Hébergement d’urgence : le sous-dimensionnement du dispositif confirmé par les Inspections générales

Après une forte croissance du parc d’hébergement d’urgence depuis 2014, le nombre de places dites "généralistes" s’est stabilisé à 203.000 depuis 2021, tandis que 121.000 autres places sont dédiées à l’accueil des demandeurs d’asile. Les besoins ayant continué à augmenter, le dispositif – qui coûte au total 3,3 milliards d’euros à l’État – souffre d’une "sous-budgétisation chronique", selon la mission IGF, Igas et IGA qui a récemment remis sa revue de dépenses au Premier ministre. Les Inspections générales proposent des scénarios d’économies qui passent par une optimisation du pilotage, tout en alertant sur le fait que ces mesures ne doivent pas se traduire par "une diminution des capacités actuelles du parc généraliste". 

"61% des demandes d’hébergement restent non pourvues chaque jour malgré une hausse des crédits depuis dix ans." Dans la revue de dépenses consacrée au budget de l’hébergement d’urgence, rendue publique le 16 juillet 2025, les Inspections générales des finances, des affaires sociales et de l’administration (IGF, Igas et IGA) mettent l’accent sur l’inadéquation entre le nombre de places ouvertes et les besoins. Ce décalage contraint les services de l’État à "définir des critères de priorité d’accès à l’hébergement restrictifs, reposant sur une analyse de la vulnérabilité des demandeurs parfois poussée à l’extrême". 

En 2024, le parc d’hébergement social financé par l’État est composé d’environ 320.000 places, dont 203.000 places pour le parc dit généraliste (2,3 milliards de crédits, programme 177) et 121.000 places pour le dispositif national d’accueil (DNA) destiné aux demandeurs d’asile (1 milliard d’euros, programme 303). 

"Une sous-budgétisation chronique des crédits"

A ces montants, "s’ajoutent des contributions non quantifiées de certaines collectivités territoriales, sous forme de mises à disposition de foncier ou de bâti, ou encore de subventions de fonctionnement", ainsi que les dépenses des départements pour la prise en charge des mineurs non accompagnés, des femmes enceintes et des femmes isolées avec enfants de moins de trois ans. Le rapport mentionne encore la "compétence supplétive" du bloc communal "au titre de la sécurité, la salubrité et la tranquillité publique", compétence "mise en œuvre de manière hétérogène sur le territoire national".

Sont cités des exemples de collectivités qui, ayant poursuivi l’État en justice "alléguant de sa carence", ont obtenu le remboursement de dépenses engagées – 1,3 million d’euros pour le département du Puy-de-Dôme, 837.000 euros pour la communauté d’agglomération du Pays basque et 77.000 euros pour le centre communal d’action sociale (CCAS) de Grenoble. Le "sous-dimensionnement d’un dispositif qui incombe au premier chef à l’État" a été reconnu par ces jugements, selon la mission.    

Pourtant, entre 2014 et 2024, les crédits dévolus au parc généraliste ont été multipliés par 2,4 – pour un nombre de places qui a quasiment doublé – et les crédits du DNA par 3,2 – pour un nombre de places multiplié par 2,8. Cette "croissance significative" provient notamment de l’effort déployé pendant la pandémie de Covid-19 (40.000 places ouvertes). Une stabilisation du nombre de places est observée depuis 2021, dans le cadre d’un "pilotage plus resserré de l’offre d’hébergement et d’une meilleure coordination entre hébergement et accès au logement sous l’égide de la Dihal" (Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement).  

Malgré cette stabilisation du parc généraliste à 203.000 places, "la soutenabilité du P177 n’est pas assurée du fait d’une sous-budgétisation chronique des crédits" (un manque de 200 millions d’euros selon la Dihal) entraînant à la fois une "sur-exécution chronique" et une "gestion erratique des versements aux opérateurs" – ces derniers devant pourtant faire face aux revalorisations salariales issues du Ségur. 

Une convergence des coûts par groupes de départements

Après un tel constat, l’exercice des inspecteurs est délicat, puisque la revue de dépenses qui leur a été demandée par le Premier ministre consiste à identifier "des scénarios d’économies mobilisables" à horizon 2027. La mission se prononce au préalable contre "une diminution des capacités actuelles du parc généraliste", insistant sur le fait que l’hébergement permet d’éviter des coûts "de prise en charge plus importants supportés par d’autres services publics, notamment l’hôpital". 

Les deux scénarios proposés, qui permettraient des économies chiffrées entre 28,5 et 73,5 millions d’euros, passent donc par "un meilleur pilotage des coûts et un renforcement de la fluidité des parcours". Parmi les mesures recommandées : l’augmentation du taux d’occupation des structures, "l’utilisation, à titre exceptionnel, des places temporairement inoccupées des dix structures d’accueil spécialisées (SAS)", l’accélération du traitement des dossiers de demande de titres de séjour ou encore la "convergence des coûts des CHU par groupes de départements ayant des caractéristiques similaires" dans le cadre de la réforme de la tarification des CHRS conduite par la Dihal. La Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a récemment rappelé sa position à ce sujet, exprimant son "inquiétude sur la conduite d’une telle réforme à enveloppe fermée, dans un contexte d’augmentation des besoins" et demandant davantage de visibilité sur son impact "par département et par région". 

Les Inspections préconisent par ailleurs d’évaluer la qualité de l’accompagnement social des personnes hébergées, "axe clé de la politique publique pour favoriser les sorties d’hébergement", en s’appuyant sur "un meilleur pilotage des SIAO" (services intégrés d’accueil et d’orientation). Ils appellent à "pérenniser" la stratégie de "Logement d’abord", qui aurait permis l’entrée dans le logement de 657.000 personnes sans domicile entre 2017 et 2024. "A court terme", au moins 17.000 personnes supplémentaires doivent pouvoir accéder à un logement, estime la mission qui juge nécessaire de veiller à ce que les demandes des personnes sans-domicile soient traitées en priorité par les réservataires de logements sociaux.

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis