Strasbourg et sa communauté urbaine : l'apprentissage comme voie de recrutement

Tremplin pour l'emploi des jeunes, opportunité de recrutements "sur mesure"... Strasbourg et sa communauté urbaine misent sur le développement de l'apprentissage dans leurs services et accueillent aujourd'hui plus de cent apprentis.

De quarante-sept apprentis en 2002 à cent cinq en 2005 : la ville et la communauté urbaine de Strasbourg (CUS) accueillent chaque année davantage d'apprentis, de différents niveaux d'études et dans des domaines d'activités variés. Une population qui tend aussi à se féminiser. A la CUS, ils sont aujourd'hui formés dans trente-deux services, contre onze en 2002. En 2005, l'effectif était en progression de 40% par rapport à l'année précédente, alors que la moyenne nationale s'établit à 11%. La ville et la CUS poursuivent leur engagement en 2006, en mobilisant 380.000 euros. "Environ 40% des jeunes préparent un diplôme de type CAP ou BEP, 60% sont de niveau bac à DESS", précise Philippe Cornec, directeur des ressources humaines. "65% des apprentis préparent des métiers du secteur tertiaire, secrétariat, gestion ou petite enfance par exemple, et 30% des métiers techniques." Dans le peloton de tête des services accueillant les apprentis figurent l'éducation, l'action sociale, la logistique, l'informatique et l'exploitation-réseaux. Ils sont aussi présents dans la plupart des secteurs : à la jeunesse et au sport, à la culture et aux ressources humaines... Un récent partenariat entre, d'une part, la ville et la CUS et, d'autre part, l'Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec) vient enfin définitivement balayer l'image de l'apprentissage restreint aux seuls secteurs techniques et à des jeunes en échec scolaire.

30% de recrutements à l'issue de la formation

Le taux de réussite de 90% à la trentaine de diplômes préparés par les apprentis de la CUS traduit les atouts de la formule. "Depuis douze ans que nous pratiquons l'apprentissage, nous avons recruté 30% des jeunes accueillis, soit après la réussite d'un concours, soit directement sur des emplois qui le permettaient", indique Philippe Cornec. L'apprentissage obéit à un double objectif : d'une part, la collectivité constitue un terrain d'accueil pour les jeunes, d'autre part, il permet de prévoir et d'anticiper des recrutements avec des références. Le fait d'avoir été apprenti pendant un à trois ans n'exonère cependant pas du respect des règles d'accès à la fonction publique territoriale. Ainsi, un Atsem (agent territorial spécialisé des écoles maternelles) devra décrocher sur concours le CAP petite enfance requis pour accéder au grade, comme tout autre candidat. "En tant qu'employeur, l'apprentissage nous offre la possibilité de recruter à niveau comparable quelqu'un qui possède une expérience professionnelle au sein de nos propres services. C'est tout l'intérêt de ce dispositif dont le champ couvre désormais une palette de plus en plus large de nos métiers territoriaux, y compris très spécifiques", analyse Philippe Cornec. "Il représente, certes, une voie minoritaire de recrutement, parmi nos 6.700 agents permanents, mais nous souhaitons continuer à développer cette voie d'accès."

Un échange "gagnant-gagnant"

En interne, la CUS et la ville sensibilisent les directions à accueillir de futurs ingénieurs, urbanistes ou managers. Basé sur le principe de l'alternance, l'apprentissage comprend dans tous les cas une partie théorique assurée par un centre de formation et une formation pratique encadrée par un maître d'apprentissage. A la CUS, 144 agents ont cette qualification pédagogique. Ils sont chargés de partager leur savoir avec un apprenti, deux éventuellement, pour qu'ils approfondissent leurs connaissances et leurs compétences. "Dans d'autres types de contrats, comme les contrats aidés ou d'avenir, l'objectif est de permettre au jeune de remettre le pied à l'étrier, sur des niveaux et des emplois plutôt homogènes et sans forcément un objectif d'embauche assujettie à la réussite d'un concours", commente Philippe Cornec. "L'apprentissage, qui relève le plus souvent d'un choix personnel, notamment dans l'enseignement supérieur, offre plus de chances d'intégrer la FPT et participe pleinement à la gestion prévisionnelle des recrutements." Le dispositif permet à l'apprenti d'appréhender le monde du travail et de se former à un métier avec une "culture territoriale". L'apprenti perçoit entre 35 et 98% du Smic, un pourcentage fixé par décret, qui augmente à chaque année d'apprentissage. Les candidats postulent spontanément et la CUS noue ainsi des contacts tant avec les centres de formation d'apprentis (CFA) qu'avec les universités et les écoles.

Catherine Barnasson / EVS Conseil pour Localtis

"Les collectivités ont longtemps eu du mal à se positionner par rapport à l'apprentissage"

Aude Fournier est chargée d'études de la commission formation du conseil économique et social d'Alsace (Cesa).

Avez-vous déjà dressé un état des lieux de l'apprentissage en Alsace ?

La commission formation du Cesa travaille sur le thème "De l'école à l'emploi", qui intègre notamment l'alternance et l'apprentissage. Ce dernier dispositif s'inscrit dans une forte tradition culturelle locale héritée du modèle rhénan (le "dual system" allemand). Notre démarche s'achèvera en avril et aboutira à la formulation d'un avis. La commission a réfléchi au développement de l'apprentissage en Alsace sur fond de "plan Borloo" qui vise à augmenter le nombre d'apprentis de 40% d'ici 2009, dans le public comme dans le privé. Dans ce cadre, au niveau national, des entreprises du CAC 40 mais aussi des entreprises publiques ont signé une charte de l'apprentissage, car elles ont effectivement les moyens de s'engager. En Alsace, le conseil régional, qui détient la compétence apprentissage, a élaboré un Coma (contrat d'objectifs et de moyens pour l'apprentissage) qui prévoit d'aider les employeurs publics à accueillir davantage d'apprentis.

Dans le secteur public - et en particulier les collectivités territoriales - le développement de l'apprentissage ne semble pas suivre celui du privé. Quels freins rencontre-t-il ?

L'obstacle majeur tient au financement. Les collectivités n'étant pas assujetties à la taxe d'apprentissage, elles doivent s'acquitter auprès du CFA d'une partie du coût de la formation, habituellement couverte par la taxe d'apprentissage. Il y a ensuite le statut : tout agent est obligé de passer un concours pour devenir titulaire. Or, il n'est pas évident que les jeunes formés en apprentissage réussissent un jour le concours, d'où le problème de leur intégration. De plus, les collectivités ont longtemps éprouvé des difficultés à se positionner par rapport à l'apprentissage en raison d'une offre de formation insuffisante ou plutôt calibrée pour le privé. Enfin, les apprentis sont sous contrat de droit privé, ce qui contraint les DRH à gérer un double système. Cependant, l'apprentissage évolue et la mise en place de nouvelles formations supérieures incitera les collectivités à recruter et à employer des cadres par ce biais.

Selon vous, quels sont les principaux avantages et les limites de l'apprentissage ?

Former un jeune à ses propres méthodes de travail est un moyen idéal pour le préparer à être opérationnel. C'est le principal atout de la formule pour l'employeur, public ou privé. Cela nécessite cependant une alliance forte entre le centre de formation et la structure d'accueil, afin d'optimiser l'enrichissement mutuel de la théorie et de la pratique. Pour le jeune, ce sont de meilleures chances de trouver rapidement un emploi, en rapport avec sa formation et son niveau de qualification. L'apprentissage peut apporter aux collectivités une diversification des profils dans leurs recrutements. Une des limites du dispositif reste la difficulté d'appliquer, et donc de valider, tous les savoirs acquis en classe. L'organisation des collectivités, leurs méthodes de travail et un certain cloisonnement des services ne favorisent pas toujours l'accueil des apprentis. S'ils ne se voient pas confier une véritable mission, ils ne pourront valoriser pleinement leurs acquis de formation.

L'apprentissage gagne ses lettres de noblesse

Dans une communication au Conseil des ministres du 11 janvier dernier, le ministre de l'Education nationale, Gilles de Robien, a annoncé son intention de doubler le nombre d'apprentis d'ici 2010 et d'élargir à l'enseignement supérieur le recours à ce dispositif.

Depuis dix ans, l'apprentissage progresse très fortement dans l'enseignement supérieur. Il concerne 62.900 étudiants, dont 31.300 dans les sections de techniciens supérieurs et 31.600 inscrits dans les établissements d'enseignement supérieur (contre 12.400 au 1er janvier 1995). Le gouvernement souhaite que le nombre d'apprentis dans l'ensemble du supérieur double d'ici 2010, en même temps que se poursuit le développement des BTS en apprentissage. Parallèlement à des accords avec les branches professionnelles et les grandes entreprises, des contacts ont été pris avec l'Association des régions de France afin d'examiner, dans le cadre des compétences des régions, les conditions de développement de la voie de l'apprentissage dans les établissements d'enseignement supérieur. Des unités de formation par apprentissage (ou des sections d'apprentissage dans les universités) seront créées dans les établissements qui le souhaitent, en partenariat avec les centres de formation d'apprentis (CFA) existants. La possibilité de recours à l'apprentissage sera systématisée pour l'ensemble de l'offre de formation diplômante inscrite au Répertoire national des certifications professionnelles des établissements d'enseignement supérieur, dès lors qu'elle correspondra à des besoins. La croissance de l'apprentissage dans l'enseignement supérieur participe à la dynamique suscitée par le gouvernement en vue d'atteindre en 2009 un objectif de 500.000 apprentis, tous niveaux d'enseignement confondus.

Apprentissage dans les collectivités : de l'idée à la déclinaison

Si les collectivités locales multiplient les initiatives en faveur de l'apprentissage sur leurs territoires, beaucoup en sont encore aux prémices. Avec des objectifs significatifs pour 2006, certaines ouvrent la voie.

Les services techniques de Vannes (Morbihan) accueillent régulièrement des apprentis et en ont intégré une dizaine en onze ans. En 2006, la mairie annonce la conclusion de douze nouveaux contrats affectés au centre technique municipal ou aux espaces verts dans différents secteurs d'activité : maçonnerie, électricité, menuiserie, peinture, garage, magasin, eau, production florale...
La ville et la communauté urbaine de Poitiers (Vienne) se fixent pour leur part un objectif de recrutement de dix apprentis en 2006, et en accueillent quatre depuis un an. "Cette formule concerne principalement des métiers sur lesquels nous prévoyons une carence d'emploi", précise Sylvie Le Mat, responsable de la cellule emplois aidés. La menuiserie, la mécanique auto, les espaces verts, l'accueil et les services, la maintenance informatique réseau figurent au premier rang, avec des formations de niveau bac professionnel et CAP.
Même approche à Suresnes (Hauts-de-Seine), qui a tout de suite utilisé cette possibilité entrant dans le cadre de sa mission de service public. Au rythme de trois à cinq par an, les apprentis sont choisis dans la perspective de secteurs porteurs en termes d'emplois, principalement les parcs et jardins et la petite enfance, même hors services communaux. Aux ressources humaines, un des chefs de service est lui-même un ancien apprenti de niveau bac + 4.
A la région Champagne-Ardenne, la direction des services informatiques est la seule à avoir saisi l'opportunité d'accueillir trois apprentis de niveau bac, BTS et ingénieur systèmes et réseaux. "Il faut que le service puisse s'impliquer et assurer le suivi du jeune", explique Christian Boquillon, directeur des ressources humaines. Malgré l'attrait indéniable de la formule, les collectivités modèrent parfois leur engouement, essentiellement pour des raisons financières (absence d'aides) et le manque de moyens humains (disponibilité du service d'accueil et investissement du maître d'apprentissage).

Aller plus loin sur le web :
 
Pour aller plus loin :
http://www.institut-entreprise.fr/index.php?id=628
 
Pour aller plus loin :
http://http://vosdroirs.service-public.fr/particuliers/F3059.xxhtml
 
Pour aller plus loin :
http://www.travail.gouv.fr/result_recherche.php3

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