Agriculture : le Parlement adopte définitivement la loi Duplomb
Après des débats mouvementés, le Parlement a définitivement adopté, mardi, par un ultime vote des députés, la proposition de loi visant à lever les contraintes au métier d'agriculteur. Au-delà la réintroduction d'un néonicotinoïde, le texte prévoit d'assouplir les conditions d'agrandissements d'élevages ou la réalisation des ouvrages de stockage d'eau.

© Capture vidéo Assemblée nationale/ Annie Genevard le 8 juillet à l'Assemblée nationale
Par un ultime vote des députés (316 voix pour contre 223), le Parlement a définitivement adopté, mardi 8 juillet, la proposition de loi visant à "lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur", portée par les sénateurs Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (UC). Fin mai, ce texte très clivant qui réintroduit notamment un pesticide de la famille des néonicotinoïdes, avait fait l’objet d’une procédure inhabituelle : pour contourner ce qu’ils considéraient comme une obstruction de l’opposition (du fait d’une avalanche d’amendements), les députés avaient voté une motion de rejet, permettant ainsi un renvoi direct du texte en commission mixte paritaire (voir notre article du 27 mai). C’est la version de compromis sortie de la CMP qui a été votée successivement par le Sénat, le 2 juillet, puis par l’Assemblée, mardi.
Le texte - qui se veut complémentaire à la loi du 24 mars 2025 d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture – avait été réclamé par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, au moment de la crise agricole qui avait secoué le pays et une partie de l'Europe en 2024.
La version finale comporte bien la réintroduction à titre dérogatoire de l'acétamipride (interdit depuis 2018 en France mais autorisé en Europe jusqu'en 2033), mais sous conditions. Ainsi, cette réintroduction devra-t-elle répondre à une "menace grave compromettant la production agricole", avec une clause de revoyure "à l'issue d'une période de trois ans, puis chaque année" pour s’assurer qu les conditions sont toujours remplies (article 2). "L’Inrae identifie d’ores et déjà les filières concernées selon une méthode rigoureuse", a indiqué la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard.
Élevage, stockage de l'eau...
Au-delà de cette mesure qui a cristallisé les débats, le texte facilite la création ou l’agrandissement des élevages (article 3), pour s’aligner sur les pratiques européennes. Il rehausse les seuils à partir desquels les élevages sont considérés comme des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) devant être enregistrées ou obtenir une autorisation. Il donne aussi à l’éleveur le choix d’opter pour une réunion publique ou une permanence en mairie. Mais le gouvernement ne souhaite pas s’en tenir là : il devrait prochainement proposer par ordonnance un régime d'autorisation environnementale spécifique aux élevages pour les sortir du régime ICPE.
Le texte cherche à faciliter la réalisation d’ouvrages de rétention d’eau. Il instaure une présomption d'"intérêt général majeur" pour les ouvrages de stockage, dans l'intention de faciliter les procédures pour obtenir des autorisations de construction (article 5). Au même article, les dispositions créant une nouvelle catégorie de zones humides ont été retirées.
Afin de désamorcer les relations parfois tendues entre agriculteurs et agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), la loi donnera à ces derniers la possibilité d’utiliser des caméras individuelles "lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident" (article 6).
"Le vrai combat se joue à l’échelle européenne"
"Si la proposition de loi allège des contraintes nationales, seule la politique agricole commune (PAC) fixera demain les équilibres budgétaires et donc les marges de manœuvre réelles de nos agriculteurs. Il faut que certains ici cessent de détourner le débat : le vrai combat se joue à l’échelle européenne", a prévenu le rapporteur Julien Dive, renvoyant à l’accord sur le Mercosur. L’annonce la semaine dernière d’un accord commercial entre l’UE et l’Ukraine assorti de contingents tarifaires est aussi un sujet d’inquiétude pour les agriculteurs, notamment des producteurs de betteraves (à l’origine de la réintroduction de l’acétamipride).
Sans surprise, Jeunes Agriculteurs et la FNSEA ont salué mardi "l’aboutissement d’un long combat". "C’est un premier pas pour relancer notre appareil de production agricole et poser les fondations d’une reconquête de notre souveraineté alimentaire", soulignent-ils. Pour la Confédération paysanne au contraire, ce texte "entérine des régressions agricoles, sanitaires et écologiques d'une très grande gravité, taillées sur mesure pour l'agro-industrie".
Le débat n’est toutefois par clos. Dès mardi, les députés socialistes ont annoncé qu’ils allaient saisir le Conseil constitutionnel. Pour le député PS Dominique Potier, "le mur climatique et la falaise démographique" restent devant nous. "Quand nous aurions besoin d’un grand architecte – d’un Pisani –, nous avons la loi Duplomb : c’est dramatique", a-t-il ironisé.