Jean-Luc Boch (ANMSM) : "Le grand défi des stations de montagne est la diversification"

L'Association nationale des maires de stations de montagne (ANMSM) tenait son assemblée générale ce jeudi 18 septembre à Saint-Lary-Soulan (Hautes-Pyrénées). Jean-Luc Boch, son président, revient pour Localtis sur les temps forts de ce rendez-vous.

Localtis - À l'occasion de son assemblée générale de 2025, votre association fête ses 80 ans. Comment se porte-t-elle ?

Jean-Luc Boch - Elle se porte bien. L'ANMSM a pour but de défendre les intérêts de la "montagne économique", c'est-à-dire des villages supports de stations aménagées, contrairement à d'autres associations qui défendent toute la montagne. Nous avons actuellement un peu plus d'une centaine d'adhérents. Cela fonctionne bien dans l'ensemble, nous obtenons des résultats.

Vous abordez cette année durant vos travaux la question des médecins de montagne. Pourquoi ce thème ?

C'est un sujet majeur dans le fonctionnement des stations tout simplement parce qu'il y a de l'accidentologie sur les pistes de ski, c'est un sport à risques. Des millions de personnes skient chaque année et risquent, à un moment donné, une chute, une petite collision. Ces personnes évacuées par les services de piste des stations sont traitées pour 95% dans des cabinets médicaux de montagne, évitant ainsi la saturation des hôpitaux locaux. Les médecins de montagne sont donc essentiels.

Sont-ils en nombre suffisant ?

Non, la montagne, qui fait partie de la ruralité, n'échappe pas à la désertification des milieux ruraux. Dans les grandes stations, on a jusqu'à une quinzaine de médecins, cela fait du monde. Mais pendant de nombreuses années, on n'a plus formé de médecins en France. C'était une bêtise absolue. De plus, les médecins actuels ne pratiquent plus comme les médecins de famille d'autrefois soixante-dix heures par semaine. Il faut donc s'organiser avec des maisons médicales en stations et pourvoir à des changements de médecins réguliers pour pouvoir fonctionner correctement. 

Lors votre assemblée générale vous avez présenté les résultats d'une enquête sur les grands défis des stations et les aspirations des Français. Quels en sont les enseignements ?

Aujourd'hui, le grand défi est celle de la diversification. Les stations de haute altitude ont encore un avenir radieux pour de nombreuses années, mais le bouleversement climatique fait qu'il y a moins de précipitations en basse et moyenne altitudes. Les stations concernées doivent s'adapter en permettant la fréquentation touristique aussi bien l'été que l'hiver, car sans cette activité touristique, il n'y a pas d'économie. Il faut se rappeler qu'il y a une soixantaine d'années, avant le troisième plan Neige, on avait toutes les peines du monde à vivre sur des territoires ruraux présentant une forte déclivité. Les cultures et l'élevage étaient difficiles, la vie était très rude. Aujourd'hui, grâce à la diversification et au tourisme, des centaines de milliers de personnes peuvent vivre et travailler sur ces territoires. Sans travail sur un territoire, c'est l'exode. Il existe aussi le défi de l'adaptation à une clientèle en quête de simplification. Les gens souhaitent réserver en ligne toutes les activités nécessaires à leur séjour et profiter de prix en anticipant leurs réservations. Cela, il faut le mettre en place, y compris la mobilité qui, aujourd'hui, pose problème avec le "décarboné" et le ferroviaire. Il faut s'adapter et écouter la demande de la clientèle et proposer une offre en adéquation. Ce sera un grand pas en avant pour l'intégralité de notre écosystème.

Il y a un an vous en appeliez aux pouvoirs publics pour adapter les stations de montagne. Votre appel a-t-il été entendu ?

Malheureusement, les marges de manœuvre du gouvernement sont très compliquées. Le pays ne va pas bien, il n'a pas de gouvernance stabilisée et cela crée des problèmes. Or le tourisme vit d'abord de quiétude et de sérénité. On part en vacances pour se reposer, se ressourcer et oublier les tracas de la vie quotidienne.

Il y a tout de même eu ces dernières années un fil conducteur des politiques publiques en faveur du tourisme autour du travail saisonnier. Ces campagnes, souvent impulsées par le gouvernement, ont-elles porté leurs fruits ?

Les collectivités se sont emparées de ces sujets en demandant au gouvernement de porter des mesures car il y a des problématiques et des freins, notamment normatifs. Nous sommes, en France, les champions du monde de la norme. Il faut simplifier, et cela veut dire supprimer ce qui existe et mettre en application un texte plus simple que ce qui précédait. Jamais simplifier n'a voulu dire mettre un texte plus simple en complément de ce qui existait déjà. Aujourd'hui, on a un gros travail à faire sur les saisonniers en améliorant leurs conditions d'accueil. Le logement et la mobilité des saisonniers font partie de nos obligations : si vous payez mal et logez mal les saisonniers, vous n'en avez pas. Mais les efforts en faveur des saisonniers n'ont pas encore porté leurs fruits. Il y a eu des initiatives dans plusieurs collectivités mais on attend que le gouvernement nous aide sur certains sujets. On ne parle pas de finances, on veut des simplifications administratives et techniques pour évoluer et avancer.

Vous dénoncez régulièrement les critiques que la société adresse au ski. Voyez-vous l'organisation des Jeux de 2030 dans les Alpes comme une réhabilitation des sports d'hiver ?

Il va falloir qu'on soit très vertueux, qu'on ne dépense pas trop d'argent et qu'on ait à la fin un équilibre budgétaire. C'est ce qui est annoncé et c'est impératif. Il ne faut pas oublier que les Jeux sont un vecteur de rêve pour les enfants. Aujourd'hui, on a un bashing [sic] absolu sur le ski et la neige, destination de proximité pour les Français. Mais si demain les stations françaises étaient fermées, les Français se déplaceraient en avion aux quatre coins du monde. Il est dérangeant que l'on critique toujours le modèle de la montagne française alors que 70% des touristes y sont des Français et 25% des étrangers de proximité immédiate. C'est l'opposée du tourisme à Paris, où l'on vient des quatre coins du monde, mais jamais je n'ai entendu dire que le tourisme à Paris était dégradant, avilissant et qu'il avait une empreinte carbone négative. Il faut juste remettre l'église au centre du village.

Qu'attendez-vous du futur ministre du Tourisme ?

J'attends qu'il soit à notre écoute. Pour la énième fois, nous allons renouer le dialogue, recommencer à expliquer l'intégralité de nos problèmes et essayer de trouver des solutions et d'avancer. Mais tant qu'on n'aura pas plus de stabilité gouvernementale, ça va être compliqué de fonctionner dans notre pays. Nous sommes actuellement dans l'immobilisme et cet immobilisme coûte très cher à la France. Quand on freine le travail et qu'on ralentit la machine, on perd de l'argent.  

 

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