À Morez, la rivière redevient le cœur de la ville (39)
Créer une promenade verte le long de la rivière Bienne, en cœur de bourg, là où l'industrie avait tout bétonné, c'est le pari de Morez, avec l’Échappée Bienne. Le projet urbain municipal va de pair avec la renaturation de la rivière, menée par le parc naturel régional du Haut Jura.
© Mairie Hauts-de-Bienne
Onze ans après avoir couché l'idée sur le papier, les habitants profitent des premiers aménagements. Au cœur de Morez dans la commune nouvelle des Hauts-de-Bienne, on peut désormais accéder à la Bienne : profiter de la plage de galets dans le parc réhabilité de la Crochère, cheminer au-dessus de la rivière sur des passerelles piétonnes ou encore la traverser sur des pas japonais en cœur de ville. « Après un chantier éprouvant pour la vie quotidienne des habitants, on souffle, note le maire Laurent Petit, soulagé d'avoir passé une étape décisive en juin 2025. Ces travaux transforment le visage de notre ville et les retours sont très positifs. »
Inspiré de la coulée verte niçoise
L'idée germe en 2014, en découvrant la coulée verte de Nice, lieu de rassemblement et de mixité sociale. À Morez, le projet consiste en une promenade récréative de quatre kilomètres de long, et qui relie les principaux pôles de la commune : écoles, équipements sportifs, Ehpad, Office de Tourisme, Hôtel de ville... Le nouvel aménagement permet aussi de renouer avec la rivière, qui constitue l'armature de la petite ville. Le passé industriel autour de la lunette a laissé un paysage minéral, très construit en bord d'une rivière canalisée, enserrée au fond de quais et coupée par de multiples barrages-seuils. Le projet, dénommé Échappée Bienne, veut ainsi créer de nouvelles habitudes de vie, le long d'un grand jardin public que l'on peut parcourir à pied et à vélo. La mairie commence par un temps participatif : balades urbaines et questionnaires permettent de définir les contours du projet urbain, avant de travailler le contenu avec un assistant à maîtrise d'ouvrage. En 2018, la prise de compétence Gemapi par le Parc naturel régional (PNR) du Haut-Jura vient renforcer les ambitions de renaturation de la rivière.
Libérer la Bienne pour recréer un cours d'eau vivant
« Nos échanges avec la mairie ont permis d'acter un programme qui redonne une vraie liberté au cours d'eau », se réjouit Romain Bellier, chargé de mission au PNR et pilote du volet renaturation. Le Parc est pour l'instant intervenu sur trois tronçons, en ajustant le programme au contexte : suppression de seuils, de dalles en fond de rivière, ouverture de berges, installation de blocs de pierre et replantation dans le lit du cours d'eau. Les travaux ont eu lieu en 2023, en centre-ville où les quais ont en partie reculé, en 2024, en amont, au niveau du nouveau parc de la Crochère et en 2025, en aval, près de la rue Morel. « Quand on enlève un seuil, ouvrage qui barre tout ou partie du lit de la rivière, on pense à la faune aquatique, mais on fait surtout circuler les cailloux qui recréent un cours d'eau vivant, avec un filet d'eau permanent, même à l'étiage, le plus bas niveau des eaux », explique le chargé de mission. Supprimer des portions de berges artificielles offre aussi des lieux d'expansion à la rivière et limite le risque d'inondation : « La Bienne a ainsi naturellement créé une plage de galets au niveau du nouveau parc de la Crochère et a quasi doublé de largeur sur le tronçon aval où nous avons détruit 300 mètres de murs et d’enrochements. » Les rochers posés dans le lit de la rivière accueillent à nouveau les oiseaux, en attendant que les saules plantés ne grandissent. « En modifiant quelques tronçons stratégiques de 400 à 500 mètres de long, nous avons amélioré visiblement la qualité du cours d’eau, même s'il faut attendre le résultat de nos suivis scientifiques pour le confirmer. »
Végétalisation et art dans l'espace public
Côté ville, le projet Échappée Bienne a transformé l'espace public : les 1 500 premiers mètres linéaires aménagés de 2024 à 2025 combinent voie douce, végétalisation, installation de mobilier public et nouveaux espaces publics. La mairie a aussi passé commande de quatre passerelles à des artistes, trois sur des passages existants et une création. « Au-delà du rôle fonctionnel de ces passerelles – elles sont désormais accessibles aux personnes à mobilité réduite - l'idée était d'apporter une touche de culture et d'art, un atout supplémentaire pour visiter la commune », indique le maire. Un concours européen a permis de sélectionner des œuvres variées : une passerelle sculpture face à l'Office de tourisme, une passerelle « bancs » devant la résidence senior, une passerelle ludique face au lycée et une passerelle sonore pour rejoindre le parc de la Crochère où l'on peut écouter la « voix » de la Bienne. Le parc, réaménagé, combine prairie, aire de jeux, potagers partagés, espace de pique-nique, terrain de boule et plage nature en bord de rivière. En centre-ville, le recul des quais a permis de proposer un nouvel espace en bord d'eau, accessible par escalier, avec gradins et pas japonais pour franchir la rivière.
Une période de chantier délicate
Dans cette commune de fond de vallée, réaliser ces travaux conséquents en centre-ville a été particulièrement difficile. D'autant plus qu'ils ont cohabité avec des reprises de réseaux et la création d'un réseau de chaleur. Tribunal populaire sur les réseaux sociaux, récriminations régulières : un dossier « épuisant ». Le chargé de mission du PNR confirme : « La gestion des relations avec les habitants et les riverains n'a jamais été simple, y compris pour les entreprises qui intervenaient. » Le chantier a aussi eu son lot de surprises : « Comme la découverte de réseaux dans les seuils que nous devions détruire, poursuit le chargé de mission. Un classique dans les villes industrielles du Jura. » Dévoyer ces réseaux a été un enjeu majeur, tout comme le partage des coûts pour retirer les réseaux obsolètes, les concessionnaires n'étant pas tenus de les supprimer. Côté géotechnique, l'étude par sondage n'a pas permis d'anticiper la réalité du terrain : « on la découvrait souvent sur place, en creusant. Il a fallu s’ajuster en temps réel. »
Le projet se poursuit en amont et en aval
Depuis que le centre-ville réaménagé est livré, c'est l'apaisement. La nouvelle promenade des moréziens a été adoptée, plébiscitée, notamment lors des épisodes caniculaires. « Ce n'est pas la réponse à la sécheresse ou la lutte contre les inondations qui intéresse les habitants, c'est l'offre concrète de nouveaux usages », souligne le chargé de mission du PNR qui a vu les points de vue des habitants changer du tout au tout dans le courant de l'année. Forts de cette première étape, la mairie et le PNR envisagent plus sereinement la prochaine phase de travaux, dont les conséquences seront moins lourdes pour les habitants. Un square existant va être adapté pour accueillir un skatepark pensé avec le conseil municipal des enfants. 400 à 500 mètres de berges artificialisées devraient aussi être retirés à proximité des terrains de sport et du pont des Douanes, les études environnementales sont en cours. L’Échappée Bienne complète devrait être livrée d'ici deux ans.
Les chiffres clés de l’Échappée Bienne
- 4 km de promenade créés à terme, 1,5 km déjà livré
- 1 parc public aménagé, 1 nouvel espace public, 1 square supplémentaire à terme
- 4 passerelles artistiques
- 2 371 036 € HT : coût des premières phases d'aménagement urbain. Subventions obtenues : 25 % Plan Avenir Montagne (État), 14,2 % Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR / État), 1,7 % Fonds Vert (État), 18,4 % Appel à manifestation d’intérêt bourg centre (région Bourgogne-Franche-Comté) et 9,7 % du département du Jura. L'autofinancement municipal est de 31 %.
- 1 000 000 € : coût des passerelles. Subventions obtenues : 28,6 % DETR (État), 29,2 % contrat ruralité en région (région Bourgogne Franche-Comté) et 14,6 % du département du Jura. L'autofinancement municipal est de 27,6 %.
- 1 336 000 € HT : coût de renaturation de la Bienne. Subventions obtenues : 70 % Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse et 10 % FEDER (Union Européenne). L'autofinancement du Parc Naturel Régional du Haut-Jura est de 20 %.
Les nouvelles phases à venir ne sont pas comptées dans ces montants. Elles devraient engager environ 2 millions d'euros supplémentaires.
Commune des Hauts de Bienne – Morez
Nombre d'habitants :
Parc naturel régional du Haut-Jura
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