Droits de douanes à 15% : l’accord trouvé entre les États-Unis et l’Union européenne menace plus de 2.000 entreprises françaises
Dimanche 27 juillet 2025 dans la soirée, la présidente de la Commission européenne et le président américain se sont accordés sur des tarifs douaniers à 15% portant sur la majorité des exportations européennes. Selon une étude des douanes françaises publiée deux jours plus tôt, 2.087 entreprises sont exposées au marché américain à hauteur de plus de 10% de leur chiffre d’affaires, ce qui en fait les plus vulnérables à l’application du nouveau droit de douane additionnel.

© C.M/ Le port du Havre
"C’est un jour sombre", a réagi sur le réseau social X le Premier ministre François Bayrou, lundi 28 juillet, au lendemain de la signature de l’accord commercial entre les États-Unis et l’Union européenne prévoyant que les produits européens exportés vers les États-Unis seraient taxés à 15%. Cet accord "apportera une stabilité temporaire aux acteurs économiques menacés par l’escalade douanière américaine, mais il est déséquilibré", a déclaré de son côté le ministre chargé de l'Europe, Benjamin Haddad dans un post publié le même jour. Néanmoins, "il a le mérite d’exempter de tarifs des secteurs clés pour l’économie française (aéronautique, spiritueux, médicaments). L’accord a exclu toute concession pour nos filières agricoles sensibles. Il préserve aussi notre réglementation européenne sur des sujets comme le numérique ou le sanitaire".
Toutefois, le ministre appelle à la lucidité. "Le libre-échange qui a fait la prospérité partagée des deux rives de l’Atlantique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale est aujourd’hui rejeté par les États-Unis qui font le choix de la coercition économique et du mépris complet des règles de l’OMC. C’est un changement structurel. Nous devons en tirer vite les conséquences ou risquer l’effacement. C’est un défi économique comme politique. Croire y répondre par des concessions ne fera qu’encourager la prédation à l’extérieur, et le rejet de l’Europe au sein de nos frontières par nos citoyens." Benjamin Haddad appelle à "se battre pour continuer de rechercher l’équilibre commercial avec les États-Unis" en taxant par exemple les services numériques américains ou en les excluant des marchés publics.
2.000 entreprises subissent un peu plus de la moitié du choc
Dans l’attente de cet accord, un droit de douane additionnel de 10% s'appliquait temporairement sur les exportations européennes vers les États-Unis. C’est sur la base de ce taux (et pas de celui de 15% adopté dimanche) qu’une étude du département des statistiques et des études du commerce extérieur publiée le 25 juillet, s’est attachée à mesurer son impact sur les entreprises françaises particulièrement dépendantes du marché américain. Elle montre que 2.087 entreprises sont exposées à ce marché (en 2024) à hauteur de plus de 10% de leur CA (chiffre d’affaires) sur la base de leurs résultats en 2022.
Ces entreprises assurent "un peu plus de la moitié des exportations vers les États-Unis et subissent donc un peu plus de la moitié du choc lié aux tarifs douaniers". En particulier, par produits, elles réalisent les trois quarts des exportations de boissons, 72% des exportations de matériel de transport hors automobile, 77% des exportations de produits de maroquinerie à destination des États-Unis. "Avec un taux de marge moyen de 51,8%, le choc subi, traduit en une baisse du taux de marge, serait équivalent à une baisse de 3,1 points avec des tarifs additionnels de 10% et de 10,7 points avec des tarifs additionnels de 30%." Ce sont les entreprises indépendantes qui représentent les trois quarts de cette population et les microentreprises (la moitié de cette population) qui subiraient l’impact le plus prononcé.
48,6 milliards d'euros de biens français exportés vers les États-Unis en 2024
En 2024, la France a exporté 48,6 milliards d'euros de biens vers les États-Unis, ce qui représente une part significative des exportations françaises, selon les données des Douanes. 44 milliards d'euros ont été exportés par environ 14.700 entreprises des secteurs marchands non agricoles et non financiers. Parmi ces entreprises, 5.800 sont des groupes de sociétés qui concentrent 88% des exportations vers les États-Unis. Ces groupes sont pour près d’un tiers des grandes entreprises ou des ETI (entreprises de taille intermédiaire), et six sur dix sont des petites ou moyennes entreprises.
Par secteur d’activité, l’industrie concentre 80% des exportations (36,1 milliards d'euros). Ces flux sont réalisés à 94% par des grandes entreprises ou des ETI (1.274 entreprises), notamment dans les secteurs de la construction aéronautique, de la fabrication de parfums, de préparations pharmaceutiques et de vins effervescents. Le reste est principalement porté par des entreprises commerciales (6,3 milliards d'euros), aux trois quarts par des ETI et de grandes entreprises (411 entités). Il s’agit notamment d’entreprises de commerce de gros de boissons et d’articles d’habillement. Des entreprises de services exportent également des biens pour 1,5 milliard d'euros (ingénierie, études techniques, R&D…).
10,6% des exportations totales
Pour l’ensemble des entreprises exportant vers les États-Unis, ce marché représente en moyenne 10,6% de leurs exportations totales. Par secteur, l’exposition au marché américain est la plus élevée dans la fabrication des boissons (21,9%), la fabrication de matériel de transport hors construction automobile (aéronautique, chantiers navals…) (19,5%) et dans l’industrie du cuir (15,2%).
Le taux de marge des entreprises exportatrices vers le marché américain s'est établi en moyenne à 35,5% en 2024, contre 27,9% en 2022, avec des situations contrastées selon la taille ou le secteur d'activité. Ainsi, un quart de ces entreprises avaient un taux de marge inférieur à 11%, et un quart supérieur à 52,1%, selon l'étude.