Un nouveau Premier ministre dans les "tout prochains jours" ?
L'Assemblée a bien, ce lundi 8 septembre, renversé François Bayrou, qui a échoué à obtenir la confiance des députés. Les regards sont désormais tournés vers Emmanuel Macron, qui nommera un nouveau Premier ministre "dans les tout prochains jours", en dépit des appels à la dissolution ou à sa démission.

© Assemblée nationale
Les députés ont renversé lundi François Bayrou, en lui refusant la confiance à une nette majorité lors d'un vote qu'il avait lui-même sollicité sur l'état des finances publiques. 364 députés, issus des rangs des oppositions allant de RN à LFI, ont voté contre la confiance au gouvernement tandis que 194, issus des rangs de la coalition gouvernementale, ont voté pour. 15 se sont abstenus. Mais les députés Les Républicains, membres de cette coalition et qui bénéficiaient d'une liberté de vote, se sont divisés : 27 ont voté pour la confiance, dont le chef du groupe Laurent Wauquiez, 13 contre, et 9 se sont abstenus. Dans le détail, la quasi-totalité des groupes macroniste, MoDem et Horizons (parti d'Edouard Philippe), ont voté pour la confiance. Seule exception, l'élue macroniste du Nord Violette Spillebout, qui s'est abstenue, en raison des prises de position du Premier ministre sur l'affaire Bétharram, elle qui avait été co-rapporteure d'une commission d'enquête à ce sujet. Les députés du Rassemblement national, leurs alliés ciottistes de l'UDR, les insoumis, les socialistes, les écologistes et le groupe des communistes et ultra-marins ont voté à l'unanimité contre. Les indépendants de Liot ont majoritairement voté contre (15 contre, 4 pour, 4 abstentions). Le reste des voix provient de députés non inscrits (3 pour, 6 contre et une abstention).
François Bayrou, premier chef de gouvernement de la Ve République à être renversé lors d'un vote de confiance, devait présenter sa démission au président Emmanuel Macron ce mardi matin, selon l'un de ses proches. Et une demi-heure après le vote des députés, l'Elysée a confirmé qu'Emmanuel Macron recevrait mardi le chef du gouvernement pour "accepter la démission de son gouvernement".
Quant à François Bayrou, il souhaite "une passation la plus fluide possible pour que très rapidement, la prochaine équipe puisse se mettre au travail", a expliqué Matignon. Des réponses, indirectes, à ceux qui réclament le départ du chef de l'Etat ou une dissolution.
"Nous avons besoin, à la suite d'un mouvement dégagiste, d'un moment refondateur. Seule l'élection présidentielle" le permet, a réaffirmé Jean-Luc Mélenchon sur France 2. "Un nouveau gouvernement, au vu de l'équation politique, ne passera probablement pas la discussion budgétaire", a affirmé Marine Le Pen, martelant que "la dissolution n'est pas pour (Emmanuel Macron) une option, mais une obligation". La patronne des Ecologistes Marine Tondelier a, elle, appelé le chef de l'Etat à recevoir les chefs des partis de gauche avant de nommer le prochain Premier ministre.
Plus tôt dans l'après-midi, François Bayrou avait défendu devant les députés son diagnostic sur l'état des finances publiques, qui engage "le pronostic vital" du pays, selon lui. "Notre État, notre indépendance, nos services publics, notre modèle social" sont en danger, a lancé à la tribune le Premier ministre, dans un dernier discours alarmiste sur les finances publiques. Sans conjurer le sort promis depuis quinze jours. Si le résultat était attendu, il n'en reste pas moins historique : François Bayrou devient le Premier chef de gouvernement de la Ve République à échouer sur tel vote de confiance qu'il n'était pas obligé de solliciter, moins d'un an après la censure du gouvernement de Michel Barnier.
Les tractations pour remplacer le patron du MoDem sont déjà bien entamées, pressées par l'impératif du budget 2026. Plusieurs dates plaident aussi pour une vacance courte : les mobilisations "Bloquons tout" le 10 septembre (voir encadré ci-dessous), syndicales le 18, ou la décision vendredi de l'agence Fitch qui pourrait dégrader la note de la dette française.
Le Parti socialiste s'est de nouveau placé au centre du jeu. "Les socialistes sont prêts", a martelé à la tribune le chef de leur groupe, apostrophant Emmanuel Macron : "qu'il vienne nous chercher". Mais dans l'entourage du Président, peu voient Emmanuel Macron nommer le premier secrétaire du PS Olivier Faure, qui rejette lui-même l'idée d'un gouvernement "commun" avec des macronistes. Sur TF1, il a indiqué ne pas avoir été contacté par le président.
Le patron des Républicains Bruno Retailleau a prévenu : "hors de question" d'accepter un Premier ministre socialiste. Sur France 2, le ministre de l'Intérieur a assuré ne pas être "sur les rangs" pour Matignon.
Plus probable : la négociation d'un accord de non-censure par une personnalité de droite ou du centre. "Le plus stable, c'est le socle commun qui dialogue avec les socialistes", estime un proche du président. Pour obtenir cet accord, Emmanuel Macron doit accepter "qu'il n'a plus de majorité" et qu'il "doit revoir ses politiques fiscales pour permettre la stabilité", a estimé sur LCI le leader de Place uublique, Raphaël Glucksmann.
Plusieurs noms circulent : les ministres Sébastien Lecornu (Armées), Gérald Darmanin (Justice), Catherine Vautrin (Travail et Santé), Éric Lombard (Économie), le président LR des Hauts-de-France Xavier Bertrand, l'ancien chef de la diplomatie et ex-socialiste Jean-Yves Le Drian..; Certains ont aussi prononcé le nom de Jean Castex.
Autre solution proposée dans les couloirs du Palais Bourbon lundi, un négociateur chargé de trouver un accord budgétaire. Le président de Renaissance Gabriel Attal a notamment plaidé pour un "accord d'intérêt général" de dix-huit mois jusqu'à la présidentielle.
Dans tous les cas, en attendant, l'actuel gouvernement devrait rester chargé de "l'expédition des affaires courantes". Une notion, comme le montrait une note du Secrétariat général du gouvernement de juillet 2024, relativement élastique.
› 10 septembre : "80.000 gendarmes et policiers" mobilisés, "aucune violence"Quelque "80.000 gendarmes et policiers" seront mobilisés ce mercredi pour éviter tout débordement dans le cadre du mouvement social "Bloquons tout", a annoncé lundi soir Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur démissionnaire. "On ne tolérera aucun blocage, aucune violence, aucune action évidemment de boycott", a ajouté sur France 2 Bruno Retailleau, qui doit réunir ce mardi matin l'ensemble des préfets pour évoquer la mobilisation du 10-Septembre. Le président des Républicains a vivement critiqué La France insoumise et son leader Jean-Luc Mélenchon, les accusant de vouloir "souffler sur les braises de l'exaspération de la colère des Français". Les insoumis "veulent créer, comme je l'indiquais, un climat insurrectionnel", a-t-il dénoncé. Analysant la genèse et l'évolution du mouvement du 10-Septembre, le ministre a observé qu'"au départ, il y a eu une mobilisation citoyenne" qui "a été depuis confisquée et détournée". Puis "ça a été une radicalisation" par "la mouvance d'extrême gauche", a-t-il poursuivi. "On sait que ces groupuscules (...), ils sont déterminés, ils sont organisés et l'ultragauche est ultraviolente", a développé Bruno Retailleau, disant craindre des actions violentes mercredi. Les autorités s'attendent à des actions diverses sur tout le territoire allant de blocages de gares, de raffineries, d'axes de circulation à des opérations de sabotages de radars automatiques et des manifestations classiques. Les services de renseignements soulignent la difficulté à anticiper ce que sera ce mouvement "horizontal" et sans chef. "Chacun fait ce qu'il veut" dans un contexte de "grogne et de colère", avait noté auprès de l'AFP une source sécuritaire en fin de semaine dernière. Les policiers et gendarmes mobilisés "auront une consigne très claire, c'est la fermeté" et "ils devront interpeller au maximum" en cas de délits soupçonnés, a indiqué lundi soir Bruno Retailleau. "Quand il y a des cortèges, on les accompagnera parce que c'est un droit constitutionnel de manifester tranquillement. Mais on ne supportera vraiment aucune violence ni débordement", a-t-il prévenu. |