Accord avec le Mercosur : Paris sur le point de céder

La Commission a présenté, mercredi 3 septembre, la version finale de l'accord de libre-échange avec les pays du Mercosur, assorti d'un mécanisme de sauvegarde (en cas d'importations massives de certains produits agricoles sensibles) qui semble satisfaire la France jusqu'ici opposée à la signature. Mais pour faire passer l'accord, Bruxelles entend bien séparer le partenariat stricto sensu du volet commercial qui se limitera à un vote du Parlement européen et une adoption du Conseil, à la majorité qualifiée.

Après l’échec cuisant des négociations commerciales avec les États-Unis, la Commission européenne a soumis au Conseil, ce mercredi 3 septembre, la version finale de l’accord de libre-échange avec le Mercosur arrêté à Montevideo en décembre 2024 (voir notre article du 6 décembre), et un autre accord du même type avec le Mexique. Le ton se veut toujours triomphal : "Dans un contexte d’instabilité géopolitique croissante, ces accords nous rapprochent de partenaires stratégiquement importants", souligne l’institution dans un communiqué. Ils "créeront des opportunités d’exportation de plusieurs milliards d’euros pour les entreprises européennes de toutes tailles, contribueront à la croissance économique et à la compétitivité, soutiendront des centaines de milliers d’emplois en Europe et favoriseront les intérêts et les valeurs de l’UE". Selon elle, les exportations européennes vers les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) devraient augmenter de 39% et de 50% pour l’agroalimentaire grâce aux réductions des droits de douanes, notamment pour les vins et spiritueux, le chocolat ou l’huile d’olive…

Clause de sauvegarde

Alors que la France s’opposait jusqu’ici à cet accord "en l’état", demandant des garanties, la Commission a promis de le compléter par un "acte juridique" pour protéger "les produits européens sensibles contre toute augmentation préjudiciable des importations en provenance du Mercosur". En cas d’importations massives et de baisses de prix sur un produit, la Commission pourra enclencher une enquête pouvant conduire à des restrictions. Ce dont Paris s’est félicité, mercredi, par la voix de la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas. La Commission européenne a "entendu les réserves" de la France et des pays ralliés à sa cause, en acceptant d’actionner les clauses de sauvegarde, a-t-elle estimé, à l’issue du conseil des ministres. "Nous avons besoin d’analyse cette clause de sauvegarde. Nous sommes très attachés à deux points qui ont semble-t-il été obtenus – il faudra vérifier si c'est bien dans l’accord – qui sont le fait que cette clause de sauvegarde puisse être actionnée par un seul pays (…) et deuxièmement que cette clause de sauvegarde puisse s’appliquer de façon temporaire avant décision définitive."

"Passage en force"

Mais le débat sur la clause de sauvegarde en occulte un autre : la séparation de l’accord en deux parties ("splitting") pour en faciliter l’adoption avec, d’un côté, l’accord de partenariat stricto sensu qui requiert la ratification de chaque État membre et, de l’autre, le volet commercial qui relève de la "compétence exclusive de l'UE", "dans le cadre du processus de ratification réservé à l'UE, c'est-à-dire impliquant le Parlement européen et le Conseil de l'UE" (à la majorité qualifiée). Une procédure déjà dénoncée par Départements de France, en décembre, évoquant alors une "manœuvre méprisable, indigne du fonctionnement démocratique de l’Union européenne" (voir notre article du 12 décembre). Le collectif Stop Ceta-Mercosur a fait part mercredi de sa "consternation" face à ce qu'il qualifie de "passage en force". "Jamais les moyens diplomatiques adéquats n'ont été mobilisés par Paris pour constituer une minorité de blocage, dénoncer le mandat de négociations et stopper leur finalisation", s’insurge le collectif.

"Avec un collectif transnational et transpartisan d’eurodéputés, nous explorerons toutes les voies possibles, y compris les voies légales comme le recours à la Cour de justice, afin de garantir la compatibilité de l’accord avec les traités", annonce pour sa part la délégation française du groupe S&D au Parlement européen. Selon elle, l’accord pose des "problèmes majeurs" : "dumping agricole" fragilisant des filières sensibles comme le bœuf, la volaille ou le sucre, "écart de normes qui favorise l’agriculture intensive sud-américaine", intensification de la déforestation ou de l’accaparement des terres… 

 

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