En bibliothèque, la difficile adéquation entre acquisitions et goût du public

Dans son dernier Baromètre des prêts et acquisitions en bibliothèque, le ministère de la Culture met en lumière la politique d'achats des lieux de lecture et la compare à la réalité des emprunts. Un exercice qui fait apparaître des nuances qui se justifient par la nécessité de constituer des fonds diversifiés dans la durée. 

Les emprunts en bibliothèque ne reflètent pas tout à fait la politique d'achats des œuvres – et vice versa –, c'est ce que montre le Baromètre des prêts et des acquisitions en bibliothèque pour 2024. La onzième édition de cette étude, publiée par le ministère de la Culture début septembre, s'appuie sur les données d'un échantillon de 427 lieux de lecture représentatif de la typologie des bibliothèques françaises.

En 2024, ces lieux de lecture ont effectué 419.000 acquisitions et 13,50 millions de prêts portant sur 567.744 ouvrages différents. Pour les auteurs de l'étude, cela témoigne "de la très grande dispersion des emprunts en bibliothèque, qu'il faut mettre en lien [...] avec la diversité des fonds des bibliothèques publiques".

Justement, comment ces fonds sont-ils constitués ? L'étude précise tout d'abord que "les acquisitions des bibliothèques publiques ne concernent pas l'intégralité de la production éditoriale". Surtout, la politique d'acquisition ne se borne pas aux nouveautés mais s'adapte aux demandes des emprunteurs.

Des romans récents, des BD plus anciennes

Ainsi, le poids des nouveautés – les ouvrages sortis en 2024 – est relativement important en ce qui concerne la fiction adulte (63% des acquisitions) et, à un moindre degré, les documentaires (47%). En revanche, pour les BD (38% des acquisitions) et la littérature jeunesse (35%), le poids des nouveautés dans les achats est beaucoup plus faible. Dans ces deux derniers domaines, on n'hésite pas à se tourner vers des œuvres plus anciennes : 28% des BD tout public et 25% de la littérature jeunesse acquises en 2024 avaient paru en 2020 et avant.

Pour expliquer l'importance des acquisitions d'ouvrages plus anciens, il faut se tourner vers les choix des lecteurs. Le baromètre nous indique en effet que la part des œuvres éditées en 2024 ou 2023 ne représente en moyenne que 26% de l'ensemble des emprunts. Les auteurs de l'étude soulignent que cela "peut paraître faible, au regard des efforts des bibliothécaires pour proposer des nouveautés", et avancent des explications : "Outre la profondeur des collections de bibliothèques, apparaît également ici l'une des conséquences possibles de cette gestion de la rareté que constitue l'activité des bibliothèques, et du nombre d'exemplaires offerts au prêt, toujours insuffisant pour répondre à la demande". 

Répondre à la demande, construire une offre diversifiée

Au total, la littérature jeunesse représente 37% des acquisitions, la fiction adulte 27%, la BD tout public 26% et les documents 10% (et -5% sur un an). Mais si l'on s'attache aux cent titres les plus acquis, on note que le poids de la fiction adulte, avec 82% des œuvres les plus acquises, reste prépondérant. Ce qui refléterait "la volonté des bibliothécaires d'acheter les ouvrages les plus demandés", en particulier les nouveautés de la rentrée littéraire, les prix littéraires ou les ouvrages d'auteurs à succès. On peut donc lire dans cette politique "la volonté des bibliothécaires d'acheter les ouvrages les plus demandés tout en construisant une offre diversifiée".

Il existe cependant "une certaine adéquation entre les pratiques des emprunteurs et l'offre de la bibliothèque", même si l'étude pointe des nuances : la part du documentaire est plus importante dans les acquisitions que dans les emprunts car, là encore, la bibliothèque "tend à se constituer pour ses usagers en lieu ressource, destiné à répondre à des besoins ponctuels en matière de documentation".

Jeune public 

À l'inverse, la part des bandes dessinées est moins importante dans les acquisitions que dans les prêts. Ici l'explication tient au fort taux de rotation des BD ainsi qu'à l'attrait pour les ouvrages plus antérieurs à 2016.

En 2024, la littérature jeunesse (hors BD) a représenté 39% des emprunts, la BD tout public 33%, la fiction adulte 20% et les documents 8%, des parts quasiment inchangées par rapport à 2023. Et si l'on resserre sur les cent œuvres les plus empruntées, le poids de la BD est plus considérable encore : 74%. L'importance des emprunts d'ouvrages pour la jeunesse tient à plusieurs explications : une présence forte des jeunes dans les emprunteurs des bibliothèques publiques (près de 21%, ce qui démontre que les bibliothèques s'adaptent globalement à leur public), des lectures différentes selon les âges, des collections jeunesse diversifiées, un taux de rotation plus fort pour ces ouvrages.

In fine, estiment les auteurs du baromètre, "la construction par les bibliothèques d'une offre diversifiée constituée dans la durée est [...] un facteur de dispersion des emprunts".

 

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