Un discours sur l'état de l'Union résolument tourné vers la défense

Après avoir multiplié les déconvenues sur la scène internationale cet été, la présidente de la Commission européenne a cherché à reprendre la main devant le Parlement de Strasbourg, ce mercedi 10 septembre, avec un discours sur l'état de l'Union - le premier de son nouveau mandat - en grande partie axé sur les questions de défense. On retiendra également plusieurs annonces liées au pouvoir d'achat : logement, pauvreté, énergie, véhicules électriques "abordables"... et la poursuite de son agenda sur le "bouclier démocratique", les médias et la santé.

C’est une Ursula von der Leyen fragilisée qui s’est présentée devant le Parlement européen à Strasbourg, mercredi 10 septembre, pour le premier "discours sur l’état de l’Union" de son nouveau mandat. Fragilisée par l’accord commercial déséquilibré signé le 27 juillet avec les États-Unis, la rencontre en Alaska entre Donald trump et Vladimir Poutine suivie de l’image désastreuse pour la "souveraineté européenne" des dirigeants européens assis dans le bureau ovale du président américain. Fragilisée aussi par la récente affaire de désinformation sur les perturbations de son vol en Bulgarie. Fragilisée encore par la menace de deux motions de censure préparées par les groupes Gauche et Patriotes pour l'Europe. Mais, loin de Washington ou de la résidence écossaise de Donald Trump, elle a retrouvé de sa pugnacité. Pendant plus d’une heure, elle a articulé en anglais et en français un discours dominé par l’actualité internationale et "la menace russe", avant de passer aux questions économiques et sociales. 

"Libérer du carcan de l'unanimité"

"L’Europe doit prendre son indépendance", elle défendra "chaque centimètre carré de son territoire", a-t-elle clamé, annonçant qu’elle présentera lors du prochain conseil européen une "feuille de route sur la défense à horizon 2030" assortie d’un "semestre européen de la défense". Pourquoi 2030 ? C’est une date qui revient souvent dans l’agenda de l’Otan pour évoquer une attaque russe sur le sol européen ; elle est également mentionnée à plusieurs reprises dans la Revue nationale stratégique 2025 publiée en juillet, sans jamais étayer les raisons.

La présidente de la Commission veut également revoir le vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil sur la politique étrangère. "Le moment est venu de nous libérer du carcan de l'unanimité", a-t-elle affirmé, relayée quelque temps plus tard par le patron du Parti populaire européen, l’Allemand Manfred Weber, critiquant certains dirigeants européens comme le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, et son homologue slovaque Robert Fico qu’il a qualifié de "fou".

Ursula von der Leyen a aussi appelé à la "réunification de l’Europe", avec l’intégration de l’Ukraine, de la Moldavie et des Balkans occidentaux. Devant de nombreux députés de gauche habillés en rouge en soutien au peuple palestinien, la cheffe de l'exécutif européen a évoqué la situation "inacceptable" à Gaza et dit vouloir suspendre partiellement l’accord commercial entre l’UE et Israël. Elle a ensuite a abordé, sans transition, l’économie. Alors que sa "boussole pour la compétitivité" vacille, que l’industrie est asphyxiée, elle veut maintenir le cap du pacte pour une industrie propre : un train de mesures intitulé "Battery Booster" mobilisera 1,8 milliard d’euros en fonds propres, un critère "made in Europe" dans les procédures de passation de marchés publics est toujours à l’ordre du jour, et la Commission proposera "un acte législatif pour l'accélération de l'activité industrielle en faveur des secteurs et technologies clés". Elle proposera aussi un nouvel "instrument commercial à long terme" sur l’acier pour mener à bien les mesures de sauvegarde arrivant à expiration. 

Pouvoir d'achat

La présidente de la Commission s’également inquiétée de la situation sociale en Europe et de la baisse du pouvoir d’achat. Un plan visant à contribuer à l'éradication de la pauvreté d'ici à 2050 est en préparation. Et, alors que le "plan pour un logement abordable" du commissaire Dan Jørgensen se fait attendre, la présidente a égrainé quelques mesures : révision des règles sur les aides d'État pour permettre la mise en œuvre de mesures d'aide au logement, permis facilités pour permettre la construction de nouvelles maisons et de nouvelles résidences pour étudiants, initiative juridique sur les locations de courte durée de type Airbnb, organisation du premier sommet de l’UE sur le logement. "Les prix des logements ont augmenté de plus de 20% depuis 2015. Et les permis de construire ont diminué de plus de 20% en cinq ans", a-t-elle indiqué. 

Autre secteur en souffrance : l’automobile. La Commission promet de "travailler avec l'industrie sur une nouvelle initiative relative aux voitures abordables et de petite taille". "Qu'on le veuille ou non, l'avenir sera électrique", a martelé Ursula von der Leyen, mais "nous ne pouvons pas laisser la Chine et les autres concurrents s'emparer de ce marché".

Résilience démocratique, médiatique et sanitaire

Dans la lignée du rapport Letta, elle a appelé à achever le marché unique avec une feuille de route pour 2028 dans les domaines de la finance, l'énergie et les télécommunications. "Nous sommes maintenant sur la voie de l'indépendance énergétique", a-t-elle, alors que l’accord commercial passé avec les États-Unis prévoit de se fournir à hauteur de 750 milliards de dollars (692 millions d’euros) en énergies fossiles auprès d’eux. Mais Ursula von der Leyen veut renforcer les réseaux et les interconnexions : une initiative sur les "autoroutes de l’énergie" identifie huit "goulets d’étranglements" qu’il s’agira de supprimer.

Elle a enfin abordé un champ plus politique. "Le respect de l'État de droit est une condition essentielle pour les fonds européens", a-t-elle rappelé. Elle veut encore accentuer le contrôle de l’information, sous couvert de lutte contre les ingérences et les manipulations. Il s’agira de mettre en place le "Bouclier européen démocratique", avec la création d’un "centre européen pour la résilience démocratique" et un nouveau programme consacré à "la résilience médiatique" verra le jour. Il soutiendra "le journalisme indépendant et l'éducation aux médias".

Par une phrase sibylline, elle a annoncé "une nouvelle initiative mondiale pour la résilience sanitaire". "Nous sommes au bord, si ce n'est déjà au début, d'une autre crise sanitaire mondiale", a-t-elle déclaré, faisant part de sa consternation face à "la désinformation qui menace les progrès mondiaux concernant toutes les maladies, de la rougeole à la polio". 

 

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