"Ensemble dans le Beaufortain", journal d'un territoire

"Authentique, proche des gens, libre d'esprit", c'est le triptyque sur lequel repose depuis 45 ans le journal "Ensemble dans le Beaufortain". Tiré aujourd'hui à mille exemplaires, ce trimestriel concourt à rendre les habitants fiers de leur territoire.

A la fin des années 50, Hubert Favre était instituteur à Arêches (73). A cette époque, il rencontre Célestin Freinet, créateur d'une méthode pédagogique qui préconise l'élaboration par les enfants de "livres de vie". "J'ai appliqué ses recommandations, raconte Hubert Favre, et nous avons créé dans l'école du hameau un journal qui s'appelait 'Les Murmures de la forêt'. Les parents le lisaient avec beaucoup d'attention. C'est de là que m'est venue l'idée de créer un journal pour les habitants du pays. En 1960, nous avons organisé une fête pour célébrer le centenaire du rattachement de la Savoie à la France et les recettes nous ont permis d'acheter une Ronéo." Ainsi naquît en 1962 le journal d'informations locales "Ensemble dans le Beaufortain". "Ce sera notre bulletin à tous", proclame l'éditorial du premier numéro, écrit à la main. "Nous souhaitons qu'il développe entre nous l'entente qui nous unit et qu'il aide chacun à mieux prendre conscience de ses responsabilités." Quarante plus tard, le bulletin est devenu un vrai journal trimestriel, qui compte 80 pages et est tiré à mille exemplaires, mais le coeur de sa ligne éditoriale est resté fidèle à ses origines. En 1964, la publication devient communale puis couvre le canton dont les quatre communes (Beaufort, Hauteluce, Villard, Queige) composent aujourd'hui la communauté de communes Confluences, fondée et présidée depuis sa création par Léopold Viallet : "Quatre communes, 4.000 habitants, quatre barrages et 4 000 vaches ! ... et deux stations de ski : Arèches et Les Saisies", précise Hubert Favre. 1973 est une autre date importante : cette année-là, Hubert Favre et deux autres figures du territoire (Lucien Avocat, médecin et maire de Beaufort, et Maxime Viallet, représentant syndical agricole), rejoints par  la suite par une institutrice, Elisabeth Viallet, fondent "l'association d'animation du Beaufortain" qui va favoriser le développement du territoire et dont le journal devient alors une des activités.

Cinquante personnes participent à la rédaction du journal

"Dès le départ, indique Hubert Favre, nous avons voulu produire une information indépendante et non pas une brochure aux mains des élus destinée à les faire réélire." Autre caractéristique importante du journal et fierté pour ses animateurs : "Ensemble dans le Beaufortain" n'a jamais accueilli une seule page de publicité.
Deux fois par trimestre, un comité de rédaction se réunit pour définir le contenu des 80 pages du journal. Ce comité comprend des administrateurs de l'association, quelques personnes "cooptés" et celles qui sont amenées, selon les sujets, à collaborer au numéro. Mais au-delà, environ cinquante personnes du territoire et hors territoire sont impliquées dans la rédaction du magazine. A sa sortie, la moitié des exemplaires du journal est déposée au siège de l'association et récupérée directement par ses lecteurs. L'autre moitié, destinée à des abonnés plus éloignés, est expédiée par la poste. Les recettes provenant de la vente du magazine (vendu 6 euros le numéro) permettent de couvrir les coûts de fabrication, tandis qu'un poste de secrétariat de rédaction à mi-temps est financé par l'association.

Un dossier thématique dans chaque numéro

Le contenu du journal comprend trois parties : la première est réservée aux activités des conseils municipaux, de la communauté de communes et de l'association d'animation, la deuxième traite de sujets d'actualité du territoire et la troisième partie est consacrée à un dossier thématique. "L'eau", "Regards extérieurs", "Le Beaufortain à l'heure d'hiver", "Les hameaux", "Le Beaufortain au féminin", "La vie estudiantine", "Bien vivre sa retraite", sont quelques-uns des titres des sujets traités dans les derniers numéros. "Nous avons également monté un dossier intitulé 'Journalisme et littérature'", raconte Hubert Favre en rappelant qu'Hubert Beuve-Mery, fondateur du journal Le Monde est venu séjourner chaque année, pendant 57 ans, dans le Beaufortain et a été l'un des premiers abonnés du journal, avec Roger Frison Roche, l'enfant du pays. "Pour choisir les thèmes, nous sommes guidés par les événements, puis nous empilons les textes. Bon nombre de ceux qui participent sont des gens modestes. La chaleur humaine supplée parfois la compétence. Il y a une grande richesse d'ensemble, dans un esprit de simplicité et de proximité. Je pense à un texte sur les voyages d'eau, rédigé par mon épouse Denise, qui mettait les larmes au bord des yeux car il venait des tripes. Quand certains voudraient dire mais ne savent pas dire, ils demandent à notre fidèle rédactrice en chef Myriam Cornu, ou à Pascale Boulicaut, notre excellente secrétaire de rédaction, de venir ou bien ils lui donnent leur texte en lui disant : tu arrangeras à ta façon."
L'équipe d'animation du magazine est aussi très à l'écoute de la vie associative du pays où s'activent plus de quatre-vingt associations. "Parfois ce sont les associations qui nous donnent un article, parfois nous les sollicitions."

"Le journal rend les gens fiers de leur patelin"

Le journal du Beaufortain n'est pas à l'abri des polémiques. "Dans un numéro, raconte Hubert Favre, le maire de Villard avait écrit qu'il préférait écouter les oiseaux plutôt que d'aller au monument aux morts ? Cette prise de position antimilitariste avait fait beaucoup de bruit." En guise de contre-exemple, Hubert Favre évoque un ancien numéro consacré aux élections législatives dans lequel tous les candidats avaient eu la possibilité de s'exprimer et qui avait été remarqué pour son objectivité.
"La difficulté pour nous, c'est d'évaluer l'importance du sujet que nous voulons traiter : parfois nous manquons de matière, parfois nous en avons trop. Je me souviens par exemple d'un dossier sur le thème des chemins qui nous a fait particulièrement souffrir !"
Les lecteurs d'"Ensemble dans le Beaufortain" sont beaucoup plus nombreux que les milles exemplaires édités, car le journal se prête beaucoup et circule de mains en mains. "Je crois que ce journal rend les gens fiers de leur patelin, souligne Hubert Favre. La richesse d'un pays, ce n'est pas seulement la richesse agricole ou économique, elle tient aussi au fait que les gens sont fiers d'eux-mêmes et heureux d'en témoigner." 

 

Maryline Trassard, pour la rubrique Expériences des sites Mairie-conseils et Localtis

Association d'animation du Beaufortain

Place Roger Frison Roche-Le Confluent
73270 Beaufort-sur-Doraon

Hubert Favre

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