La Cour des comptes propose de placer les policiers municipaux sous l’autorité des préfets lors des grands événements
Jugeant "décevante" la contribution des polices municipales à la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques, la Cour des comptes propose une mesure choc : les placer momentanément sous l’autorité des préfets lors des grands événements et autres crises.

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La sécurité des Jeux olympiques et paralympiques de l’été 2024 a été "assurée avec succès dans tous ses aspects", estime la Cour des comptes dans un rapport publié le 29 septembre, lequel fait partie d’un bilan plus global de l’organisation de cet événement (voir notre article). Si les zonages de sécurité dans la capitale avaient été vivement critiqués, de même que l’organisation de la cérémonie d’ouverture à ciel ouvert dans un contexte international sous haute tension - surtout après le "fiasco" de la Coupe de la Ligue des champions en 2022 -, la Cour rappelle qu’"aucune crise significative n’a été à déplorer". Seule exception : le sabotage de lignes à grande vitesse, à quelques heures de l’ouverture, affectant plus de 800.000 voyageurs. "Les quelques projets terroristes, de sabotage et revendicatifs ont été déjoués en amont, tandis que les tentatives d’ingérences étrangères ont été contrecarrées pendant l’événement", souligne-t-elle, constatant une très forte mobilisation des forces de l’ordre dans les villes hôtes, pour un coût d’environ 1,7 milliard d’euros. Environ 35.000 policiers et gendarmes ont été sur le pont chaque jour, sans compter les militaires de la force Sentinelle et les agents de sécurité privée.
Seule ombre au tableau : la mobilisation "décevante" des polices municipales. Hormis Châteauroux qui a mobilisé l’ensemble de ses 26 agents, la plupart des villes hôtes ne sont contentées du minimum, pour des tâches le plus souvent liées à la circulation. Lille n’a consacré que 4 à 6 policiers par jour à la sécurisation des Jeux, sur un effectif de 165 agents. À Paris, la police municipale forte de 2.255 agents au moment des Jeux, a bien vu son taux de présence sur la voie publique passer de 36 à 47% mais elle n’a représenté que 2,5% des effectifs consacrés à la sécurisation de la cérémonie d’ouverture, principalement pour des missions de filtrage et de circulation. À Nantes, la police municipale représentait moins de 10% des effectifs consacrés à la sécurisation des matchs de football… La Cour reconnaît que la sécurisation des Jeux "relève de la responsabilité exclusive du ministre de l’Intérieur" et que l’État a très tôt assumé qu’elle reposerait "sur des forces régaliennes sous l’ordre des préfets compétents et n’a pas souhaité y intégrer les polices municipales". Pour autant, "il y a eu, dans certaines collectivités, des réticences" à l’emploi de leurs policiers.
Manque de fiabilité
De plus, la Cour considère que les polices municipales "sont aussi un partenaire qui peut manquer de fiabilité, dans un moment où la défaillance n’est pas permise". Les polices municipales n’étant pas soumises aux restrictions du droit de grève prévues à l’article L. 114-7 du code général de la fonction publique, plusieurs d’entre elles (Lyon et Marseille) en ont fait usage. Pour la magistrats, la "troisième force de sécurité intérieure" et ses 27.000 agents, n’a pas été au rendez-vous du "continuum de sécurité", "non par manque de prérogatives, mais parce que leurs conditions d’emploi sont trop contraignantes pour l’État : autonomie opérationnelle complète (contrairement aux services départementaux d’incendie et de secours placés sous l’autorité fonctionnelle des préfets), démultiplication des interlocuteurs, hétérogénéité des conditions d’emploi, moindre fiabilité du fait du droit de grève". Ce qui constitue un obstacle pour la gestion des grands événements et des crises. Aussi la Cour préconise-t-elle d’aménager le cadre légal existant pour "permettre, en cas de grand événement, de placer les polices municipales temporairement à disposition des préfets", comme pour les Sdis.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle recommandation est mise sur la table. En 2023, tirant le bilan de la gestion de la crise sanitaire, l’inspection générale de l’administration était allée dans le même sens, arguant que certaines municipalités s’étaient montrées peu coopérantes pour faire appliquer les réglementations en vigueur (voir notre article).
Un bilan "mitigé" pour les caméras intelligentes
Autre sujet qui avait fait couler beaucoup d’encre lors de ces Jeux : l’usage des caméras "intelligentes" ou algorithmiques. Dans le prolongement du rapport d'évaluation (voir notre article), la Cour dresse un bilan "mitigé" pour des performances "contrastées". Certaines utilisations (détection des intrusions, circulation en sens inverse, mouvements de foule, traversées de voies ferroviaires…) ont donné des résultats "globalement satisfaisants". Mais la détection d’objets abandonnés s’est révélée "plus aléatoire". L’algorithme a souvent assimilé le mobilier urbain ou les équipements de nettoyage (bancs, poubelles, seaux…) à des objets abandonnés. Sur 270 alertes détectées par l’outil de la SNCF, seules 21 se sont avérées pertinentes. Pour ce qui est de la détection d’armes à feu expérimentée à Cannes, elle a donné lieu à de nombreuses fausses alertes. La Cour juge donc nécessaire "d’ajuster les matériels ainsi que leurs paramétrages afin d’en optimiser l’usage".
Elle relève encore des failles dans la lutte anti-drones et la détection des explosifs, ce qui a conduit à faire appel aux services de "pays amis", Royaume-Uni, Espagne ou Allemagne, cette dernière ayant par exemple fourni une trentaine de brouilleurs portables. La Cour recommande qu’une "doctrine commune" de la lutte anti-drones soit mise en œuvre au sein du ministère de l’Intérieur.