoriaux comprendra trois grades (comme aujourd'hui), avec un échelonnement indiciaire identique à celui des administrateurs de l'État. Le premier grade culminera à l'indice brut 1.336, tandis que le deuxième se déploiera jusqu'à l'indice brut 1.806. Enfin, le troisième grade sera caractérisé par un indice brut fixé à 2.074 à son sommet.
Contactée par Localtis, l'Association des administrateurs territoriaux (AATF) "se réjouit que la réforme, si elle va à son terme, puisse permettre aux administrateurs territoriaux en poste de bénéficier des grilles [indiciaires] qui sont en vigueur à l'État". Cela mettra fin à "un vrai décalage d'attractivité entre les postes en territoriale et ceux à l'État" que l'on peut observer depuis la mise en place en 2022 du nouveau corps des administrateurs de l'État, souligne l'association présidée par un tandem de hauts fonctionnaires, Karine Garcin-Escobar et Remy Berthier.
Un autre projet de décret fixe la grille indiciaire des emplois administratifs de direction des collectivités territoriales de moins de 40.000 habitants et des établissements publics locaux assimilés. Par exemple, le directeur général adjoint des services d'une commune comprise entre 10.000 et 20.000 habitants débuterait à l'indice brut 567 et bénéficierait de l'indice brut 977 au dernier échelon.
Les plafonds du régime indemnitaire des agents territoriaux occupant des emplois fonctionnels seraient relevés de manière significative, peut-on également lire dans les documents de présentation de la réforme.
Parmi les syndicats siégeant au CSFPT, Force ouvrière a dénoncé "une réforme élitiste et inégalitaire qui fragilise les principes de carrière et de statut des agents territoriaux" et "exclut une large majorité des cadres territoriaux", ceux des collectivités de moins de 40.000 habitants.
Étant donné qu'ils ont été rejetés à l'unanimité par les membres du collège des organisations syndicales, cinq des six projets de textes seront soumis de nouveau à l'examen du CSFPT, et ce lors de la prochaine séance plénière qui aura lieu le 17 septembre. D'ici là, les organisations et syndicats professionnels des cadres supérieurs territoriaux (comme le Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales, SNDGCT) saisiront les cabinets ministériels et la DGCL, en lien notamment avec la Coordination des employeurs territoriaux (CET), pour tenter de faire modifier le projet d'arrêté sur le classement des emplois fonctionnels. "Une prise en compte de leurs demandes sur ce point-là pourrait débloquer les choses du côté des élus", estime-t-on dans l'entourage du président du CSFPT.
Mais l'AATF refuse que les difficultés autour du projet d'arrêté bloquent la mise en œuvre du reste de la réforme et propose ainsi d'"avancer en deux temps". La priorité est selon ses membres et dirigeants, de "décliner rapidement" les grilles applicables aux administrateurs territoriaux n'occupant pas des emplois fonctionnels (soit environ les deux tiers des administrateurs territoriaux). Dans "un deuxième temps", "un calendrier et une méthode de travail" pourraient être définis pour "discuter, sans se mettre la pression, du classement des emplois fonctionnels de direction", préconisent-ils, en vantant une "position d'équilibre".