Vers un nouveau modèle pour la construction de casernes de gendarmerie ?
Alors que le plan de construction de 239 brigades de gendarmerie est à l'arrêt, le directeur général de la gendarmerie nationale défend un nouveau modèle de construction reposant sur un système de location avec offre d'achat. Selon lui, le système locatif actuel n'est plus supportable financièrement.
      
                © Capture vidéo Sénat/ Le Général Hubert Bonneau
Seules 80 des quelque 230 brigades de gendarmerie promises par Emmanuel Macron en 2022 ont été créées : 28 fixes et 52 mobiles. Et aucune des 58 brigades de gendarmerie programmées en 2025 n’a vu le jour. "Elles sont normalement prises en compte dans le projet de loi de finances pour 2026", espère le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), Hubert Bonneau, auditionné par la commission des Affaires étrangères, mercredi 29 octobre, sur les crédits "gendarmerie".
En octobre 2023, à Tonneins (Lot-et-Garonne), le chef de l’Etat avait dévoilé une liste de 238 nouvelles brigades (portée à 239 depuis), à créer d’ici 2027 (lire notre article). Mais après une année blanche en 2025, l’avenir de ce déploiement est hypothéqué. "Dans quelle proportion se feront les brigades en 2027, je ne peux pas vous le dire", a déclaré le général d’armée, devant les sénateurs, évoquant un possible "glissement" au-delà de 2027. "Ce seront des négociations à lancer. J’espère que le plan ira au bout", a-t-il lâché.
Si le budget est voté, le schéma d’emploi programmé prévoit bien 400 ETP supplémentaires. "Il nous faudrait exactement 464 ETP pour faire les 58 brigades supplémentaires. Nous aurons 400 ETP, donc on régularisera par la suite", a-t-il précisé. Selon lui, il manque encore 1.145 ETP pour aller au bout du plan. Même si "tout n’est pas affaire d’ETP". Il faut aussi "donner aux gendarmes les moyens d’être plus performants", a-t-il souligné, évoquant notamment le recours à l’IA pour "détecter les "mouvements anormaux", tels que les "remontées de produits stupéfiants sur les autoroutes".
Envolée des loyers
Malgré un budget en augmentation de 200 millions d’euros en 2026, le DGGN a alerté sur les besoins auxquels la gendarmerie doit faire face, dans un contexte de recrudescence de la violence. "Sur dix ans, c'est plus 25% d'augmentation de la délinquance générale dans notre zone de compétence. Les interventions ont augmenté de plus de 53%, les gardes à vue ont augmenté de plus de 40%", a-t-il dit, insistant sur l’essor de la criminalité organisée en zone rurale et sur l’augmentation des violences familiales.
Le retard pris par le plan de nouvelles brigades est symptomatique des sous-investissements chroniques auxquels la gendarmerie fait face depuis de nombreuses années, dont le sénateur LR de la Vienne Bruno Belin avait révélé l’ampleur dans un rapport retentissant en juillet 2024. Ce dernier évoquait une "dette grise" de 2,2 milliards d’euros dans le parc immobilier de la gendarmerie (lire notre article).
Les casernes sont aujourd’hui confrontées à l’envolée de leurs loyers. L’an dernier la situation était telle, que plusieurs d’entre elles avaient suspendu leurs loyers en raison de problèmes de trésorerie, imputés notamment au surcoût de la sécurisation des Jeux olympiques et au déploiement de brigades en Nouvelle-Calédonie (lire notre article). "Quand je regarde le prix des loyers en gendarmerie en 2009, c’est 300 millions d’euros. L’année dernière, c’est 620 millions d’euros. Dans moins de 10 ans, c’est 1 milliard d’euros", a indiqué Hubert Bonneau. Pour le patron de la gendarmerie, le retour à "l’immobilier domanial", c’est-à-dire dans le giron de l’Etat, devient une "absolue nécessité", alors qu’aucune gendarmerie n’a été construite en domanial depuis 2011. Comme le montrait le rapport sénatorial, seules 649 casernes appartiennent aujourd’hui à l’Etat, les 3.075 autres sont louées, soit à des collectivités soit à des bailleurs sociaux. Un mauvais calcul selon Hubert Bonneau car "une caserne domaniale coûte deux fois moins cher en exploitation qu'une caserne locative".
Location avec option d’achat
Pour sortir de l’impasse financière, un nouveau dispositif de location avec option d’achat pourrait être rapidement proposé. Un décret est en cours d’élaboration. "Il s'agit pour nous de démarcher les collectivités, en particulier les mairies, de trouver un terrain, de construire avec un bailleur, et on produirait un emprunt à taux fixe, par exemple, sur 22 ans. À l'issue, la commune ayant retrouvé ses petits, s'étant même enrichie parfois, la brigade reviendrait en domanialité à la gendarmerie", a-t-il exposé. "Cela permettra de lever tous ces blocages qui aujourd'hui rajoutent des délais quand on veut construire des brigades", a abondé son directeur des finances.
Mais ce retour au domanial inquiète les collectivités qui vont devoir fournir les terrains. L’idée a laissé "perplexe" le sénateur Jean-Pierre Grand (Hérault, Les Indépendants) : "Au moment où nous allons voter un budget où il n'y aura plus de DETR, etc., ce sera un peu compliqué quand même de leur demander d'intervenir. Et puis, ce n'est pas leur rôle."
Pour Hubert Bonneau, c’est "un choix". "Un maire qui veut une brigade, s'il propose un terrain, c'est vers lui qu'on ira", a-t-il rétorqué.
Le DGGN a aussi évoqué les problèmes de remplacement de matériels notamment les 22.000 "Famas" dont sont équipés les gendarmes qui ont quarante ans d’âge, ou encore la flotte d’hélicoptères elle aussi vieillissante...