Éducation prioritaire : les écarts de performance perdurent du CP à la troisième

La dernière synthèse de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'Éducation nationale dresse un portrait de l'éducation prioritaire en France. Si les QPV en concentrent les établissements, les zones rurales défavorisées ne sont pas en reste. Surtout, les écarts de niveau persistent, de l'élémentaire à la fin du collège.

Une synthèse de la Depp (Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'Éducation nationale) sur l'éducation prioritaire contenant une mise à jour des données disponibles à septembre 2025 nous apprend que les écarts de performance enregistrés par les élèves des réseaux d'éducation prioritaire par rapport aux autre élèves apparaissent dès le CP et se poursuivent jusqu'à la fin du collège.

Avant d'en venir à l'analyse des performances, cette synthèse revient sur les effectifs de l'éducation prioritaire. À la rentrée 2024, les réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+) regroupent 362 collèges publics, scolarisant  192.762 élèves, et les réseaux d'éducation prioritaire (REP) comptent 732 collèges pour 376.642 élèves. Dans le premier degré, 2.458 écoles publiques sont situées en REP+, pour 442.839 élèves, et 4.131 en REP, regroupant 672.947 élèves. Tous niveaux confondus, 1,7 million d'élèves fréquentent un établissement d'éducation prioritaire en 2024, soit un élève sur cinq.

Les territoires ruraux également concernés

La Depp note que la répartition des établissements en éducation prioritaire est inégale sur le territoire. L'éducation prioritaire est dans une large mesure construite en cohérence avec la politique de la ville : plus de six collégiens sur dix résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) sont scolarisés dans un collège relevant de l'éducation prioritaire. Néanmoins, les territoires ruraux sont également concernés. Les REP+ se situent en effet dans des zones urbaines ou rurales, "qui connaissent les plus grandes concentrations de difficultés sociales". Et si trente et un départements plutôt ruraux ne comptent aucun collège en REP+, des départements classés par l'Insee "ruraux à faible densité de population" présentent des taux d'élèves scolarisés en REP+ supérieurs à ceux de départements urbains. C'est le cas de la Mayenne, de l'Indre, du Loir-et-Cher ou de la Haute-Marne. Les départements comptant le plus de collégiens scolarisés en REP+ restent toutefois la Seine-Saint-Denis (21% des élèves), La Réunion (27%), Mayotte (41%) et la Guyane (96%).

Qu'ils habitent en ville ou en campagne, les collégiens de l'éducation prioritaire sont très massivement d'origine sociale défavorisée : sept élèves de REP+ sur dix et 56% des élèves de REP ont des parents ouvriers ou inactifs, contre 35% dans les établissements publics hors éducation prioritaire et 17% dans les collèges privés sous contrat.

"Difficultés particulièrement marquées" en 6e 

La plus importante mise à jour des données de la Depp dans sa synthèse porte sur l'acquisition des compétences scolaires. Et force est de constater que les difficultés relevées au début de l'école élémentaire vont perdurer jusqu'à la fin du collège. À la rentrée 2024, la proportion d'élèves en début de CP présentant une maîtrise satisfaisante en compréhension orale est de 74% dans le secteur public hors éducation prioritaire, contre 52% en REP et 42% en REP+. Des différences à peu près similaires se rencontrent pour la résolution de problèmes mathématiques. Quelques années plus tard, en CM1, la Depp souligne que les écarts de performances "sont stables en français et en mathématiques", voire augmentent sur certaines compétences.

La synthèse note ensuite qu'"en début de sixième, les élèves accueillis dans les collèges en éducation prioritaire ont des difficultés particulièrement marquées". Et alors que les difficultés scolaires persistent pour les élèves de quatrième en éducation prioritaire, la réussite au diplôme national du brevet (DNB) est de nouveau "moindre pour les élèves scolarisés en éducation prioritaire". En 2024, seuls 28% des élèves des collèges REP+ et 38% de ceux de REP ont obtenu plus de 10/20 de moyenne aux épreuves écrites, contre 59% dans les collèges du secteur public hors éducation prioritaire. Néanmoins, en prenant en compte le contrôle continu et l'épreuve orale, les écarts diminuent : 74% des élèves de REP+ et 77% des élèves de REP ont obtenu le DNB en 2024, contre 87% de ceux du public hors éducation prioritaire.

Un moment charnière pour l'éducation prioritaire

Et après ? Seuls 52% des élèves de REP+ et 58% des élèves de REP poursuivent leur scolarité en seconde générale et technologique à la rentrée 2024, contre 64% des élèves des collèges publics hors éducation prioritaire. Les élèves de l'éducation prioritaire poursuivant davantage leurs cursus en seconde professionnelle ou en CAP sous statut scolaire. In fine, si la réduction de la taille des classes en REP+ à partir de 2017 "semble avoir eu un effet sur la progression des élèves scolarisés dans les classes dédoublées", cet effet est "surtout visible en CP", car dès le CE1, "il ne semble pas y avoir d'effet supplémentaire".

Cette synthèse de la Depp intervient dans un moment sans doute charnière pour l'éducation prioritaire. D'une part, la carte de l'éducation prioritaire fait l'objet d'une réflexion de la part de l'IGESR (inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche), dont les premières préconisations sont attendues pour la mi-octobre. D'autre part, un récent rapport de la Cour des comptes jugeait l'éducation prioritaire "en décalage avec les réalités territoriales", déplorait "des résultats insuffisants" et appelait à la "réformer sans délai" (notre article du 12 mai 2025). 
Dans un colloque intitulé "Où va l'éducation prioritaire ?" organisé le 24 septembre, l'Observatoire des zones prioritaires (OZP) a rejeté l'idée d'étendre l'éducation prioritaire dans les campagnes. Selon Marc Bablet, membre du conseil scientifique de l'OZP, la politique pour le milieu rural "ne peut pas être celle de l'éducation prioritaire. Des quartiers défavorisés existent dans le milieu rural, mais il ne faut pas confondre territoires éducatifs ruraux et territoires de l'éducation prioritaire : une problématique sociale n'est pas une problématique de territoire". Et pendant que le débat se poursuit, les écarts de niveau ne se réduisent pas...

 

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