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Emploi - Evolution de l'emploi depuis trente ans : la métropolisation n'est pas la panacée

Entre 1982 et 2011, le nombre d'emplois a augmenté plus vite que la population, d'après une étude de l'Insee publiée le 18 février 2015. Si les territoires du Nord-Est et du Massif central sont moins dynamiques en termes d'emplois (du fait de l'importance des activités industrielles et agricoles), la taille des agglomérations n'est pas une garantie de succès. Certaines agglomérations de taille moyenne tirent leur épingle du jeu quand certaines métropoles régionales comme Rouen, Lille et Marseille sont à la peine.

Malgré les chocs économiques successifs, le nombre total d'emplois a augmenté de plus de 20% en France métropolitaine entre 1982 et 2011. Soit plus rapidement que la population, qui a augmenté de 16% sur la même période. C'est ce qui ressort d'une étude de l'Insee, publiée le 18 février 2015, sur "trente ans de mutations fonctionnelles de l'emploi dans les territoires". 
L'institut constate toutefois des évolutions contrastées au sein des 304 zones d'emploi sur lesquelles porte l'étude : pour environ un quart d'entre elles, l'emploi a diminué. Il s'agit surtout des territoires situés au nord-est et dans le Massif central, soit les régions où les activités industrielles et agricoles étaient très présentes il y a trente ans. Dans l'autre quart, au sud-est, à l'ouest et en Ile-de-France, l'emploi a progressé d'au moins 30%.
Si l'emploi a augmenté plus rapidement que la population, comment expliquer la montée continue du chômage pendant cette période ? D'après Olivier Bouba-Olga, chercheur en sciences sociales à l'université de Poitiers, ces deux données ne sont pas en contradiction : l'écart est lié à l'augmentation de la population active (les femmes notamment). "Dans certaines zones, on crée plus d'emplois mais le chômage augmente car il y a plus de personnes qui veulent travailler", explique ainsi à Localtis le chercheur, ajoutant que le chômage a surtout fortement augmenté jusqu'à la fin des années 1980, pour atteindre 8 à 10% et n'a ensuite que peu augmenté. "Il est resté autour de 9-10%, et on n'arrive pas à descendre en dessous, il s'agit d'un chômage structurel", signale-t-il.

"Certaines petites zones marchent très bien"

D'après l'Insee, parmi les 76 zones qui affichent les plus fortes croissances en termes d'emploi, neuf se trouvent en Ile-de-France (Roissy, Saclay, Créteil, Marne-la-Vallée, Cergy, Evry…) et six correspondent à des métropoles régionales (Montpellier, Toulouse, Nantes, Rennes, Bordeaux, Lyon). Mais apparaissent aussi certaines agglomérations de taille moyenne comme Bayonne, Annecy, Fréjus et Chambéry et des zones d'emploi de plus petite taille, à dominante touristique comme Les Sables-d'Olonnes, Agde-Pézenas et Calvi-L'Ile-Rousse. "A l'inverse, l'évolution de certaines métropoles régionales est en dessous de la moyenne : Rouen, Lille, Marseille, signale l'étude, la zone d'emploi de Paris, elle-même, progresse d'à peine 10% en 30 ans."
Des constats qui, d'après Olivier Bouba-Olga, devraient remettre en question les discours actuels favorables aux grandes métropoles. "Certaines zones, moyennes ou petites, comme Besançon ou Bonne, marchent très bien et ont des résultats supérieurs à la moyenne, souligne-t-il, ceux qui ne voient l'avenir que dans les grandes villes ratent quelque chose ! Il n'y a pas de lien spécifique avec la taille du territoire." Aucune généralité ne semble en effet se dégager pour expliquer la croissance de l'emploi, si ce n'est la réussite des zones du littoral, de l'ouest, et du sud due au résidentiel. "Pour le reste, on a des contextes territoriaux spécifiques, il n'y a pas de régularités, c'est beaucoup plus compliqué", assure Olivier Bouba-Olga, qui préconise d'arrêter de chercher un modèle de développement économique unique, mais plutôt d'identifier les potentiels et menaces de chaque territoire et d'organiser les politiques publiques en conséquence.

La production abstraite prend le pas sur la production concrète

L'étude établit toutefois une différence assez forte entre la "sphère productive", qui regroupe les activités liées à des biens ou des services (agriculture, industrie, commerce de gros et services aux entreprises), dont les emplois varient à la baisse (- 6% en trente ans) et la "sphère présentielle", axée sur les services destinés aux personnes, résidentes ou touristes (commerce de détail, santé, action sociale, éducation, services aux particuliers, administration, construction) qui, à l'inverse, a vu ses emplois progresser de 42% entre 1982 et 2011. "Ainsi en 2011, les activités présentielles représentent 65% de l'emploi total contre 56% en 1982", détaille l'étude.
Les 79 zones qui ont perdu des emplois en trente ans sont dans l'ensemble celles où les activités productives étaient prépondérantes en 1982, représentant en moyenne 54% des emplois. Dans la plupart des territoires où la croissance de l'emploi a été la plus forte, les deux sphères d'activités, productive et présentielle, ont progressé.
Autre phénomène : "Au sein de la sphère productive, les emplois de production abstraite (conception-recherche, prestations intellectuelles, production culturelle) prennent le pas sur la production concrète", signale l'étude. En revanche, les effectifs des fonctions de production concrète (fabrication industrielle, production agricole) ont été divisés par deux. En 2011, leur part au sein de la sphère productive n'est que de 30% contre 56% en 1982. "Cette baisse trouve son origine dans les mutations que connaît l'appareil productif sur longue période en lien avec le progrès technologique et la mondialisation", précise l'Insee. Exemple à Maubeuge dans le département du Nord, où les effectifs de la production concrète ont fondu de 65% en trente ans, avec un nombre important de sites fermés ou en difficulté (le centre thermique d'Hornaing, Renault Douai, Durisotti Sallaumines, Saint-Gobain, Aniche…). A l'inverse, les effectifs de la production abstraite ont augmenté de 47% sur la même période.