Lutte contre la pauvreté : face aux associations inquiètes, le gouvernement affirme "son engagement à poursuivre le travail"

Lors d’une rencontre consacrée au bilan d’étape du Pacte des solidarités, les associations ont fait état de leurs préoccupations à l’approche des arbitrages budgétaires 2026. Le Premier ministre se serait engagé à "organiser le combat contre la pauvreté", avec la définition d’un objectif à 10 ans, et à maintenir le parc d’hébergement d’urgence à 203.000 places. Le premier bilan du Pacte des solidarités laisse apparaître une mise en œuvre contrastée selon les territoires et soulève des incertitudes sur le financement de "certaines mesures clés". 

Le Premier ministre, François Bayrou, a reçu le 3 juillet les associations de lutte contre la pauvreté pour un point d’étape sur le Pacte des solidarités qui avait été lancé en septembre 2023 par Élisabeth Borne (voir notre article) et qui se poursuit jusqu’en 2027. "Ce pacte vise à améliorer l’accompagnement des personnes vulnérables, à lutter contre la précarité des enfants, à soutenir les initiatives locales en faveur de l’inclusion et à construire une transition écologique solidaire", rappellent les services du Premier ministre dans un communiqué succinct. 

Un risque sérieux de "dévitalisation du secteur associatif de la solidarité"

Préparé par Anne Rubinstein, déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, et son équipe, le bilan intermédiaire du Pacte, daté de mai 2025, est contrasté : si "la très grande majorité des mesures sont bien lancées conformément aux ambitions initiales, quelques défis émergent : financement incertain de certaines mesures clés, hétérogénéité des déploiements territoriaux et nécessité de renforcer l’implication des acteurs locaux" (voir notre encadré ci-dessous). 

Lors de leur rencontre avec le Premier ministre, les représentants associatifs ont exprimé leurs fortes inquiétudes dans l’attente des arbitrages budgétaires 2026 (voir notre article). "Le risque est désormais sérieux à force de découragement et d’affaiblissement économique, de manque de perspectives et de vision, d’une dévitalisation du secteur associatif de la solidarité pourtant si précieux aux équilibres de notre pays", estime ainsi Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), dans un communiqué. Le collectif Alerte a demandé au gouvernement de "s’engager à ce que les économies attendues ne se fassent pas sur le dos des classes moyennes et des personnes en situation de fragilité". 

Le collectif qui fédère 34 fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté a exprimé également ses "préoccupations autour de la relance du projet d’allocation sociale unifiée". "Toute évolution en la matière nécessite de la clarté sur l’objectif final, des garanties fermes à la fois sur le périmètre de ces changements ainsi qu’un engagement financier conséquent", indique le collectif Alerte dans un communiqué du 3 juillet 2025. 

"Un objectif à 10 ans de réduction de la pauvreté"

Ce bilan d’étape a été l’occasion pour François Bayrou et ses ministres de saluer "l’engagement sans relâche des associations et des professionnels, acteurs clés de notre système de solidarité" et de souligner que "leur action est essentielle pour maintenir le lien social et faire vivre les valeurs de fraternité et de cohésion nationale". "Le gouvernement a rappelé sa mobilisation pour répondre aux situations d’urgence sociale et réaffirmé son engagement à poursuivre le travail et accompagner au mieux les populations les plus précaires", selon le communiqué. 

Les associations nous en apprennent davantage sur le contenu de cette réunion. "Le Premier ministre a déclaré 'La pauvreté ne peut pas être une fatalité' et il a appelé à changer le regard de la société sur la pauvreté où les personnes sont trop souvent stigmatisées et culpabilisées", rapporte le collectif Alerte. Le gouvernement se serait par ailleurs "engagé à pérenniser 203.000 places d’hébergement d’urgence et à approfondir la dynamique du plan Logement d’abord". Demandant au Premier ministre "de respecter la loi, en s’engageant dans la définition d’un objectif chiffré et mesurable de réduction des inégalités", le collectif Alerte a obtenu gain de cause puisque François Bayrou aurait confié au Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) "le soin de travailler à définir un objectif à 10 ans de réduction de la pauvreté". Le chef du gouvernement se serait enfin engagé à "combler en partie la non-reconduction des crédits aide alimentaire en 2025". 

Le président de la FAS prend acte de son côté de plusieurs engagements du Premier ministre : "organiser le combat contre la pauvreté, (…) notamment avec les associations et les collectivités locales", "lever les obstacles bureaucratiques" à l’action des associations, "ouvrir la réflexion sur l’avenir de l’hébergement et du logement d’abord" et "veiller aux délais de versement des financements aux associations". 

Le collectif Alerte attend de la "cohérence" entre "le discours humaniste" et les actes 

Les engagements de François Bayrou sont "indispensables mais insuffisants au regard de l’ampleur des enjeux et de la réalité concrète vécues par les personnes", pour le collectif Alerte, qui dit "l’urgence d’une stratégie ambitieuse". Le collectif attend de la "cohérence" entre "le discours humaniste du Premier ministre" et l’action des différents membres du gouvernement. 

Le président de la FAS appelle les associations du réseau à "promouvoir partout [leur] contribution aux équilibres du pays, à la dignité des personnes et à la tranquillité publique" et à s’"emparer de tous les espaces qui seront ouverts par les pouvoirs publics pour réduire les dysfonctionnements de politiques publiques (ASE, santé mentale, droits des femmes, addictions, emploi, écologie, migrations) dont les personnes accompagnées et les associations subissent les conséquences". 

Pacte des solidarités : une trajectoire "à conforter pour atteindre les objectifs fixés"

Selon le premier bilan réalisé par la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté (DIPLP), le Pacte des solidarités a mobilisé au niveau national 387 millions d’euros en 2023 (dont 267 millions pour l’inclusion sociale et la protection des personnes, 45 millions pour l’accès et le retour à l’emploi et 41 millions pour l’hébergement et l’accès au logement) et 575 millions d’euros en 2024 (dont 281 millions pour l’inclusion, 191 millions pour l’emploi et 62 millions pour le logement). 

"En soutenant des initiatives comme la gratuité des manuels scolaires à Mayotte, l’augmentation de l’aide à la restauration scolaire ou encore le Pass colo, le Pacte veille à favoriser une approche concrète, génératrice d’effets immédiats et adaptée aux besoins locaux", peut-on lire dans le rapport. Ce dernier (à télécharger ci-dessous) détaille l’état d’avancement de l’ensemble des mesures du Pacte : des objectifs atteints (par exemple "faire émerger des territoires 'accélérateurs' du déploiement du service public de la petite enfance dans les 18 régions" via le fonds d’innovation pour la petite enfance), des mesures en cours de déploiement (plan d’urgence "Enfants sans domicile", accès aux loisirs et Pass colo, soutien à la parentalité…), des actions dont la trajectoire est "satisfaisante" (lutte contre la malnutrition des enfants, mesures sur l’accès aux droits, la santé et notamment le soin des personnes à la rue, programme Mieux manger pour tous et tarification sociale des cantines, Pacte outre-mer…) et certaines mesures abandonnées (création d’une prime de reprise d’activité, aide à l’achat de vélo). L’analyse porte également sur chaque axe du Pacte, "dont la trajectoire reste à conforter pour atteindre les objectifs fixés", selon la DIPLP. Cette dernière "va réaliser prochainement une cartographie détaillée des mesures mises en place dans le cadre du Pacte des solidarités afin de vérifier la couverture territoriale du déploiement des mesures". 

Le bilan rend compte également de l’avancée des contrats locaux des solidarités : en 2024, 93 contrats ont été signés avec des départements et collectivités à statut particulier, pour un montant de 79 millions d’euros de crédits de l’État, et 22 ont été signés à l’échelle métropolitaine (21 avec un EPCI et un avec la ville de Marseille) pour 11 millions d’euros de crédits de l’État. "De fortes disparités dans l’utilisation des crédits" sont observées. Ces contrats locaux ont, dans leur ensemble (parts État, collectivités signataires et financeurs tiers), mobilisé près de 206 millions d’euros (soit une part État de 44%). La DIPLP analyse de façon détaillée les actions financées, qui permettent selon elle "un renfort indéniable de l’offre d’accompagnement". Les publics prioritaires sont les jeunes, les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et les parents. L’échelon métropolitain "apparait particulièrement intéressant pour la mise en œuvre d’actions de lutte contre la pauvreté", estime la DIPLP. 

Enfin, les commissaires à la lutte contre la pauvreté ont consacré près de 18 millions d’euros, répartis entre les régions sur la base d’un indicateur de pauvreté, pour conclure 122 "pactes locaux des solidarités". Cette démarche nouvelle vise à "mobiliser les écosystèmes d’acteurs locaux dans le champ des solidarités" (CAF, communes et CCAS, intercommunalités, départements, agences régionales de santé…) et à compléter les contrats locaux en finançant des actions de court terme. 

 

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