Rhône Crussol et Arche agglo redessinent le paysage agricole pour retenir les eaux de pluie (07-26)

« En début de mandat, je suis allé à la rencontre des agriculteurs du territoire pour connaître leurs difficultés. Viticulteurs, arboriculteurs, éleveurs de bétail, tous m’ont parlé de leurs problèmes de ressource en eau », souligne Jean Riallon, vice-président à l'agriculture et la viticulture de la communauté de communes de Rhône Crussol. L'élu rencontre alors un expert local du « Keyline design », technique d'hydrologie régénérative datant des années 1950-60 et conceptualisée par un agronome australien. « Cette méthode consiste à créer des fossés, des noues et des mares bordés de haies suivant un schéma dicté par les courbes de niveaux, afin de ralentir la chute de l'eau sur une parcelle. En lui faisant prendre le plus long chemin possible, ces aménagements permettent à l’eau de pluie de mieux imprégner les sols, poursuit l'élu. C'est efficace en cas de forte pluie pour limiter l'érosion, mais aussi en cas de sécheresse pour moins arroser. »

Une première expérimentation concluante 

En 2021, pour expérimenter ce principe, l'élu obtient l'accord d'un éleveur qui propose une parcelle de onze hectares, abandonnée car trop « séchante ». Le dessin et l'aménagement de la parcelle représentent un coût de 40 000 euros et l'élu va alors démarcher la Compagnie nationale du Rhône (CNR). « Les personnes rencontrées ont été très sensibles au concept, car ils souhaitent limiter les pompages dans le fleuve pour préserver la ressource. » La création de canaux et la plantation de haies sont réalisées en 2021 : l'éleveur constate que l'eau est bien freinée, que l'érosion est stoppée et réinstalle ses bêtes sur cette nouvelle prairie redevenue fonctionnelle. « Comme la CNR nous avait apporté des financements pour étendre la démarche, nous sommes alors allés voir nos voisins d'Arche Agglo, avec qui nous venions d'adopter un projet alimentaire territorial commun. Et l’un des axes de ce PAT est d'accompagner les pratiques agricoles sur le changement climatique. »

Élargir la démarche à 17 sites

Au printemps 2023, l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse publie un appel à manifestation d'intérêt Eau et climat. « Nous avons alors décidé de déposer un projet commun : Keyline design inter-communautaire », explique Laura Castillo, chargée de mission agriculture alimentation à Arche Agglo, missionnée sur les deux collectivités. Les agriculteurs des deux territoires sont sollicités et les volontaires sélectionnés pour représenter les différentes spécialités : arboriculture, viticulture, maraîchage, élevage, céréaliculture... 17 d'entre eux vont finalement profiter de cet appel à manifestation : 10 sur Arche Agglo et sept sur Rhône Crussol. En tout, le projet vise 90 hectares aménagés et 30 000 arbres plantés. « Chaque agriculteur se voit proposer un projet clé en main, explique la chargée de mission. Après des allers-retours pour amender un plan d'aménagement, on acte par convention le dessin final et la réalisation des travaux. » Les deux collectivités ont passé un marché commun pour le dessin, qui associe trois prestataires. Chacun gère ensuite en direct le volet aménagement : Arche Agglo avec un marché global de travaux, Rhône Crussol en consultation sur devis à chaque projet.

Un suivi scientifique de l'impact du Keyline design

Mi-2025, les 17 plans d'aménagement ont été actés et 11 parcelles sont déjà aménagées. Pour certaines, le volet plantation d'arbres s'est opéré en participatif avec des écoles et habitants. Les six dernières parcelles seront aménagées à l'automne. « Pour accompagner le groupe d'agriculteurs concernés, nous avons proposé une visite du premier site expérimental, une formation en hydrologie régénérative et un temps commun d'échange-questions avec les prestataires », indique la chargée de mission. Toutes les parcelles bénéficient également d’un suivi scientifique pendant plusieurs années, grâce à la Chambre d'agriculture de l'Ardèche et l'Association pour le développement de l'agroforesterie (ADAF) : « Des capteurs hydriques vont nous renseigner sur la teneur en eau, des prélèvements permettront de suivre la biodiversité et la composition de la terre », précise le vice-président.

Un bassin versant intégralement aménagé ?

En attendant les résultats de ce suivi, les agriculteurs constatent visuellement les premiers effets : « Plusieurs nous ont envoyé des photos après des averses pour constater que l'érosion est régulée », note la chargée de mission. Les pluies de l'automne ont regarni la liste des candidats à l'expérimentation : de quoi imaginer une nouvelle salve de projets à l'issue de l'AMI, en décembre 2025. Côté Rhône Crussol, le vice-président veut aller bien plus loin : « On souhaite tester l'hydrologie régénérative à l'échelle du bassin versant du Mialan, un affluent du Rhône. Les 56 kilomètres carrés de ce bassin versant sont intégralement situés sur le territoire de notre communauté de communes. » Pour ce projet pilote, l'élu aimerait lancer les études en fin d'année, après bouclage du financement. Il ambitionne de recréer des zones humides en tête de bassin versant, agir avec les propriétaires sylvicoles pour adapter les chemins d'exploitation aux courbes de niveaux, travailler en Keyline design pour la partie agricole et enfin désimperméabiliser la ville de Saint-Péray en bas des collines. « L'Agence de l'Eau et la CNR devraient nous suivre : on pourrait ainsi tester les bénéfices du Keyline design pour la première fois à grande échelle en France » se réjouit-il.