Stratégie Ecophyto 2030 : le gouvernement défend son bilan

Un an après l'entrée en vigueur de la nouvelle stratégie de réduction des pesticides, Ecophyto 2030, le gouvernement défend son bilan et sa méthode, toujours décriés par des associations environnementales.

Le comité d'orientation stratégique et de suivi (COS), instance de gouvernance de la stratégie Ecophyto 2030, qui regroupe l'ensemble des parties prenantes - représentants de l'État, agriculteurs, industriels, chercheurs, élus et associations - s'est réuni ce 13 mai au matin en plénière pour dresser un premier bilan de la stratégie, publiée le 6 mai 2024 après bien des reports (lire notre article). À l'occasion de ce comité, réintégré par les ONG environnementales qui en avaient claqué la porte l'an dernier, le gouvernement a d'abord réaffirmé l'orientation de sa stratégie : "ne laisser aucun agriculteur sans solution", notamment en favorisant la recherche "d'alternatives non-chimiques permettant de réduire les risques et les impacts en matière de santé et d'environnement", selon un document publié mardi.

Plus de 200 millions d'euros mobilisés en 2024

Pour cela, le gouvernement rappelle avoir mobilisé plus de 200 millions d'euros en 2024, dont 143 millions pour le Parsada, le plan de recherche d'alternatives pour anticiper le retrait de molécules au niveau européen, avec des plans d'actions spécifiques contre le mildiou de la vigne, la cercosporiose de la banane ou les mauvaises herbes des grandes cultures. Les agriculteurs "ont besoin d'être soutenus, accompagnés dans cette transition pour une agriculture plus durable tout en garantissant la souveraineté alimentaire de notre pays", a déclaré la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, dans un communiqué commun des quatre ministres présents au COS (Agriculture, Transition écologique, Recherche et Santé).

Parmi les "avancées principales" depuis un an, le gouvernement cite aussi le lancement de diagnostics territoriaux dans quatre régions pilotes (Bourgogne-Franche-Comté, Nouvelle-Aquitaine, Guadeloupe et Réunion) et le lancement d’actions ciblées sur les sites Natura 2000 pour identifier les aires protégées à enjeux et les mesures à prendre pour réduire la pression et atteindre les objectifs de conservation ou de restauration des habitats et espèces d’intérêt communautaire concernés.

Les "chantiers prioritaires" de 2025

Outre le Parsada, la stratégie prévoit des "chantiers prioritaires" pour l'année à venir, notamment une feuille de route, annoncée fin mars, pour une "protection renforcée des captages d'eau", régulièrement fermés pour cause de pollution. Depuis 1980, un tiers des captages fermés l'ont été à cause de la dégradation de la qualité de l'eau, dont la moitié du fait de la présence de pesticides et nitrates. La feuille de route "doit permettre d’identifier précisément les aires d’alimentation de captages sensibles sur lesquels l’action doit être priorisée en ciblant si nécessaire les zones les plus contributrices à la pollution, rappelle le gouvernement. Elle permettra également d’accompagner techniquement et financièrement collectivités et agriculteurs avec des solutions proportionnées et graduées pour leur permettre d’adopter des pratiques adaptées aux risques de pollution diffuse".

Les analyses conduites pour identifier les sites Natura 2000 soumis à une pression des produits phytopharmaceutiques vont aussi se poursuivre et les synthèses des premiers travaux seront présentées aux parties prenantes cette année. Les travaux de recherche d’alternatives aux pesticides sur les pelouses sportives continuent également, dans l’optique de généraliser l’arrêt de l’utilisation de ces produits.

Un "portail national d'information" sera aussi créé "sur l'exposition des riverains aux produits phytopharmaceutiques qui coordonnera les dispositifs déployés au niveau régional". Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, s'est engagé à "une transparence totale" sur les liens entre exposition des riverains aux pesticides et risque d'apparition de maladies.

Un nouvel indicateur décrié par les ONG environnementales

Le plan Ecophyto adopté par la France en 2008 prévoyait de réduire de moitié l'usage des pesticides en dix ans, une cible jamais atteinte. La nouvelle mouture de ce plan renouvelle cet objectif, mais avec un nouvel indicateur, le HRI1 européen, et une nouvelle période de référence (2011-2013). Un positionnement "incohérent" pour des organisations de défense de l'environnement comme la Fondation pour la nature et l'homme ou Générations futures. Cette dernière souligne les "contradictions" d'une politique qui "prétend défendre un objectif de réduction des pesticides tout en soutenant une proposition de loi qui vise à réintroduire les néonicotinoïdes en France", selon son porte-parole, François Veillerette. Ce texte "anti-contraintes", porté par la droite sénatoriale et auquel la ministre de l'Agriculture ne s'est pas opposée, est actuellement examiné en commission à l'Assemblée.

C'est avant tout l'adoption d'un nouvel indicateur, annoncé début 2024 en pleine crise agricole par le Premier ministre d'alors, Gabriel Attal, qui avait conduit plusieurs associations à quitter le COS. Elles dénonçaient un "abandon de l'objectif" d'Ecophyto servi par "un changement de thermomètre". Car avec cet indicateur européen HRI1, la marche est en effet moins haute pour atteindre l'objectif de baisse. La France, "sans aucun effort supplémentaire", se rapproche déjà de l'objectif - avec une diminution de 36% par rapport à la période de référence -, alors que la baisse est très faible selon l'ancien indicateur de référence, le Nodu, relève l'ONG. À l'issue de la réunion, Générations futures a dénoncé une "absence d'ambition pour sortir notre agriculture de sa dépendance aux pesticides".

L'Inrae appelé à la rescousse

Face aux critiques visant l'indicateur HRI1, en juin dernier, le gouvernement avait saisi l'Institut national de recherche Inrae pour proposer des pistes d'amélioration de cet indice. L'institut a présenté ses premières recommandations lors du COS de mardi. La première piste propose une "évolution a minima pour éviter les principaux biais de cet indicateur", notamment en modifiant les coefficients de pondération des différents groupes de produits, dans un rapport consulté par l'AFP. La seconde "est basée sur une logique de rupture forte" et consiste à "construire un indicateur de risques agrégé en mobilisant les connaissances scientifiques sur l'écotoxicité de chacune des substances actives". Le risque pour le vivant constitué par les pesticides serait ainsi calculé spécifiquement pour les mammifères terrestre, les poissons ou les abeilles.

 

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