Construire et transformer plus, plus vert, plus vite : la Banque des Territoires dévoile son plan de bataille pour le logement social
Tandis que la crise du logement perdure, la Banque des Territoires a profité du 85e congrès HLM à Paris, ce mercredi 24 septembre, pour frapper un grand coup. Avec une série d'annonces fortes, elle entend donner un nouvel élan au secteur du logement social. Au programme : des milliards d'euros pour la construction, des dispositifs inédits pour la rénovation écologique et des montages financiers innovants pour transformer la ville.

© Elena Jeudy-Ballini /Antoine Saintoyant, Olivier Sichel et Kosta Kastrinidis
Alors même que les appels à un sursaut public se multiplient, la Banque des Territoires a réaffirmé son rôle d’appui au secteur HLM. Ce mercredi 24 septembre, au 85e congrès de l’USH, Olivier Sichel, directeur général de la Caisse des Dépôts, Antoine Saintoyant, directeur de la Banque des Territoires, et Kosta Kastrinidis, directeur adjoint, ont présenté un arsenal de mesures pour intensifier la construction et la transformation écologique, développer l’innovation foncière afin de mieux répondre aux besoins et accélérer la sortie de crise du secteur. "En tant que premier financeur du logement social, nous voulons donner aux bailleurs les moyens de construire plus et de rénover mieux sans avoir à arbitrer entre le vert et le social, entre la transformation écologique de leur parc et la construction de nouveaux logements", a déclaré Olivier Sichel.
Relancer la machine à construire
Un premier enjeu s’impose : il faut produire plus de logements. Pour ce faire, la Banque des Territoires déploie une nouvelle enveloppe de 1 milliard d'euros de prêts très sociaux (PLAI) destinés à la construction dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Ce dispositif vise à accélérer la reconstitution des logements démolis dans le cadre des projets de rénovation urbaine.
Mais l'effort ne s'arrête pas là. Une enveloppe massive de 10 milliards d'euros sera mobilisée en 2025-2026 pour le logement intermédiaire (PLI). "Notre conviction, c’est qu’aujourd’hui, le logement intermédiaire constitue un complément utile, à la fois pour lutter contre la crise immobilière, et pour diversifier les ressources des bailleurs sociaux", a déclaré Kosta Kastrinidis. "Les premiers 'millésimes' de logements intermédiaires qui ont été mis sur le marché en 2014 vont progressivement commencer à être mis sur le marché des ventes. D’ailleurs, l’un des enjeux des années à venir - et nous y travaillons pour les prochaines études Perspectives - c’est de voir comment les cessions de ces logements intermédiaires vont permettre de regénérer des fonds propres, qui devraient en partie être réinvestis en faveur du logement social. Là, on aura vraiment une logique de péréquation favorable au modèle HLM." Ce financement massif sera soutenu par une caution de 400 millions d'euros par an d'Action Logement Services.
Enfin, pour diversifier les sources de financement, un partenariat avec la Banque européenne d'investissement (BEI) apportera 500 millions d'euros supplémentaires, et le prêt Phare (prêt habitat amélioration restructuration extension) sera étendu aux bailleurs sociaux pour soutenir la production de logements étudiants.
Le virage vert : rénover mieux et plus intelligemment
Construire est une priorité, mais la transformation écologique du parc existant en est une autre, tout aussi cruciale. Pour y parvenir, la Banque des Territoires lance une innovation majeure : le premier "prêt à impact réel". Antoine Saintoyant, son directeur, en a expliqué le principe : "Il s’agit d’un prêt dont la rémunération, et en l'occurrence, le niveau de bonification, va dépendre de la réalité de la performance énergétique réalisée dans le cadre d'une opération de rénovation thermique." Le constat est simple : les gains énergétiques réels après travaux sont souvent 50 à 60% inférieurs aux prévisions des audits. Ce nouveau prêt vise donc à récompenser l'atteinte effective de ces réductions d'émissions avec une bonification supplémentaire pour les bailleurs qui atteignent leurs objectifs. Les premiers contrats de ce type seront d’ailleurs signés durant le congrès.
En parallèle, l'outil Prioréno Logement Social, qui aide les bailleurs à mesurer la performance de leur parc, bénéficie d'une mise à jour majeure. Il intégrera désormais les données sur les réseaux de chaleur et sur l'exposition des bâtiments aux aléas climatiques.
Des montages financiers pour dessiner la ville de demain
Le troisième pilier de cette offensive réside dans ce que Kosta Kastrinidis appelle "l'urbanisme de la transformation". Face à la nécessité de ne plus artificialiser les sols, la solution est de réutiliser ce qui existe déjà. Le nouveau dispositif Transfo+ est emblématique de cette approche. Doté d'une enveloppe de 130 millions d'euros d'équivalent-subventions, il soutiendra la transformation de bureaux, de locaux vacants et d'autres bâtiments existants en logements sociaux, avec une aide allant de 5.000 à 10.000 euros par logement créé.
L'innovation se niche aussi dans les montages financiers, notamment sur la question du foncier. La Banque des Territoires lance le prêt Duoz OFS, un financement court-terme (1 à 2 ans) sans garantie pour les organismes de foncier solidaire (OFS). Kosta Kastrinidis a insisté sur l'importance de cette mesure, très attendue par les acteurs qui "ont besoin d'une grande agilité pour pouvoir saisir les opportunités d'achat de fonciers" sans attendre les longues procédures de garantie des collectivités.
Enfin, la durée du prêt Gaïa Habitat Social est étendue de 60 à 80 ans (et donc alignée sur celle du Gaïa BRS). Cet allongement permettra notamment de mieux financer la part foncière dans les opérations de logement social, mais aussi de préserver la maîtrise publique du foncier sur le long terme. "Nous sommes les seuls acteurs en Europe à pouvoir offrir des prêts sur des maturités aussi longues", a fait valoir Kosta Kastrinidis.
Pour Olivier Sichel, ces annonces ne sont pas une simple collection de mesures techniques. Elles dessinent une vision cohérente où la finance, le numérique (via des outils comme Prioréno) et l'écologie se rejoignent. Le directeur de la Caisse des Dépôts a conclu en réaffirmant sa confiance dans le modèle français de financement du logement social, le jugeant "très robuste", un socle solide qui permet au secteur de "jouer pleinement son rôle" en temps de crise.