Diagnostiquer et remédier à la surchauffe urbaine avec "Plus fraîche ma ville"

Aider des collectivités "peu éclairées" à prendre les bonnes décisions pour lutter contre le phénomène d'îlot de chaleur urbain (ICU), tel est l'objectif de la start-up d'État "Plus fraîche ma ville", portée par l'Ademe. Cet outil en ligne d'aide à la décision faisait le 3 juin dernier l'objet d'une présentation détaillée lors d'un webinaire organisé par l'Association des maires de France, qui soutient le projet.

Alors que le Cerema a récemment estimé que plus de 5 millions d'habitants de France vivent dans des quartiers particulièrement sensibles au phénomène d'îlot de chaleur urbain (lire notre article du 22 mai), la guerre contre la surchauffe urbaine est plus que jamais déclarée. D'autant que dans une France à +4° C en 2100 – suivant la trajectoire de référence désormais officielle (lire notre article du 24 janvier 2024), qui sert de référence au plan national d'adaptation au changement climatique (lire notre article du 10 mars) –, le phénomène est voué à prendre de l'ampleur.

Conjurer le risque "d'actifs échoués"

Pour aider les collectivités à répondre à cette "urgence du rafraîchissement durable", l'accélérateur de la transition écologique de l'Ademe promeut, avec le soutien de l'Association des maires de France, l'outil "Plus fraîche ma ville", dont le déploiement constitue par ailleurs l'une des 15 "actions phares" du "plan de gestion des vagues de chaleur" lancé il y a tout juste deux ans par le ministre de la Transition écologique (lire notre article du 8 juin 2023) – et qui n'est pas sans faire concurrence au Climadiag Chaleur en ville, outil payant développé par Météo France (lire l'encadré de notre article du 18 avril 2024).

"Ce service numérique, qui évolue au gré des remontées des agents et des élus de collectivités, vise à les accompagner à toutes les étapes de leur projet, de la conception jusqu'à la recherche de financements", explique Arnault Trac, chargé de son déploiement. Sans oublier l'étape préalable – et cruciale – du diagnostic, que l'expert juge "trop rare ou fait à des échelles qui ne correspondent pas nécessairement à celles d'un service opérationnel ou avec une méthodologie qui n'est pas adaptée". Le tout pouvant conduire à des "actifs échoués", à savoir une action inefficiente ou insuffisante, voire contre-productive (végétalisation desséchée, coûts d'entretien élevés, mal-adaptation, notamment au contexte local…).

Diagnostic du pauvre, diagnostic du riche

Pour conjurer ce risque, l'outil propose deux méthodologies. La première est destinée "à des collectivités qui n'ont pas forcément le budget et qui souhaitent avoir une première lecture simplifiée de leur espace, comparer l'impact de certaines solutions et aider l'élu ou l'agent à prioriser certains projets", explique Tanguy de Ferrières, également chargé du déploiement de l'outil. Et ce, au regard de trois coefficients : de rafraichissement urbain (nature des surfaces et leur capacité à réfléchir, absorber, restituer la chaleur…, etc.), de perméabilité et de biodiversité. 

La seconde s'adresse aux collectivités plus fortunées, qui souhaitent s'adjoindre les services d'un bureau d'étude. Elle permet de passer en revue les différentes méthodes de diagnostic recueillies par l'Ademe (voir le  guide de cette dernière) et de prédéterminer la plus efficiente au regard du contexte (objectif recherché, échelle du projet, budget, etc.) – le tout avec pour chacune d'entre elles des retours d'expérience de collectivités les ayant déjà mises en œuvre. L'outil permet ensuite de déterminer les solutions de rafraichissement idoines, d'obtenir un pré-chiffrage et des pistes de financement de l'ensemble.

Enjeu éminemment local

Des méthodologies qu'il importe parfois (toujours ?) d'adapter ou de compléter, comme le met en avant Nadine Blot, de la direction Urbanisme et aménagement de Grenoble Alpes Métropole. Elle explique ainsi qu'aux facteurs connus favorisant l'apparition d'îlots de chaleur urbains – murs exposés ("On a souvent tendance à se focaliser sur la surface au sol ; les bâtiments sont un élément clé", insiste Arnault Trac), rues "en canyon", matériaux utilisés, réduction des flux d'air, rareté de la présence de l'eau (imperméabilisation des surfaces, absence de végétation) et activité humaine –, il importait pour son territoire de prendre en compte le critère de l'altitude pour déterminer "ses" zones climatiques locales (LCZ pour les intimes) – une donnée dont ne tient par exemple pas compte l'outil LCZ mis à disposition par le Cerema pour les 88 aires urbaines les plus densément peuplées de la métropole. Un travail de classification dont elle souligne qu'il a par ailleurs été conduit "en essayant au maximum de le caler sur le zonage de notre PLUi", avec "l'objectif d'avoir des évolutions réglementaires en fonction des résultats". Une fois ces zones déterminées, 150 capteurs connectés ont été installés dans 27 communes de la métropole, pour "avoir une connaissance de l'évolution des températures dans le temps", mais là encore aussi pour "tenir compte de phénomènes un peu spécifiques", la fonctionnaire louant "l'apport d'un réseau de mesures locales".

Pas tous égaux devant la chaleur

Autre enseignement mis en exergue par Nadine Blot, "l'importance de croiser ces données avec celles relatives à la vulnérabilité des populations". Un sujet sur lequel a beaucoup travaillé Nantes Métropole, notamment en conduisant une enquête auprès des habitants de la ville. Résultat : 37% des 1.300 Nantais interrogés jugent leur logement insupportable lors des fortes chaleurs. "Un souci, alors que le premier refuge contre les fortes chaleurs, c'est généralement le logement…", pointe Alban Mallet, chargé de mission transition écologique et climat à la métropole. "Autre chiffre qui fait mal", ajoute-t-il, le taux atteint 50% quand il s'agit de se prononcer cette fois à l'échelle du quartier. Deux résultats qui expliquent en partie que "la première stratégie des Nantais quand il fait très chaud, c'est de quitter la ville", observe le fonctionnaire – quand ils le peuvent. 

Autant d'éléments qui ont conduit la métropole à "mettre un focus sur les îlots de fraicheur extérieurs, donc des espaces arborés". Une solution dont Alban Mallet est conscient qu'elle ne répond toutefois qu'imparfaitement au problème, notamment "pour le 4e âge", moins mobile – "On est sur des questions de maintien à domicile" – et tout à la fois "moins sensible à la chaleur, car les thermorécepteurs fonctionnent mal en vieillissant", et, en conséquence, plus exposés à ses effets délétères. À l'inverse, il relève que l'enquête montre que le 3e âge s'en tire plutôt mieux que les autres : "Les plus de 60 ans sont sortis des contraintes de la vie active" et peuvent en conséquence "opérer des stratégies adaptatives beaucoup plus souples", note-t-il. Il observe encore que "ce sont aussi des personnes qui occupent [plus souvent] des maisons individuelles", toujours aussi décriées que louées (lire notre article du 27 juin 2024).

 

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