Agressions d’élus : une baisse en trompe l'œil ?

Le Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus observe que les agressions d'élus ont baissé en 2024, par rapport à une année 2023 certes marquée par les émeutes. Par rapport à 2022, elles continuent au contraire leur progression. Les membres d'un exécutif local, et singulièrement les maires, restent sans surprise les principales victimes d'atteintes qui prennent majoritairement la forme de menaces ou d'outrages. Pour lutter contre le phénomène, de nouvelles mesures du plan de 2023 devraient être mises en œuvre cette année. Un "pack nouvel élu" va également être lancé à l'approche des municipales de 2026.

Créé en 2023 par Dominique Faure, alors ministre chargé des collectivités territoriales, le Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (Calae) a présenté, ce 20 mai, son premier et consistant rapport d’activité.

Des agressions plus nombreuses en 2024 qu'en 2022

À première vue, le rapport montre que les agressions d’élus ont enfin cessé d’augmenter l’an passé. Après un plus haut niveau atteint en 2023 – 2.759 procédures recensées –, le Calae en a dénombré 2.501 en 2024. Pas de quoi se réjouir toutefois, "tant ce chiffre reste inacceptable", souligne le ministre François-Noël Buffet. Et ce, d'autant moins qu'il faut se rappeler que le terne bilan de 2023 avait été en partie la conséquence des émeutes qui avaient durement frappé tout le territoire à l'été, et notamment entraîné l'incendie du domicile du maire de L'Haÿ-les-Roses (lire notre article du 2 juillet 2023). On relèvera ainsi que le nombre de procédures de 2024 dépasse celui affiché par le Calae pour 2022 (2.430 procédures dénombrées, nombre sensiblement plus élevé que les 2.265 faits qu'avait pour sa part recensés le ministère de l'Intérieur pour cette année-là – lire notre article du 16 mars 2023). Bref, le phénomène reste plus que jamais prégnant, avec pas moins de 30 à 40 faits par semaine.

Sans grand changement, la majorité – plus des deux tiers – de ces atteintes prennent la forme de menaces ou d'outrages (le quart commis en ligne), les violences physiques représentant un peu moins de 10% du total, et les destructions/dégradations de biens publics ou privés 10%.

La victime type : un maire, élu du Nord-Pas-de-Calais 

Sans surprise au regard de leur nombre, et sans doute aussi de leur "accessibilité" – littéralement "à portée de baffe", pour reprendre l'expression consacrée –, les membres d'un exécutif local sont les plus concernés, victimes de 82% des atteintes commises en 2024. Les maires étant évidemment là aussi "en première ligne", puisque représentant 64% des victimes cette même année (les adjoints et conseillers municipaux représentant 18% des victimes, les députés 15% et les sénateurs 2%).

Géographiquement, les territoires statistiquement les plus touchés par le phénomène sont Paris et la région parisienne, le Nord-Pas-de-Calais et les Bouches-du-Rhône, pour des raisons variées. Pour Paris et la région parisienne, la sur-représentation des instances (le Calae inclut les membres du gouvernement et le président de la République dans ses statistiques) joue d'autant plus que les dépôts de plainte pour des faits commis en ligne peuvent être enregistrés dans un service parisien même si leurs auteurs résident ailleurs. "C'est particulièrement vrai […] pour les parlementaires", note le rapport. Pour le Nord, les auteurs de celui-ci mettent en avant "le grand nombre de communes du département", alors que le contexte de la gestion de la crise liée aux inondations explique "un nombre important d'atteintes aux élus dans le Pas-de-Calais". Enfin, "les Bouches-du-Rhône sont marquées par un nombre important de plaintes concernant un [d'un ?] parlementaire", est-il indiqué.

État des lieux du plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus et du "pack sécurité"

Le rapport dresse par ailleurs un état des lieux du plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus, présenté en 2023, en deux temps (lire notre article du 17 mai 2023 et celui du 7 juillet 2023), notamment en réaction à l'incendie du domicile du maire de Saint-Brévin cette fois. Il en ressort que plusieurs des 12 mesures prévues ont été, en tout ou partie, mises en œuvre. Ainsi, par exemple, du renforcement de la protection fonctionnelle, du renforcement des sanctions encourues par les auteurs des atteintes, d'une meilleure information des élus sur le traitement judiciaire de leurs plaintes ou de l'élaboration d'un protocole entre les associations des maires et les procureurs de la République, mesures portées par la loi du 21 mars 2024 (lire notre article du 5 avril 2024). Ou encore de la mise en place d'un dispositif d'appui technologique (notamment via le n° 01 80 52 33 84) et du déploiement de "boutons d'appel" – après une première phase de dotation jugée "concluante" de 74 boutons, ce dernier "doit être généralisé à l'ensemble du territoire d'ici la fin de l'année". 

D'autres restent à conduire. Ainsi de la prise en charge des frais de procédure et d'assurance, laquelle "n'a pu aboutir", indique le Calae sans plus de précision, mais aussi de la mise en place de mesures de sécurisation ponctuelle des locaux, dont la mise en place est "envisagée" au cours de cette année ou encore de la mise en œuvre de formations croisées collectivités/justice – une "réflexion" est "en cours" avec la place Vendôme pour la mise en place de modules dans la formation initiale et continue des magistrats relatifs aux collectivités, et de modules de formation à l'organisation de l'institution judiciaire pour les élus locaux. 

Le rapport salue de même la "réussite" du "pack sécurité" également lancé en 2023 (lire notre article précité du 17 mai 2023), dressant un état des lieux détaillé des différentes mesures que ce "pack" comprend : formation des élus à la gestion des incivilités, applications Gend'Elu et Ma sécurité, référents élus mis en place par les forces de l'ordre, etc.

Un "pack nouvel élu" pour "franchir une nouvelle étape"

"Ces mesures portent leurs fruits", assure la place Beauvau. Elle estime que "ces dispositifs, combinés à la loi du 21 mars 2024 […], ont permis une réduction de 9% des faits signalés en 2024" – par rapport à une année 2023 dont on a rappelé néanmoins qu'elle était hors norme. Pour tenter d'enrayer vraiment le phénomène, "il importe de franchir une nouvelle étape", concède d'ailleurs le ministère. Celle-ci prendra la forme d'un "pack nouvel élu", lequel comprendra "l'ensemble des contacts locaux nécessaires (préfet, procureur, sous-préfet, référent atteintes élus, etc.), les "références du pack sécurité" ou encore "des fiches thématiques synthétiques reprenant les solutions possibles aux problèmes de sécurité du quotidien rencontrés par le maire", et une fiche "offre de proximité gendarmerie ou police, en fonction de la zone de résidence du maire". "Une sorte de kit qui permettra aux élus de savoir réagir quand on est victime d'une agression", précise François-Noël Buffet. Restera à trouver le moyen, s'il existe, de prévenir ces dernières, et de mettre un terme à "l'insécurité qui touche les élus", qui "n'est pas qu'un sentiment mais une réalité qu'il faut combattre", selon les mots du ministre.

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis