Deux initiatives pour sauvegarder le patrimoine en danger
Alors qu'une partie du patrimoine monumental français est menacée, deux nouvelles initiatives sont lancées pour lui venir en aide. La Fondation du patrimoine cherche à mieux connaître le patrimoine non protégé pour mieux le sauvegarder, tandis que la Banque des Territoires, avec le programme "Territoires d'Histoire(s)", investit à grande échelle pour renforcer l'attractivité touristique de sites et monuments remarquables.

© @CCI5108/Chantier du futur hôtel Place Ducale à Charleville-Mézières
Le patrimoine français vit une situation paradoxale. Au lendemain des Journées du patrimoine 2025, et alors que la dernière consolidation du baromètre Patrimostat établit à plus de 93 millions le nombre de visiteurs accueillis en 2023 dans l'ensemble des établissements patrimoniaux français – contre 81 millions en 2022 –, force est de constater qu'il attire de plus en plus. Pourtant, il est plus fragile que jamais. Dans un rapport publié le 17 septembre, la Cour des comptes juge insuffisant le niveau actuel des dépenses pour éviter la dégradation des monuments historiques (lire notre article). Deux nouvelles initiatives confirment ce diagnostic et proposent des solutions concrètes.
"Mieux orienter les politiques publiques"
La première émane de la Fondation du patrimoine, qui a lancé le 19 septembre un "observatoire du patrimoine non protégé". Car s'il existe quelque 46.000 sites répertoriés au titre des monuments historiques, 295.800 monuments ne sont ni classés ni inscrits, bien que présentant un intérêt du point de vue architectural, historique, paysager ou de la mémoire collective des territoires. Et parmi ceux-ci, 67.400 sont dans un "état critique", estime la Fondation du patrimoine.
En créant un observatoire du patrimoine non protégé, la Fondation du patrimoine entend "combler un manque", étant donné que le ministère de la Culture n'a d'obligation de suivi et d'accompagnement que pour les seuls monuments inscrits ou classés, mais aussi "suivre l'évolution de ce patrimoine fragile" afin de "mieux orienter les politiques publiques et les actions de sauvegarde et mesurer les progrès accomplis". Il est à noter que la fondation agit déjà en faveur de la sauvegarde du patrimoine non protégé : 88% des projets qu'elle a accompagnés en 2024 concernent cette catégorie de biens.
"Faire du patrimoine un moteur de transformation locale"
La seconde initiative va plus loin puisqu'il s'agit d'un programme national de financement. Baptisé "Territoires d'Histoire(s)" et porté par la Banque des territoires, il a été inauguré le 16 septembre à Charleville-Mézières. Son objectif ? Accompagner, d'ici à 2030, le développement d'une cinquantaine de projets touristiques et culturels fondés sur la valorisation de sites patrimoniaux afin de renforcer l'attractivité des territoires et la cohésion sociale. Autrement dit, "faire du patrimoine un moteur de transformation locale", tel que l'a souligné Olivier Sichel, directeur général de la Caisse des Dépôts.
"Territoires d'Histoire(s)" – qui s'inscrit dans la continuité du programme "Réinventer le Patrimoine", lancé en 2019 avec l'État, Atout France et l'ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires) – devrait mobiliser autour des projets soutenus un milliard d'euros provenant d'acteurs publics et privés, effet levier compris. La Banque des Territoires y contribuera avec, d'une part, la mobilisation de 250 millions d'euros de fonds propres aux côtés d'investisseurs privés, et d'autre part, la mise en place d'un nouveau "prêt Patrimoine" destiné aux acteurs privés et dédié à la réhabilitation de projets classés monuments historiques ou sites patrimoniaux remarquables accueillant du public. Ces engagements financiers sont par ailleurs complétés par des solutions d'ingénierie visant à faire émerger les projets. Trente-sept projets de réhabilitation de sites patrimoniaux sont d'ores et déjà financés dans ce cadre, et vingt-cinq projets prioritaires ont été identifiés pour l'année 2025.