Une proposition de loi pour sauver les jardins d'enfants

Une proposition de loi vient au secours des jardins d'enfants, menacés de disparition à l'horizon 2024. Le texte prévoit que seuls les jardins d'enfants existants gérés ou financés et conventionnés par une collectivité puissent être pérennisés.

Une proposition parlementaire de loi (PPL) de la députée de Paris Éva Sas, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 4 avril 2023, vise à pérenniser les jardins d’enfants bénéficiant de financements publics. En instaurant l’instruction obligatoire à trois ans – et donc en obligeant les enfants à fréquenter une école dès cet âge, sauf à recourir, par dérogation, à l'instruction en famille –, la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a causé un dommage auquel elle n'avait pas pensé initialement : la disparition des jardins d'enfants, dont certains existent depuis plus de cent ans. Ces établissements d’accueil du jeune enfant, et notamment ceux qui dépendent des collectivités locales ou agissent par délégation de service public, ne pourront plus, à partir de la rentrée 2024, accueillir les enfants de trois à six ans, sauf à se transformer en établissement d'accueil du jeune enfant (EAJE) ou en école maternelle.

Une spécificité locale

C’est notamment le cas pour les jardins d’enfants pédagogiques de la ville de Paris, où 1.350 enfants âgés de deux à six ans étaient accueillis à la rentrée scolaire 2022, les jardins d’enfants associatifs bilingues ou les jardins d’enfants intégrant une forte proportion d’enfants en situation de handicap financés par les collectivités locales. Dans l'exposé des motifs de sa PPL, Éva Sas estime d'ailleurs que "la disparition des jardins d’enfants aura alors pour conséquence d’aggraver les difficultés des parents d’enfants en situation de handicap alors même que la France souffre d’un manque d’accompagnants des élèves en situation de handicap". À Paris, les enfants en situation de handicap représentent 12% des effectifs des jardins d'enfants.

Régulièrement interpelé sur le sujet, notamment à l'occasion d'une question écrite d'Éva Sas à laquelle il a répondu le 31 janvier 2023, le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye, a affirmé que les jardins d'enfants "doivent pouvoir s'insérer dans la nouvelle obligation d'instruction à trois ans", et ajouté que la période transitoire jusqu'en septembre 2024 devait "être mise à profit pour permettre leur transformation". Le ministre a également précisé qu'à Strasbourg, l'autre grande ville avec Paris où ces structures sont très présentes avec 775 enfants accueillis, cette transformation était en cours et que la plupart des jardins d'enfants deviendraient, soit des crèches destinées aux enfants de zéro à trois ans, soit des écoles hors contrat. Il a conclu en se disant "disposé à travailler avec la ville de Paris dont il attend les propositions pour trouver les solutions adaptées".

La question des jardins d'enfants associatif

Plutôt que de transformer les jardins d'enfants en écoles ou en crèches comme les autres, la PPL propose donc de les pérenniser en leur accordant une dérogation permanente dans la mesure où ils correspondent à la définition de la loi du 26 juillet 2019 : établissement d'accueil collectif recevant exclusivement des enfants âgés de plus de deux ans dit "jardin d'enfants" qui était ouvert à la date d'entrée en vigueur de la loi. La PPL prévoit par ailleurs un contrôle par l'Éducation nationale de l’acquisition des connaissances des enfants accueillis dans les jardins d'enfants. Elle fixe une entrée en vigueur des mesures au 1er août 2024, ceci afin d'éviter toute mise en application, même temporaire, des dispositions de la loi du 26 juillet 2019. Elle prévoit encore une compensation par l'État de toute nouvelle charge pour les collectivités territoriales.

Enfin, le texte d'Éva Sas prévoit que les jardins d'enfants concernés par cette dérogation permanente devront être gérés ou financés et conventionnés par une collectivité publique. Ce point soulève un problème particulier : quid de l'avenir des jardins d'enfants associatifs hors contrat ne bénéficiant ni d'un financement ni d'un conventionnement par une collectivité ? Il se trouve que ce point a été tranché le 5 avril par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat qui planche actuellement sur la PPL "pour une école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité", du sénateur des Pyrénées-Atlantiques Max Brisson. Un amendement au texte y dispose que tout jardin d'enfants "géré, financé ou conventionné par une collectivité publique, ou associatif" ouvert au juillet 2019 pourra bénéficier de la dérogation.

Selon une source proche du dossier, il existe donc une volonté parlementaire transpartisane de sauver les jardins d'enfants, seul le périmètre définitif des structures concernées reste encore à définir… En témoigne le dépôt de deux autres PPL sur le même sujet ces dernières semaines. Et c'est peut-être du texte de Max Brisson, dont l'examen en séance publique au Sénat est prévu le 11 avril, que viendra la solution.