Izilaw, interview de sa co-fondatrice Elsa Coiffier

Entrepreneuse dans l’âme, Elsa Coiffier a co-fondé Izilaw en 2017 et Justeo en 2020, deux startups montantes de la Legaltech. Plateforme de mise en relation entre les justiciables et les professionnels du droit (avocats, huissiers et notaires), Izilaw a pour objectif de simplifier le parcours du justiciable tout en faisant entrer les professionnels dans l’ère moderne de la digitalisation. Nous nous sommes entretenus avec elle pour évoquer les évolutions d’un monde complexe qui change vite.

Temps de lecture : 5 minutes 

 

Pouvez-vous nous décrire Izilaw, la solution que vous avez développée, en quelques mots ?

Izilaw est une plateforme qui permet aux particuliers et aux professionnels de prendre rendez-vous avec des professionnels juridiques (notaires, avocats, huissiers). Nous proposons également aux professionnels de mettre à leur disposition notre solution en marque blanche pour qu’ils puissent l’intégrer directement à leurs sites internet.

Au-delà de ces services nous apportons également un soutien aux professionnels sur leur référencement par le biais de conseils éditoriaux et techniques qui visent à optimiser le SEO de leurs outils de communication. Nous sommes présents en première page de résultats Google sur 2400 mots clés et en deuxième page sur 5200 mots clés : c’est une expertise que nous partageons avec nos clients.

On entend souvent dire qu’Izilaw aspire à être le "Doctolib" des professions juridiques, êtes-vous d'accord avec cette comparaison ? 

Nous aspirons évidemment à la même courbe de croissance et au même succès. C’est une comparaison qui a du sens car notre solution apporte un gain de temps et une flexibilité tant pour les professionnels du droit que pour les particuliers qui souhaitent y avoir recours.  

Nous nous distinguons cependant sur un point. Au-delà de la mise en relation, notre solution compile également quantité d’informations pour apporter de la clarté et de la transparence quant aux champs de compétences des différents corps de métiers représentés. Notre ambition est de dépasser la praticité pour apporter une réelle plus-value à la relation justiciable – professionnel du droit.

Les entreprises innovantes se créent souvent sur l'idée d'un manque à combler. Quel(s) manque(s) aviez-vous identifié(s) avant de créer Izilaw ?

C’est sur un triple besoin que s’est fondée notre envie de créer ce projet. Un besoin d’accessibilité, de transparence, et de modernisation. Ces trois piliers ont en commun le fait de rapprocher, de recréer du lien, entre les justiciables et leurs interlocuteurs professionnels. Nous avons fait le constat, par exemple, du manque de transparence dans les tarifs pratiqués par les différents professionnels du droit dans leurs prestations, ou encore de la difficulté à prendre un rendez-vous avec le bon professionnel. 

Votre première mission, affichée sur votre site, est de "rendre les professionnels du droit plus accessibles". Pourriez-vous nous dire pourquoi cette mission ? Et comment vous y parvenez ?

L’accessibilité est la clé de voûte des trois missions que je mentionnais. Depuis la clarification des prestations jusqu’à la tarification en passant par la mise à disposition des informations sur internet ou les réseaux sociaux, c’est tout le parcours du justiciable que nous avons souhaité fluidifier. Cette volonté se décline sur toute la dimension de conseil que nous apportons à nos clients aussi bien que sur les solutions techniques, en marque blanche ou sur notre plateforme, que nous mettons à leur disposition. 

Contrairement à d’autres plateformes, vous ne proposez pas de notation des professionnels du droit. Pourquoi ?

La relation entre le justiciable et son interlocuteur juridique n’obéit pas aux codes traditionnels des prestations de service. L’appréciation d’une prestation, à chaud, est principalement guidée par l’affect, et non sur la compétence juridique que le client ne maîtrise pas souvent. La note ne peut être pertinente que sur des aspects de pure forme : la ponctualité ou la transparence tarifaire par exemple. Nous avons fait le choix de favoriser les avis sur Google, via un outil de sollicitation d’avis intégré à notre outil et à la fiche Google du professionnel. Un avis est plus argumenté et présente l’avantage d’humaniser le professionnel.

Comment le client peut-il choisir le professionnel le plus adapté à ses besoins ?

D’abord il peut consulter un catalogue d’informations sur la typologie des différents corps de métiers juridiques. La première étape consiste à choisir le type professionnel qui pourra au mieux répondre à ses besoins et son champ d’intervention (droit de la consommation, droit du sport, RGPD, etc.). Il peut ensuite utiliser une variété de filtres allant de sa position géographique à la langue parlée par son interlocuteur en passant par la disponibilité ou non de rendez-vous à distance entre autres.  

Au-delà de la solution technique qu'Izilaw apporte, quelles sont les opportunités que son utilisation génère pour les professions juridiques et pour les clients ?

Izilaw est une plateforme d’intermédiation entre les justiciables et les professionnels du droit. Elle présente donc des opportunités et des bénéfices aux deux typologies d’utilisateurs. Aux professionnels, nous apportons un meilleur référencement, ainsi qu’un gain de temps de secrétariat et l’acquisition de nouveaux clients. Pour les justiciables, l’intérêt est à la fois de mieux comprendre l’univers des métiers du droit (champs d’applications de chacune des professions, tarification…) et de faciliter la démarche de prise de rendez-vous. Nous avons compilé les trois professions (avocats, huissiers, notaires) sur la même plateforme justement pour garantir cette transparence et cette pédagogie quant au parcours, parfois complexe, du justiciable.  

Quels sont les défis majeurs de votre développement ? 

Le défi majeur auquel nous sommes confrontés, comme beaucoup de startups, est celui de la profondeur de l’offre. Nous avons commencé notre activité en référençant les avocats parisiens mais c’est ensuite auprès des huissiers de justice que nous avons pu constituer un réseau national dense sur tout le territoire. Nous souhaitons poursuivre ce chemin avec les notaires, encore timidement présents sur notre plateforme. Depuis le départ, notre objectif est de développer l’interprofessionnalité, la collaboration, l’apport d’affaires. Les professionnels recherchent d’ailleurs parfois sur Izilaw d’autres professionnels aux compétences complémentaires. C’est par exemple le cas de certains avocats qui cherchent des notaires par le biais de notre plateforme. Fluidifier le parcours du justiciable passe aussi par la création de ces ponts.

Quel retour avez-vous, pour le moment, des professionnels qui utilisent votre solution ? De ceux qui y sont réticents ?

Nos utilisateurs sont en grande majorité conquis par leur utilisation de la plateforme, car elle remplit les objectifs que nous nous sommes fixés. Il y a bien sûr parfois quelques freins à lever, qui obéissent en général à l’un de ces deux motifs :

  • Ceux qui ne veulent pas changer leur fonctionnement ordinaire, une forme de réticence habituelle à un nouvel usage
  • Ceux qui ont été déçus par la legaltech. Je ne vise aucune legaltech en particulier mais certains acteurs ont promis monts et merveilles à des professionnels qui sentaient le besoin de changement, sans pouvoir remplir leurs objectifs. Nous préférons adopter une démarche commerciale pragmatique, transparente et tangible pour éviter ces déceptions et construire plutôt une relation de partenariat.

La question du modèle économique des start-ups revient fréquemment sur la table, pourriez-vous nous décrire le vôtre ? 

Les professionnels qui ont recours à notre plateforme payent un abonnement mensuel ou annuel, de manière assez classique. Nous avons en outre une agence conseil intégrée sur la partie SEO et production de site web également à destination des professionnels. Notre solution est et restera gratuite pour les justiciables. 

Si l'on regarde 10 ans en arrière, comment les nouvelles technologies ont, selon vous, le plus bouleversé les habitudes du monde du Droit ?

Elles les ont essentiellement bouleversées sur deux points : le gain de temps et le changement de statut. Le gain de temps car les nouvelles technologies ont permis d’automatiser quantité de tâches à faible valeur ajoutée. Le changement de statut car les professionnels du droit se doivent désormais d’agir presque comme une entreprise « normale ». Ils peuvent faire de la publicité (dans une moindre mesure), gérer leur portefeuille client, se démarquer… En somme, ils doivent, comme il est de coutume de le dire dans le monde des startups, mettre le client au cœur de leur processus. 

Si l'on se projette désormais dans 10 ans, quels sont selon vous les plus grands enjeux auxquels ce même monde sera confronté ?

On commence déjà à le voir, les modes de résolution des conflits évoluent. De plus en plus de professionnels du droit pourront par exemple servir de médiateur et la médiation deviendra prioritaire, tout du moins comme première étape d’un processus judiciaire. Il y a donc un véritable défi à relever à la fois pour les professionnels et pour nous pour intégrer et valoriser ces nouveaux modes de résolution de conflits.

Nous avons d’ailleurs lancé Justeo, une plateforme proposant un processus de résolution à l’amiable, pour anticiper cette évolution. Nous avons eu l’appui de médiateurs, mais aussi de psychologues entre autres, pour concevoir une plateforme claire, rassurante et efficace, qui aide les parties en conflit à renouer le dialogue pour trouver une solution amiable.

Quels sont les prochains services à lancer en matière de mise en relation ?

Nous en parlions plus tôt, les professionnels du droit doivent désormais mettre le justiciable au cœur de leur processus. Cela s’applique évidemment à la gestion de leur clientèle, et à leurs démarches de prospection. Je pense par exemple au développement d’un service pour optimiser le processus de sollicitation personnalisée, autorisée récemment, sous la forme d’un CRM adapté à la déontologie des professions juridiques.

Quels sont les 3 aspects que les professionnels du juridique doivent prendre en compte pour être visibles de leurs prospects sur Internet ? 

Selon moi, il faut réussir à proposer un « kit numérique » complet aux clients et prospects pour optimiser sa visibilité et le passage à l’acte (la prise de contact), pour cela j’insisterai sur les aspects suivants :

  • Un site internet à jour, complet, et proposant du contenu pédagogique,
  • Des outils intégrés au site internet pour faciliter le passage à l’acte des internautes, nous appelons cela les « calls to action » : la prise de rdv en ligne, la demande de devis, ou un chat en ligne par exemple,
  • Enfin, une inscription sur d’autres canaux sur les différents annuaires gratuits, et une sélection d’une ou plusieurs plateformes legaltech permet de toucher d’autres prospects.