Enfants à la rue : les associations dénoncent "l'attentisme de l’État"
Le nombre d’enfants contraints de dormir à la rue est "en constante augmentation", selon l’Unicef France et la Fédération des acteurs de la solidarité. Les associations appellent l’État à faire preuve de volontarisme sur le sujet, à financer suffisamment les 203.000 places d’hébergement d’urgence sur lesquelles il s’est engagé et à en ouvrir 10.000 supplémentaires.

© Richard DAMORET/REA
Plus de 2.000 enfants ont dormi dehors à quelques jours de la rentrée scolaire, ont alerté le 28 août 2025 l’Unicef France et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). Plus précisément, selon le décompte effectué dans la nuit du 18 août dernier, au moins 2.159 enfants, dont 503 de moins de trois ans, sont "restés sans solution d’hébergement à la suite de l’appel de leurs parents au 115, faute de places disponibles ou adaptées pour les accueillir". Soit "un chiffre en constante augmentation (+6% par rapport à l’année dernière et +30% par rapport à 2022)", déplorent les associations qui publient ce baromètre annuel depuis 2019 (voir ci-dessous nos articles concernant les deux années précédentes).
Pour les enfants sans abri, "une cascade de conséquences dramatiques"
Ces dernières rappellent en outre que ces chiffres ne reflètent "qu’une partie de la situation de sans-abrisme infantile" puisque certaines familles ne parviennent pas à contacter le 115 ou y ont renoncé et que les mineurs non-accompagnés (MNA) sans-abri ne sont pas comptabilisés. Le bilan ne prend pas non plus en compte la situation des enfants en outre-mer, "où les indicateurs disponibles, bien que très incomplets, permettent d’estimer à 600.000 le nombre de personnes concernées par le mal-logement ou sans-domicile, soit près de trois habitants sur 10". "Un tiers des logements sont indignes à Mayotte" et la pauvreté "grimpe de façon spectaculaire" à La Réunion, a souligné Adeline Hazan, présidente de l’Unicef France, lors de la conférence de presse dédiée au sujet.
Dormir à la rue, à l’hôtel ou en centre d’hébergement et subir de telles "ruptures" entraîne pour les enfants concernés "une cascade de conséquences dramatiques", selon Adeline Hazan, qui cite les difficultés à se soigner, à suivre une scolarité normale et à se socialiser. Certains parents d’élèves et enseignants, notamment dans le cadre du collectif "Jamais sans toit", se mobilisent pour mettre en place des solutions temporaires – notamment dans le cadre d’occupations d’écoles plus ou moins tolérées par les communes. "Certaines municipalités refusent la scolarisation" d’enfants à la rue ou hébergés, a par ailleurs affirmé Lotfi Ouanezar, directeur général d’Emmaüs Solidarité.
Les associations réclament une programmation pluriannuelle de l’hébergement et du logement
Les présidents de l’Unicef France et de la FAS dénoncent surtout "l’attentisme de l’État", qui conduit des associations, collectivités et citoyens à se mobiliser, dans une tribune publiée dans le journal Ouest France. Mais "la solidarité locale ne peut pallier toutes les défaillances de l’État", insistent-ils.
Les associations considèrent que le maintien de 203.000 places d’hébergement social est "manifestement insuffisant" face aux besoins et demandent l’ouverture de 10.000 places supplémentaires. Et le budget alloué à l’hébergement social n’aurait en outre pas permis au gouvernement d’atteindre en 2025 cet objectif de 203.000 places – il manquerait pour cela 250.000 euros, selon l’estimation des associations. Ce "sous-dimensionnement" du dispositif d’hébergement d’urgence a été récemment documenté par les Inspections générales des finances, des affaires sociales et de l’administration (voir notre article). "On en est à sélectionner les enfants et les femmes enceintes dans les centres d’hébergement", s’est indignée Adeline Hazan lors de la conférence de presse.
Les associations demandent "le financement et la mise en œuvre du plan ‘Enfants mal-logés’, au moins à hauteur des engagements du Pacte des Solidarités" (soit, d’ici 2027, 80 médiateurs scolaires supplémentaires, 114 professionnels accompagnant les enfants hébergés à l’hôtel, le suivi santé de 40.000 enfants via les Pass - permanences d’accès aux soins de santé mère enfant), la mise en place d’un observatoire du sans-abrisme et l’adoption d’"une programmation pluriannuelle de l’hébergement et du logement" comportant "des objectifs ambitieux" en matière de logements sociaux et très sociaux.