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Logement / Social - Sylvia Pinel présente son plan de réduction des nuitées hôtelières

Devant l'assemblée de professionnels et d'élus réunis par la fondation Abbé-Pierre ce 3 février autour du mal-logement, Sylvia Pinel, ministre du Logement, a présenté les mesures d'un plan triennal destiné à diminuer le recours à l'hôtel pour l'hébergement de personnes démunies. 10.000 nuitées d'hôtel pourraient notamment être remplacées par de l'intermédiation locative, du logement en pension de familles ou maison-relais et de l'hébergement "adapté aux familles". Pour assurer la transition, à défaut de crédits supplémentaires, un "accompagnement social renforcé" est prévu.

Intervenant à l'occasion de la présentation du vingtième rapport de la fondation Abbé-Pierre sur l'état du mal-logement en France, Sylvia Pinel, ministre du Logement, de l'Egalité des territoires et de la Ruralité, a détaillé ce 3 février un plan triennal de réduction des nuitées hôtelières. La veille, le président de la République avait annoncé les trois axes de ce plan destiné à améliorer "l'hébergement et l'accès au logement des plus démunis" (voir notre article du 2 février).
Ce nouveau plan prévoit ainsi la création de 13.000 places dans des dispositifs alternatifs, destinés à remplacer 10.000 nuitées d'hôtels. Parmi ces solutions alternatives, l'intermédiation locative (type Solibail) sera particulièrement développée, avec 9.000 nouvelles places. 1.500 places sont aussi prévues en logement adapté - pensions de familles ou maisons-relais, "particulièrement adaptées pour des couples ou des personnes isolées cumulant des difficultés, notamment sur le plan de la santé", selon Sylvia Pinel. En outre, "2.500 nouvelles places d'hébergement adaptées aux familles seront construites", a complété la ministre, et "d'autres dispositifs innovants comme les appartements partagés seront aussi expérimentés".

"La solution la plus coûteuse et la moins adaptée"

Pour répondre à la situation particulière qui les caractérise, 6.000 demandeurs d'asile hébergés à l'hôtel "se verront aussi proposer des solutions de prise en charge adaptées dans des structures spécialisées".
Enfin, le plan prévoit de généraliser "un accompagnement social renforcé" pour les personnes hébergées à l'hôtel. Un accompagnement comprenant "une évaluation sociale pour chaque famille hébergée et des interventions mieux coordonnées", "un accès facilité à l'aide alimentaire", "une meilleure organisation de la domiciliation" et "une attention particulière (…) portée à la santé mentale, avec la mobilisation des équipes mobiles de psychiatrie", a détaillé la ministre du Logement.
Cette dernière prévoit, en tout, le transfert de "105 millions d'euros qui, en trois ans, iront du financement des nuitées hôtelières vers le financement de dispositifs alternatifs pérennes".
Personne ne contestera la nécessité d'engager ce mouvement. A l'automne dernier, une étude de l'observatoire du Samu social de Paris confirmait que l'hébergement en hôtel n'était pas une solution correcte pour les familles (voir notre article du 3 octobre 2014). Les auteurs de cette étude observaient notamment qu'un quart des familles hébergées à l'hôtel début 2013 en Ile-de-France n'étaient pas suivies par un travailleur social. Les hôtels constituent "la solution la plus coûteuse et la moins adaptée", ajoute la fondation Abbé-Pierre dans son rapport.

14.000 nuitées d'hôtel en 2010, 25.500 en 2013

Mais ce nouveau plan gouvernemental sera-t-il à la hauteur du phénomène ? Lors de la présentation du rapport de la fondation Abbé-Pierre, ce 3 février à Paris, une voix s'est élevée pour rappeler que Benoist Apparu, lorsqu'il avait la charge ministérielle du logement, avait déjà pris des mesures destinées à réduire le nombre de nuitée hôtelières (voir notre article du 9 décembre 2011). Ce qui n'a pas empêché le nombre de nuitées d'hôtel de passer de 14.000 en 2010 à 25.500 en 2013 "(sans compter les places mobilisées par les collectivités locales)", et ce "pour assurer l'accueil d'urgence des personnes privées de domicile, en particulier de nombreuses familles avec enfants", selon les données compilées par le dernier rapport de la fondation Abbé-Pierre.
L'hôtel est ainsi actuellement la seconde solution la plus répandue d'"hébergement d'urgence et de stabilisation", après les centres d'hébergement d'urgence (CHU), stabilisation ou insertion. Et, "si l'essentiel des places se situe en Ile-de-France (19.078 places, soit 79 %), d'autres territoires voient leurs capacités d'hébergement hôtelier s'accroître fortement, comme l'Alsace (de 47 places mobilisées fin 2012 à 168 en juin 2013) ou encore l'Auvergne (de 115 à 265 places sur la même période)", précise la fondation Abbé-Pierre dans son rapport.

La transition a un coût  

Du fait de l'ampleur du phénomène et de la pression de l'urgence, les acteurs associatifs et institutionnels du secteur s'interrogent forcément sur la façon d'assurer la transition. Dans son pacte pour "Sortir de l'urgence" présenté le 15 janvier dernier (voir notre article "Accès au logement des sans-abri : comment lever les obstacles locaux ?"), la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale proposait certaines "mesures concrètes" pour les zones tendues et, notamment, "le rachat par les pouvoirs publics ou les bailleurs d'hôtels pour les transformer en solutions d'hébergement".
Dans son rapport d'évaluation de la deuxième année du plan Pauvreté récemment remis au Premier ministre (voir notre article du 27 janvier 2015), la mission de l'Inspection générale des affaires sociales pilotée par François Chérèque recommandait elle aussi "un plan d'urgence" de diminution des nuitées hôtelières, "en tenant compte que ce plan aura un coût financier pendant sa mise en œuvre". Sylvia Pinel a évoqué le transfert d'une enveloppe budgétaire d'un poste vers d'autres postes, sans pour le moment mentionner de prise en charge du surcoût lié à la gestion de la transition. La mission d'inspection appelait aussi à prêter une attention particulière à la situation des familles déboutées du droit d'asile.  

 

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