Salon des maires - Les organismes HLM franciliens marginalisés sur les marchés fonciers

Une nouvelle étude de l’Union sociale pour l’habitat d’Île-de-France (Aorif) dresse un panorama saisissant de la décennie 2010 : les organismes de logements sociaux franciliens se retirent progressivement du marché foncier, obligés de se tourner vers la grande couronne et confrontés de plus en plus directement aux logiques des acteurs privés.

En Île-de-France, la production de logements sociaux s’appuie désormais sur un foncier plus rare, plus éloigné et de plus en plus soumis aux logiques du marché : un virage qui inquiète les acteurs du secteur et que confirme une étude de l’Union sociale pour l'habitat d'Île-de-France (Aorif), révélant non pas un simple recul mais une recomposition profonde de l’approvisionnement, entre déclin des ventes publiques et essor de l’offre privée.

La bascule du foncier à l'immobilier

Le premier constat majeur de ce travail de fond, dont les conclusions étaient présentées ce mardi 18 novembre au Salon des maires et des collectivités locales, met en exergue le report structurel du foncier vers l’immobilier. “L'implication des organismes HLM dans les marchés est aujourd'hui avant tout liée à des acquisitions immobilières et non à des acquisitions foncières”, a indiqué Alexandre Coulondre, enseignant à l'école d'urbanisme de Paris, chercheur associé au Lab’URBA.

L'étude, qui se focalise sur les fonciers de projets (c'est-à-dire les acquisitions destinées à la construction dans les trois ans), révèle en outre une chute spectaculaire des dépenses consacrées à cette matière première du logement social, dont Alexandre Coulondre a précisé l'évolution : "Si l'on regarde à la fin de la décennie, on s'aperçoit que cette part du foncier de projet s'est réduite drastiquement pour atteindre aujourd'hui près de 25%". En comparaison, en 2011, les organismes de logements sociaux consacraient "plus de la moitié de leurs dépenses pour des acquisitions foncières".

Pour le chercheur, cette bascule est la conséquence directe de l'essor de la Vefa HLM. Son recours tendanciel (plutôt que le recours à la maîtrise d’ouvrage directe) renvoie selon lui à “un modèle de production moins consommateur de foncier et davantage consommateur d’immobilier”.

Recul en volume et excentration

Cependant, tout n'est pas seulement un effet de proportion : les acquisitions foncières des OLS reculent également en volume. L'analyse montre ainsi une “baisse structurelle des surfaces foncières acquises par les organismes franciliens au cours de la période”. Alors que le début de la décennie (2010-2013) voyait les acquisitions se situer autour de 75 hectares par an, ce volume est passé à un palier moindre, autour de 60 hectares chaque année entre 2014 et 2021.

Géographiquement, l’effet est radical : "Aujourd'hui, 88% des surfaces acquises se trouvent en grande couronne, alors qu'au début de la décennie, cette proportion représentait 53% des surfaces acquises", a souligné Alexandre Coulondre.

Ce glissement géographique, qualifié d'"effet centrifuge" au détriment de la petite couronne, qui est passée de 45% à 11% des surfaces acquises, constitue le principal facteur expliquant la baisse des prix unitaires moyens observée à partir de 2020, les terrains y étant moins onéreux.

Erosion du foncier public, assaut du privé

L'enseignement le plus marquant, selon Anne-Katrin Le Doeuff, directrice de l'Aorif, reste le “glissement d'un foncier public, notamment de collectivité locale, vers un foncier privé”.

Il faut dire que la filière d’approvisionnement traditionnelle auprès du secteur public s’est sérieusement tarie. Au début de la décennie, 36,4% des surfaces étaient acquises auprès d’acteurs publics (communes, intercommunalités, État, etc.). Dix ans plus tard, le foncier public est réduit à 13,9%.

Une érosion principalement due à la chute des ventes par les communes et les intercommunalités, qui sont passées de 27,5% à seulement 5,6% des surfaces acquises par les OLS.

Inversement, le foncier strictement privé a pris une place prépondérante, passant de 33,2% à 53,7% du total des surfaces acquises. L'augmentation est tirée par un acteur inattendu : les particuliers. Ces derniers vendaient en effet 7,4% des surfaces au début de la décennie contre 37% à présent. 

Le défi du diffus

Cette mise en retrait des organismes de logements sociaux dans les marchés fonciers en Île-de-France pose aussi des questions opérationnelles majeures. En interagissant davantage avec les particuliers, les OLS se confrontent directement à des formes de concurrence et à des logiques marchandes de valorisation des parcelles.

“Avoir un prospecteur foncier, ce n'est pas du tout quelque chose qui est développé de manière universelle au sein de nos organismes, bien loin de là ! Ce qui pose effectivement une question de savoir-faire”, a insisté Anne-Katrin Le Doeuff. “Cela interroge aussi l'arsenal des outils réglementaires des élus locaux pour faciliter le développement du logement social en diffus, mais également les servitudes de mixité sociale, et les possibilités de préempter pour permettre aux bailleurs sociaux d'accéder à ce foncier".

 

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