Pour la Cour des comptes, Paris 2024 a eu un impact économique limité

Le rapport "exhaustif" de la Cour des comptes sur les Jeux olympiques de Paris 2024 fait état de dépenses publiques plus importantes que celles envisagées dans son précédent bilan. Quant à l'impact de l'évènement sur l'économie française, il est jugé modeste.

"Faible." Voilà comment la Cour des comptes résume l'impact des Jeux olympiques de Paris 2024 sur l'activité économique française dans un bilan exhaustif de l'évènement paru ce 29 septembre. Cette "appréciation sur les retombées économiques" était le chaînon manquant du travail d'évaluation de la Cour qui avait notamment fait l'objet d'une note d'étape en juin dernier (lire notre article du 23 juin).

Avant d'en venir à ce constat, la Cour des comptes tire le bilan de Paris 2024 sous différents aspects et estime que "les Jeux peuvent être considérés comme un sujet de satisfaction". Sur le plan social, le bilan est positif, tant en matière de sécurité au travail sur les chantiers qu'en termes d'insertion et d'accès aux marchés pour les TPE-PME. De même, la sécurité (qui fait l'objet d'un rapport distinct, sur lequel Localtis reviendra dans sa prochaine édition) a été assurée "avec succès dans tous ses aspects". Côté transports (également objet d'un rapport à part - voir notre encadré ci-dessous), la gestion des déplacements a constitué "un élément clé de la réussite de l'événement". À propos de la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques, visé par un dernier rapport particulier), qui a supervisé la réalisation de soixante-dix ouvrages, la Cour loue "une gestion rigoureuse" qui a permis "la livraison dans les délais de tous les ouvrages prévus". On note encore que les choix de la candidature ont "contribué à réduire l'impact sur l'environnement". Quant à l'héritage des Jeux, "il apparaît d'ores et déjà riche et multiple". Ce rapport est aussi l'occasion de dresser un bilan inédit du bénévolat mis en place par les collectivités durant les Jeux, en plus de celui du comité d'organisation. Les collectivités ont ainsi mobilisé au moins 5.188 bénévoles, soit 13% du total. Le volume le plus important étant celui de la ville de Paris (3.200 bénévoles). Et bien qu'une charte du volontariat olympique et paralympique ait contribué à encadrer cette mobilisation, la Cour regrette qu'"aucune stratégie de valorisation du bénévolat au niveau national n'a été bâtie". 

Des dépenses publiques revues à la hausse

Ce bilan permet surtout d'établir le vrai coût des Jeux. "Cette nouvelle évaluation, commente la Cour, tient désormais compte des dépenses réalisées par les collectivités territoriales telles qu'identifiées par les chambres régionales des comptes (CRC) et d'une première estimation des dépenses engagées pour assurer la baignabilité de la Seine en vue des épreuves de natation en eau libre et de triathlon."

Les dépenses publiques liées à l'organisation sont ainsi estimées à 3,02 milliards d'euros et les dépenses publiques d'infrastructures à 3,63 milliards. C'est plus que les estimations de juin dernier qui se montaient à 2,77 milliards pour l'organisation et à 3,19 milliards pour les infrastructures. Ce sont finalement 6,65 milliards de dépenses publiques qui ont été engagées pour Paris 2024. Pour rappel, fin 2017, le premier projet de loi de finances adopté après l'attribution des Jeux à Paris tablait sur des dépenses publiques limitées à un peu plus de 1,5 milliard.

Seulement +0,07 de point de PIB

Si les dépenses publiques consacrées à Paris 2024 ont quadruplé par rapport aux prévisions initiales, les bénéfices pour l'économie nationale sont minces. Pendant la phase de travaux de construction et de réhabilitation débutée fin 2019, "l'État et les collectivités territoriales ont mobilisé les financements nécessaires pour couvrir l'ensemble des surcoûts, notamment liés à la hausse de l'inflation [sic], particulièrement marquée dans le secteur du bâtiment". Parallèlement, "d'autres projets – qu'ils soient privés ou publics – ont été reportés ou réduits en raison des fortes tensions inflationnistes". Résultat : "L'impact des dépenses publiques d'infrastructures engagées pour l'organisation des Jeux a été fortement atténué par la hausse des prix, limitant leur effet réel sur l'activité", pointe la Cour des comptes.

Globalement, l'impact des Jeux sur la croissance annuelle de 2024 est estimé à 1,9 milliard d'euros, soit +0,07 point du PIB, et correspond à l'enregistrement dans les comptes nationaux des revenus de billetterie et issus des droits de diffusion, ainsi que des primes exceptionnelles versées aux agents publics en contrepartie de leur mobilisation pour les Jeux. 

Effet d'éviction dans le tourisme

D'autres postes de contribution potentiels à la croissance en 2024 sont jugés "plus incertains". L'Insee a même évalué négativement (-0,1 point de PIB) les effets d'éviction auprès des touristes qui ne sont pas venus en France du fait de la tenue des Jeux. "La saison touristique estivale en Île-de-France a été marquée par une baisse significative du nombre de nuitées, à la fois pour les visiteurs résidents et non-résidents", souligne la Cour. Elle ajoute que "l'organisation des Jeux s'est traduite par des perturbations [qui] ont eu des conséquences directes" sur les activités de certains acteurs économiques et sont "susceptibles d'ouvrir droit à indemnisation".

À plus long terme, la Cour des comptes confie que les bénéfices des Jeux sont à considérer "avec prudence". À propos des infrastructures construites ou rénovées, elle se montre pessimiste : "Il apparaît peu probable que leur exploitation produise des rendements économiques positifs." Côté tourisme, si l'organisation des Jeux a offert à la France "une visibilité internationale exceptionnelle" ; la Cour tempère : "Les résultats des travaux de recherche menés ex-post suggèrent que les effets sur le tourisme des Jeux olympiques ainsi que d'autres grands événements sont généralement non significatifs, en particulier pour les pays qui sont déjà parmi les principales destinations touristiques mondiales."

Manque à gagner fiscal

Dernière source de bénéfice économique envisagée par la Cour des comptes : les recettes fiscales indirectes sont jugées "limitées". Car si les Jeux ont généré des recettes publiques fiscales et commerciales estimées à 293,6 millions d'euros, la DGFiP constate que leur organisation "ne semble pas avoir particulièrement stimulé les recettes de TVA, pas même pendant la période restreinte des Jeux", ni même l'ensemble des prélèvements obligatoires. Et cela alors que le niveau des recettes a été réduit par des dépenses fiscales : le taux de TVA réduit à 5,5% pour la billetterie et le régime fiscal dérogatoire pour le comité d'organisation, le chronométreur officiel des Jeux et le CIO ont entraîné respectivement 193,3 millions et 57 millions d'euros de manque à gagner.

Faire mieux en 2030

En conclusion de son analyse des retombées économiques des Jeux de Paris 2024, la Cour des comptes pointe le rôle des études d'impact réalisées avant l'évènement.  Elle déplore que ces études "souvent financées [par les organisateurs de l'évènement] présentent des risques de biais importants et, même rigoureusement menées, tendent à surestimer les effets économiques". En l'occurrence, l'étude ex-ante, financée par le comité de candidature Paris 2024 et réalisée en 2016 par le Centre de droit et d'économie du sport (CDES) évaluait l'impact pour la région Île-de-France à 7,5 milliards d'euros, et son actualisation d'avril 2024 tablait sur 7,11 milliards. 

Les Jeux d'hiver de 2030, visés par de nombreuses recommandations de la Cour des comptes, feront-ils mieux que Paris 2024 en matière de prévision et d'exécution des dépenses publiques ? Une chose est sûre, leur comité d'organisation ne pourra pas dire qu'il n'a pas été prévenu.

Des transports parés d'or par la Cour

"Les offres de transport déployées pendant les Jeux ont contribué au succès de l'événement, sans saturation des transports en commun ni difficultés majeures dans la desserte des sites." Pour la Cour des comptes (volet transport de son bilan des JOP), les transports méritent assurément la médaille d'or des JOP 2024, d'autant plus que "les contraintes calendaires ont pourtant été exigeantes". La rue Cambon observe ainsi que la victoire a été acquise en cassant sur la ligne, la plupart des infrastructures ayant été "livrées quelques semaines avant l'échéance". Mieux, la Cour estime que "les engagements pris par Paris 2024 à l'égard du CIO ont été respectées", faisant ainsi fi de l'abandon de certains projets que les organisateurs avaient initialement inscrits dans le dossier de candidature (dont la construction, "d'ici 2023", des lignes 15, 16 et 17 du Grand Paris Express – lire notre entretien du 12 mars 2024 – ou de la liaison Charles-de-Gaulle Express), engagements dont la Cour avait noté en 2022 qu'ils ne seraient pas tenus. 

La Cour explique notamment ce succès par un pilotage administratif "resserré et rendu plus opérationnel" à compter du second semestre 2022, "l'association de toutes les parties prenantes aux travaux techniques" ayant, selon elle, assuré en outre "un large partage de l'information et une responsabilisation de tous les intervenants". La mobilisation d'Île-de-France Mobilités, qui "a joué un rôle central dans la planification des transports […] pendant les Jeux" (lire notre article du 21 juillet 2023), est notamment saluée. Le sont de même l'accélération du déploiement de nombreuses initiatives pour améliorer l'accessibilité universelle des réseaux et infrastructures de transport ou encore le développement du réseau de voies cyclables – des efforts "à pérenniser ou à systématiser", recommande-t-elle. Autre préconisation, "mettre fin à la coexistence de plusieurs applications publiques de calcul d'itinéraire dans les transports en commun en Île-de-France" (lire notre article du 22 janvier 2024).

Principal bémol, le coût, estimé à 1,35 milliards d'euros – "avec une marge d'incertitude" –, notamment renchéri par "les mesures salariales exceptionnelles versées par les opérateurs de transport" (parmi d'autres : lire notre article du 11 mars 2024). La rue Cambon note également que "les coûts initiaux induits par les services de transport des accrédités ont été initialement sous-estimés", un classique en matière de grands projets (lire B. Flyvberg, D. Gardner, How big things get done, Crown Currency, 2023). Elle observe également que "la modification temporaire de la tarification des transports publics en Île-de-France n'a couvert qu'un tiers du coût supplémentaire des offres mises en place par IDFM pour les Jeux". Temporaire, et parfois pérenne (lire notre article du 28 septembre 2023).

Frédéric Fortin, Épique communication pour Localtis

 

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