Biodiversité : l'OFB invité à renforcer sa collaboration avec les collectivités

À nouveau dans le viseur d'une proposition de loi suggérant purement et simplement de le supprimer - tout comme l'Ademe -, l'Office français de la biodiversité (OFB) vient de faire l'objet d'un rapport d'inspection de l'Igedd et du CGAAER qui tire le bilan de son premier contrat d'objectifs et de performance et avance de nouvelles orientations stratégiques pour 2026-2030. Parmi celles-ci : une consolidation des liens avec les collectivités territoriales. 

Alors que pour des raisons d’efficacité "discutable", la députée LR Anne-Laure Blin vient de déposer une proposition de loi  visant à supprimer notamment l'Office français de la biodiversité (OFB) "opérateur décrié" et "rigid[e]" dont les missions seraient redirigées vers l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp), un rapport de mission de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) et du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) rendu public ce 25 novembre tire le bilan du premier contrat d’objectifs et de performance (COP) 2021-2025 de l’établissement avec ses ministères de tutelle. Il dresse aussi des perspectives pour le prochain (2026-2030).

Une visibilité "inégale" 

La mission constate d’abord que l’établissement a fourni de "très gros efforts, en peu de temps et en dépit d’un contexte de crises successives, en particulier celle du monde agricole", pour "marier les cultures de l’Agence française de la biodiversité (AFB) et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS)" dont il est issu, mais aussi pour "s’engager dans la nouvelle mission, très différente de celles héritées de ses prédécesseurs, de mobilisation des parties prenantes" - une action à poursuivre pour le prochain COP, appuient les rapporteurs. 

"L’OFB s’est aussi résolument inscrit dans son écosystème, en témoignent sa présence effective dans toutes les missions interservices de l’environnement et tous les comités de lutte contre la délinquance environnementale, et les protocoles de coopération avec l’ensemble des établissements publics pertinents", saluent-ils. Sa visibilité auprès des collectivités ou des entreprises est en revanche jugée "inégale", comme les outils dont il dispose en termes de mobilisation de ces parties prenantes.

Bilan en demi-teinte des changements opérés par les atlas de la biodiversité communaux

Parmi les initiatives intéressantes relevées dans le bilan du COP concernant les collectivités, la mission note l’existence des atlas de la biodiversité communaux (ABC) et des labellisations "territoire engagé pour la biodiversité". Mais elle s’interroge sur "la réalité des changements transformateurs" que ces deux outils permettent, et encore plus sur le caractère "réellement ‘systémique’ de ces changements" qui, aujourd’hui, "semblent plus constituer des expérimentations en opportunité, sans analyse, exigence en matière de résultat, vision dynamique (l’atlas est une photo et pas un film) ni réelle perspective d’une future mise en cohérence voire généralisation". Par ailleurs, "les atlas de biodiversité communale pourraient embarquer davantage de groupements ou communautés de communes que de communes isolées", ajoutent les rapporteurs. Ils voient ainsi "un intérêt plus important, par rapport à une démarche solitaire de la part d’une commune entourée d’autres communes non engagées, à travailler à plusieurs communes sur les questions de continuités fonctionnalités (trame verte), de corridors, qui sont essentielles pour la biodiversité". Enfin, la mission affirme ne pas avoir de "réelle vision sur le caractère ‘évolutif’" de ces atlas, "en termes de prévisions, de préconisations face aux pressions ainsi que dans un cadre d’adaptation au changement climatique".

Avec les collectivités, "les agences régionales de la biodiversité (ARB) constituent un outil de coopération qui positionnent l’OFB comme un partenaire naturel des régions, voire d’autres collectivités (départements notamment) dans certains territoires", note la mission. Mais si l’image de l’OFB vis-à-vis des collectivités locales est globalement bonne, son action à leur égard reste ponctuelle avec des outils comme les ABC ou les TEN (territoires engagés pour la nature). "Dans les faits, l’ABC ne permet pas forcément d’établir une collaboration suivie qui pourrait déboucher sur des engagements dans la durée et des réalisations pour la protection de la biodiversité et des milieux naturels", observe la mission.

Évaluations localisées des services écosystémiques

À partir de l’analyse du premier COP et des entretiens qu’elle a menés, la mission propose trois orientations stratégiques pour le futur COP de l’OFB - concourir à préserver et restaurer le vivant et les ressources naturelles, faire progresser la connaissance sur l’eau et la biodiversité, mobiliser les parties prenantes – déclinées chacune en objectifs opérationnels. 

Dans le cadre de ce prochain COP, les travaux d’Efese (l’évaluation française des écosystèmes et services écosystémiques) sur la valorisation des services écosystémiques peuvent servir à mobiliser les entreprises et les collectivités territoriales, "à condition d’être mieux intégrés comme outil de démonstration de la valeur socio-économique des actions en faveur de la biodiversité et de l’eau", estiment les auteurs du rapport. Pour traduire les résultats d’Efese en arguments opérationnels et valorisables pour les collectivités, ils préconisent de mettre en avant les co-bénéfices des politiques de biodiversité pour la santé, la résilience climatique, le tourisme, la gestion des risques naturels, etc. et d’en intégrer les résultats dans les outils de planification territoriale (Sraddet, Scot, PCAET, Sage, etc.) pour en faire un référentiel d’aide à la décision. Pour consolider ces argumentaires en les ancrant dans les territoires, des évaluations localisées des services écosystémiques peuvent être réalisées par les agences régionales de la biodiversité (ARB) et certaines collectivités pilotes, ajoute la mission.

Des indicateurs possibles de mise en œuvre de cette recommandation seraient le nombre ou la proportion de collectivités mobilisant le programme Efese (étude ex ante et ex post, projets, investissements) et l’indicateur, ratio de territoires engagés pour la nature (TEN) évalués selon une méthode d'évaluation des services écosystémiques à construire par l’OFB et gains socioéconomiques associés à ces démarches.

Niveau intercommunal et régional à privilégier

Pour les collectivités, les rapporteurs invitent à "privilégier résolument le niveau régional et intercommunal" et dans les territoires à "mieux structurer les agences régionales de la biodiversité et leurs leviers de mobilisation de l’OFB à leur niveau". À la suite de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016 (article L131-9 du Code de l’environnement) et afin de coordonner leurs actions, l’OFB et les régions peuvent mettre en place conjointement, dans le cadre d'une convention signée entre les parties, des agences régionales de la biodiversité auxquelles peuvent notamment s'associer les départements et les collectivités territoriales exerçant les compétences des départements, rappelle la mission. Ces agences peuvent être constituées en établissements publics de coopération environnementale (EPCE). La loi confie également aux régions la responsabilité d’élaborer une stratégie régionale pour la biodiversité (SRB), les ARB étant destinées à soutenir et suivre sa mise en œuvre. L’idée de base est ainsi de démultiplier son action et de conforter ses missions en collaboration avec la région, chef de file en matière de biodiversité.

Le rapport constate que la majorité des ARB ont été constituées sous le statut d’EPCE, certaines, notamment en Normandie, étant structurées en groupement d'intérêt public (GIP). Selon le dernier bilan de création des agences, daté de juillet 2023, 11 régions sur 18 sont dotées d’une ARB et un processus de constitution (accords partenariaux régionaux) est engagé dans cinq autres. Le processus est en phase d’émergence en Guyane et en Corse. 

S’il n’existe pas de bilan normalisé des ARB, certains territoires publient des rapports d’activité annuels (c’est le cas, par exemple, des ARB Centre-Val de Loire et Normandie). "Cependant, il n’existe pas d’évaluation nationale (éventuellement comparative) publiée pour les ARB à date", pointe la mission et "l’intensité de l’activité et la performance des ARB, ainsi que leurs niveaux de compétences ne fait aujourd’hui l’objet d’aucune évaluation".

La mission préconise donc qu’un processus de diagnostic/évaluation des ARB soit engagé et que, pour chacune d’entre elles, des tableaux de bord sur les collaborations à rechercher, les actions à privilégier et les compétences à acquérir soient constitués et suivis, "ceci permettant l’échange d’expérience". "L’OFB pourrait réunir les ARB régulièrement au-delà de rencontres annuelles", suggère-t-elle.

La mission a aussi noté la disparité du niveau de coopération avec la région, selon la présence d’une ARB bénéficiant de l’appui (notamment financier) de la région comme en Normandie ou l’existence d’un simple accord de partenariat avec une région limitant son engagement comme en Auvergne-Rhône-Alpes. L’OFB, au niveau siège, "éventuellement relayé par ses directions régionales", "pourrait pallier le manque d’implication de certaines régions en investissant plus le champ de la mobilisation des acteurs et en identifiant d’autres relais (départements, agglomérations…)", avancent les rapporteurs.

Atlas de la biodiversité intercommunaux dotés de plans d'actions

Ils invitent également à privilégier les "atlas de la biodiversité intercommunaux avec plans d’action". Conçus à la base comme des outils d’inventaires de la biodiversité au niveau local, les ABC sont très vite apparus comme un des outils principaux de mobilisation des collectivités actuellement déployé par l’OFB. "Ils semblent avoir le mérite de mettre en évidence les enjeux liés à la biodiversité pour les territoires étudiés, souligne la mission. Mais l’efficience des projets qui peuvent en découler semble dépendre beaucoup de la qualité de l’accompagnement par des ‘prestataires’ d’une part, et éventuellement par les ARB d’autre part. Il semble nécessaire de mobiliser au niveau intercommunal sur ce dispositif, mais également de favoriser, voire systématiser, les ABC tournés vers l’action". Sur ce point, le COP pourrait comprendre comme indicateur le nombre d’ABC financés ayant conduit à la modification voire à la révision de documents d’urbanisme – a minima une intégration dans les PLU - ou à la mise en œuvre d’actions spécifiques favorables à la biodiversité (travaux de restauration…). De plus, les méthodes d’évaluation ex ante et ex post des éventuels plans d’action qui en découlent semblent manquer d’homogénéité quand ces évaluations ont effectivement eu lieu, pointent les rapporteurs.

Compétences des élus et agents territoriaux à renforcer

Pour mieux intégrer ces enjeux, les élus et les agents territoriaux ont besoin de compétences renforcées, soulignent-ils encore.  Dans ce cadre, la mission considère que les collaborations existant déjà entre l’OFB et le CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale), doivent monter d’un cran. Au-delà des programmes de sensibilisation, il faudrait ainsi proposer des modules de formation sur l’intégration de la biodiversité dans les projets d’aménagement (gestion des trames vertes et bleues, prévention des risques naturels, renaturation des villes), sur les leviers financiers (financements européens tels Life et le Feader et nationaux) pour des projets favorables à la biodiversité, la connaissance naturaliste, les services éco systémiques, la séquence "éviter, réduire, compenser".

Ancrage territorial et spécificités ultramarines

Enfin, les rapporteurs appellent à "consolider l’ancrage territorial" de l’OFB, considéré comme un "élément indispensable à l’efficacité de son action, tant en matière de police sous l’égide des préfets et des procureurs qu’en matière d’acquisition de connaissances ou de mobilisation des acteurs."

Les services territoriaux représentent environ deux tiers des agents, dont 1.700 inspecteurs de l’environnement en 2023, sur 3.000 agents. "Même si la rationalisation des implantations enclenchée doit se poursuivre, il importe de maintenir la part des agents présents dans les services territoriaux, souligne la mission. C’est essentiel pour développer l’intégration dans l’écosystème local, maintenir la connaissance des enjeux en matière de biodiversité et d’eau et apporter son appui aux services de l’État tout en interagissant avec les multiples partenaires (collectivités, associations, professionnels…)". 

Pour mieux prendre en compte les spécificités ultramarines, ils invitent à faire évoluer le modèle organisationnel de l’OFB vers une structure plus cohérente et lisible, similaire aux directions régionales de l’hexagone, mettant les services de chaque département et région d’outre-mer (Drom) sous l’autorité du délégué régional, en adaptant les moyens humains aux spécificités des missions en outre-mer et en facilitant l’accès aux financements pour les équipes ultramarines de l’OFB, et en faisant évoluer les modèles de gouvernance des aires protégées comme les parcs marins.

 

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