Adaptation au changement climatique : un rapport parlementaire dénonce un Pnacc 3 sous-financé

Dans un rapport publié ce 2 juillet par la commission des finances de l'Assemblée, deux députés écologistes déplorent l'absence d'évaluation du financement à allouer à l'adaptation climatique en général et l'absence de véritables moyens supplémentaires accordés au 3e plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC3) en particulier. Considérant la mise en œuvre de ce dernier "inenvisageable à moyens constants", déjà insuffisants, ils dressent 12 recommandations pour y remédier.

Dans un rapport d'information sur les moyens consacrés à l'adaptation au changement climatique publié ce 2 juillet, les députés Tristan Lahais (Écologiste, Ille-et-Vilaine) et Eva Sas (Écologiste, Paris) dénoncent l'absence de chiffrage et de programmation pluriannuelle des 52 mesures du 3e plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc 3) dévoilé à l'automne (lire notre article) et officiellement présenté le 10 mars dernier (lire notre article). Ils indiquent également "n'avoir identifié aucun moyen supplémentaire pour financer le Pnacc 3 ou pour couvrir les coûts des mesures prioritaires", concluant que sa mise en œuvre se fait "à moyens constants", ce qui leur semble "inenvisageable". Une situation qui avait d'ailleurs été critiquée dès la présentation du Pnacc (lire notre article précité), notamment par le Haut Conseil pour le climat (lire notre article du 13 mars). Et qui a même conduit, depuis, des associations à poursuivre l'État (lire notre article du 9 avril).

Un fonds vert peau de chagrin

Les deux parlementaires précisent que le déploiement du plan repose notamment sur le fonds vert et sur le fonds Barnier. Or, ils observent que les autorisations d'engagement du premier ont été ramenées de 2,5 milliards d'euros en loi de finances pour 2024 à 1,6 milliard d'euros en exécution, puis à 1,15 milliard en autorisations d'engagement en loi de finances pour 2025, avant de faire l'objet d'une coupe budgétaire de 63 millions d'euros en avril 2025 (lire notre article du 6 novembre). Pour mémoire, institué en 2023, et alors doté de 2 milliards d'euros, le fonds vert avait alors consacré plus de 250 millions d'euros à l'adaptation (lire notre article du 19 avril 2024) – 276,5 millions d'euros, précise le rapport. En 2024, alors que le fonds aurait dû bénéficier d'une rallonge de 500 millions d'euros, sa dotation avait finalement été ramenée à son montant initial (lire notre article du 22 avril 2024 et celui du 17 mai 2024) – le rapport précisant que 219,1 millions d'euros ont été engagés cette année-là en faveur de l'adaptation. Avant que l'enveloppe de ce fonds ne soit effectivement revue fortement à la baisse par le gouvernement Attal pour 2025 (lire notre article du 30 août). Maigre consolation, la circulaire adressée au printemps aux préfets pour sa mise en œuvre fait de l'adaptation des territoires au changement climatique une "priorité" (lire notre article du 5 mars).

Un fonds Barnier ponctionné

S'agissant du second, les auteurs relèvent qu'il a certes été augmenté [de 75 millions d'euros] dans la loi de finances pour 2025 pour atteindre 300 millions d'euros, mais mettent en regard les 450 millions d'euros que l'État devrait encaisser via l'augmentation de la surprime "Cat Nat" sur les contrats d'assurance. "Presque un impôt innommé", avait dénoncé la députée Christine Lavarde lors de l'examen de la proposition de loi sur le régime Cat Nat (lire notre article du 30 octobre 2024). Interrogé sur ce "différentiel", et son affectation, par le député Hervé Saulignac, le ministère de l'Economie avait argué en février dernier que ce "surplus" devait notamment permettre de renforcer les moyens d'actions du régime d'indemnisation Cat Nat, de conforter la soutenabilité de ce dernier, et de mettre en œuvre les mesures prises par le gouvernement afin d'améliorer l'indemnisation des sinistrés. Sans totalement convaincre.

Des moyens humains insuffisants

En outre, alors qu'ils estiment que les moyens humains affectés à cette politique sont déjà "insuffisants", ils mettent en exergue "une baisse significative des effectifs du pôle ministériel [chargé] de l'écologie et de l'aménagement du territoire ainsi que des opérateurs". Avec pour conséquence, par exemple, que "seules 130 collectivités sont suivies par la mission Adaptation (lire notre article du 18 avril 2024), un chiffre faible au regard du besoin de l'ensemble des territoires" alors que "leur besoin en ingénierie est important et leur rôle crucial dans la politique d'adaptation.  Et de relever encore que lors de son audition, l'Ademe a souligné que "le goulet d’étranglement principal pour les collectivités restait la disponibilité et la pérennisation d’un chargé de mission sur l’adaptation". Un goulet qui risque d'être difficile à desserrer, puisque le rapport estime qu'une "généralisation de cet accompagnement à l'ensemble du territoire représenterait plus de 1.000 ETP et près de 1,45 milliard d'euros supplémentaires à engager".

12 recommandations 

Pour remédier à la situation, les deux élus dressent 12 recommandations :

- consacrer l'existence législative de la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (Tracc) – une piste déjà étudiée par la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, qui privilégie toutefois la voie réglementaire (lire notre article du 21 mai dernier) –, Tracc qui devrait dès lors "être prise en compte lors de toute politique publique, analyse de vulnérabilité et évaluation environnementale de projets" ;

- renforcer la place de l'adaptation au sein de la 3e stratégie nationale bas-carbone et de la programmation pluriannuelle de l'énergie ;

- établir une estimation annualisée du coût de l'inaction et ce, "à l'échelle nationale, européenne et mondiale" ;

- clarifier la gouvernance de chaque mesure et de l'ensemble du Pnacc 3 ;

- élargir l'étude d'impact du changement climatique aux éventualités à haut risque, aux risques en cascade, à la sécurité du territoire national et à la défense de l'ensemble des infrastructures critiques ;

- inscrire les moyens en faveur de l'adaptation dans une programmation pluriannuelle ; 

- doter le Pnacc 3 d'un plan de financement complet décliné par échelle d'acteurs ;

- garantir, dans le projet de loi de finances pour 2026, un renforcement des moyens humains des opérateurs participant à la mission Adaptation (23 ETP en 2025) ;

- affecter la totalité du prélèvement sur le produit de la surprime Cat Nat aux politiques de prévention des risques naturels et engager une réflexion pour instituer un mécanisme de revalorisation régulière du taux de cette surprime ;

- assurer la mise en œuvre effective du fonds en faveur de la prévention des risques de retrait-gonflement des argiles dès cette année et prévoir dans la loi de finances pour 2026 que son budget atteigne 50 millions d'euros, via "le reliquat de la partie de la surprime Cat Nat, actuellement non dirigée vers la prévention des risques naturels majeurs dans le budget de l’État" ;

- mettre en place un fonds d'adaptation des territoires littoraux au recul du trait de côte dès la loi de finances pour 2026, sur la base des recommandations du comité national du trait de côte. Lesquels travaux sont "assez largement finalisés", selon la ministre (lire notre article précité du 21 mai dernier).

 

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