Dans la Drôme, repenser les filières agricoles pour réduire la dépendance à l'eau (26)

La communauté de communes de Val-de-Drôme en Biovallée relocalise les productions et impulse de nouvelles filières agricoles afin de réduire la vulnérabilité au manque d’eau. Elle s’appuie sur un large réseau de partenaires pour développer une agriculture résiliente.

« Dans la Vallée de la Drôme, l'alimentation est devenue, depuis une vingtaine d’années, un intérêt communautaire, inscrit dans les statuts de l'intercommunalité, présente Jean Serret, président de la communauté de communes du Val-de-Drôme (CCVD). Un service dédié à l'agriculture, l'alimentation et l'irrigation a été créé. » Difficultés rencontrées sur les débouchés de certaines filières comme la filière avicole, arrachage des vergers, quasi-disparition du maïs de consommation : les évolutions récentes imposent de repenser le secteur. « Ces changements sont liés à la compétitivité internationale, avec des pays plus au sud qui produisent ces fruits beaucoup plus tôt dans l'année. Nous sommes aussi confrontés au réchauffement climatique et aux modifications hydrologiques du territoire, entraînant des assecs sévères en été et en septembre. »

Adapter l’agriculture à la disponibilité de la ressource en eau

Bien qu'il y ait suffisamment d'eau cumulée sur l'année, la répartition et le type de pluie, avec des orages notamment, font que l'eau s'écoule rapidement, entraînant un manque d'eau chronique à certaines périodes. « La rivière Drôme qui traverse le territoire a connu des épisodes de grave sécheresse, déclencheurs de tensions sur l'eau et de conflits d'usage. Par le passé, le pompage pour l’irrigation a largement dépassé la limite de l'eau disponible dans la rivière, obligeant à une réorganisation et à une rupture avec les pratiques habituelles. » Le choix est fait : il faut adapter l’agriculture aux limites de la ressource, plutôt que chercher à augmenter massivement le stockage de l’eau. Les actions se concentrent sur la sobriété en eau, l'optimisation des pratiques d'irrigation et l'évolution des itinéraires techniques pour réduire la dépendance à l'arrosage. « Il est devenu essentiel de décaler les besoins en eau en début ou fin de saison, en dehors de la période estivale », témoigne l’élu.

Relocaliser la production agricole

La collectivité impulse la création de quatre filières prioritaires : les fruits biologiques, les légumes de plein champ biologiques, le blé panifiable et la volaille de chair. « L'objectif est de positionner les filières au croisement des enjeux de consommation en eau et de la stratégie alimentaire de relocalisation, explique Florence Dodet, responsable du service agriculture, alimentation, irrigation à la communauté de communes du Val-de-Drôme (CCVD). Un travail collaboratif est lancé, réunissant des acteurs-clés autour de la table. Parmi eux, le Club drômois de l'alimentation (regroupant la Chambre d'agriculture, la Chambre des métiers et la Chambre de commerce et d’industrie), le Cluster bio Auvergne-Rhône-Alpes (association des transformateurs et distributeurs bio) et Agribiodrome (association des producteurs bios de la Drôme).

En 2023, une rencontre est organisée avec 70 opérateurs économiques du territoire pour dresser un état des lieux des filières existantes. Ces entretiens permettent d’identifier les flux de travail, les points de friction ou de rupture entre producteurs, transformateurs et distributeurs. Ces informations sont ensuite synthétisées dans des « fiches filières », qui décrivent l'organisation de ces quatre filières sur le territoire, y compris l'export. « La démarche est fortement rythmée par la saisonnalité agricole et la mobilisation des acteurs, explique Florence Dodet. C’est important d’avoir un accompagnement partenarial. »

Des cultures moins consommatrices d'eau en juillet, août et septembre

Près de 60 actions transversales ou thématiques sont définies pour chaque filière, avec un plan d'action sur deux ans. La priorité est donnée à l'action collective. Des groupes de travail se mettent en place pour chaque filière. La filière céréales se lance. « L’accent est mis sur le développement de céréales de printemps, explique la responsable du service agriculture, alimentation, irrigation. La culture du blé, du sorgho et du colza est préférée à celle du maïs, qui demande de l'eau en été, alors que les rivières sont en période d’étiage. Une première journée est organisée sur la filière des céréales : elle réunit des boulangers, des minotiers et des agriculteurs qui produisent des céréales. L’objectif est la création d’une microfilière locale dans le secteur des céréales panifiables. Un groupe pour la filière légumes est en cours de structuration. Pour les fruits, des actions sont prévues à l'automne 2025 afin de partager les travaux scientifiques sur les variétés résilientes, capables de s’adapter au changement climatique. La filière volaille de chair est plus complexe et fait l'objet d'un travail sur un temps plus long, afin d’augmenter la qualité et mieux connecter les besoins des distributeurs locaux aux producteurs. »

La qualité des sols, un levier pour réduire la consommation d’eau

Des formations sur l'irrigation sont proposées pour consommer moins d'eau, en travaillant sur les fuites et le type de matériel. « Les systèmes d'irrigation par aspersion en couverture intégrale ou canons sont en train de disparaître, au profit de bras circulaires qui utilisent 40 % d’eau en moins, pour les mêmes rendements », précise l’élu. Une réflexion est également menée sur les itinéraires techniques et le travail du sol, dans la perspective de rendre les cultures moins dépendantes de l'irrigation. En mai 2025, un séminaire sur la santé des sols est organisé dans le cadre du programme européen GOV4ALL qui vise à créer cinq pôles ruraux d'innovation en France, Grèce et Espagne. « L'initiative vise à donner aux agriculteurs les moyens d'agir sur la santé des sols, dans la perspective de mieux préparer le territoire aux années de sécheresse à venir, témoigne l’élu. Cet échange d’expérience avec des partenaires grecs et espagnols est intéressant, car ces pays sont en avance en matière d’adaptation face aux phénomènes de sécheresse. » Ce séminaire est mené par un consortium avec la Vallée de la Drôme comme territoire pilote pour la France.

Le territoire étudie également la possibilité de créer des réserves multi-usages et explore la réutilisation des eaux usées traitées pour l'irrigation. « Nous avons travaillé sur trois stations d'épuration, rendant disponible environ 400 000 m³ d'eau, explique l’élu. Cette eau est actuellement rejetée dans la rivière, elle soutient l’étiage. Pour un usage agricole, il faut faire évoluer la réglementation et les mentalités. »

 

Le budget du Val-de-Drôme pour développer une agriculture résiliente

  • Phase 1 et 2 - diagnostic : 39 275 euros

  • Phase 3 - coconstruction du plan d’actions : 38 545 euros

  • Phase 4 (premières actions) : 66 385 euros

Total : 144 205 euros dont:

  • autofinancement CCVD : 14 760 euros

  • partenaires : 30 780 euros

  • subvention Tetraa-Carasso : 80 494 euros

  • projets départementaux pour améliorer la santé de la population / CNR : 10 456 euros

  • Feader : 7 715 euros 

480 exploitations agricoles

La communauté de communes du Val-de-Drôme en Biovallée compte 29 communes, 31 000 habitants et 480 exploitations agricoles, qui couvrent 25 % de la surface agricole utile (SAU) en agriculture biologique. L'agriculture représente 9,4 % des emplois, un taux plus de deux fois supérieur à celui observé dans le département (4 %). Le territoire est un producteur important d'ail de semence, d'ail de consommation ainsi que de plantes aromatiques et médicinales.

Le Club drômois de l'alimentation

Le Club drômois de l'alimentation est né en 2022. Il regroupe la Chambre d'agriculture, la Chambre des métiers et la Chambre de commerce et d'industrie (CCI). Son objectif est de reconnecter les maillons des filières : distributeurs, transformateurs, producteurs. La CCVD offre un « terrain de jeu » à cette structure émergente, pour expérimenter de nouvelles approches.

Communauté de communes Val-de-Drôme en Biovallée (CCVD)

Nombre d'habitants :

30900

Nombre de communes :

29
Ecosite du Val-de-Drôme, 96 ronde des Alisiers
26 400 Eurre
ccvd@val-de-drome.com

Florence Dodet

Responsable du service agriculture, alimentation, irrigation

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