La police nationale se dote d'un "guide opérationnel des violences urbaines"

Comme l'avait préconisé le Sénat à la suite des émeutes de l'été 2023, la police nationale (PN) se dote d'un "guide opérationnel des violences urbaines" afin de répondre "à la diversification et à l'intensification" de ces dernières. Ce vade-mecum à destination des services territoriaux de la PN leur recommande notamment de s'appuyer sur les services municipaux, qualifiés de "partenaires majeurs" en la matière. Un document, contesté devant la justice, qui rappelle aussi que le préfet "peut se substituer au pouvoir de polices des maires en cas de carence constatée". Par ailleurs, une instruction de François Rebsamen acte l'extinction du fonds Violences urbaines, également créé en réponse aux destructions de l'été 2023.

Tirant la leçon des émeutes de l'été 2023, la police nationale vient de se doter d'un "guide opérationnel des violences urbaines", afin de répondre "à la diversification et à l'intensification" de ces dernières, et "aux multiples défis" qu'elles posent. Il vient combler un manque, identifié en 2024 par une mission du Sénat – "On s'est fait surprendre", indiquait à l'époque le sénateur François-Noël Buffet –, laquelle préconisait d'ailleurs l’établissement d’un tel "schéma national de maintien et de rétablissement de l’ordre public en contexte émeutier" (lire notre article du 11 avril 2024). "La lutte contre les violences urbaines obéit à un cadre juridique propre, différent du maintien de l'ordre, et auquel aucun document cadre ne faisait, jusqu'à aujourd'hui, référence", concède à son tour le présent guide.

S'appuyer sur les services municipaux et les suppléer en cas de carence

Ce vade-mecum décrit la conduite que les services territoriaux de la police nationale doivent adopter avant, pendant et après les différentes situations de violences urbaines, "jusqu'aux émeutes insurrectionnelles". 

Pendant la phase de préparation, leur attention est notamment attirée sur la nécessité de s'appuyer sur les services municipaux, "partenaires majeurs pour prévenir les atteintes à la sécurité des personnes et des biens" – tout comme le sont aussi "les bailleurs ou les transporteurs". Concrètement : "solliciter des informations dans le cadre des instances locales de sécurité du quotidien (groupes de partenariat opérationnel, conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance)", "activer les relais de renseignement que sont les acteurs de terrain" – parmi lesquels le maire, l'adjoint à la sécurité, les agents municipaux… – ou encore "définir, en amont et en lien avec le responsable du service, le rôle et les modalités d'engagement de la police municipale" lors de tels événements. Et le document de préciser que "si ces unités ne peuvent être engagées dans le cadre de dispositifs de maintien de l'ordre, leur intervention dans un contexte de violences demeure possible. Elles ne peuvent toutefois pas se substituer à la police nationale ni intervenir en unités constituées". 

Le document rappelle également que si "le maire est autorité de police générale et titulaire de la police municipale", le préfet "peut se substituer au pouvoir de polices des maires en cas de carence constatée". Une possibilité que Gérald Darmanin, alors ministre de l'Intérieur, avait évoquée en 2023 face à l'inertie avancée du maire de Lyon (lire notre article du 20 juillet 2023).

S'agissant de la phase de rétablissement de l'ordre, il est notamment précisé que "le recours à la force ne nécessite pas la réalisation de sommations au préalable dès lors que sont commises des voies de fait ou violences ou que les policiers ne peuvent défendre autrement les lieux qu'ils occupent".

Une fois l'ordre rétabli, s'ouvre notamment la phase d'enquête, pendant laquelle les policiers sont invités, entre autres, à adresser des réquisitions au centre de supervision urbain en vue de la remise des images issues de la vidéoprotection.

Une version d'emblée remaniée…

Ce guide constitue d'ores et déjà la deuxième version du "schéma national des violences urbaines" qu'avait diffusé cet été, dans une instruction commune du 31 juillet dernier, le directeur général de la police nationale, Louis Laugier, et le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez. Il en reprend intégralement le contenu, à la seule exception – avec l'intitulé du document – d'une mention qui indiquait initialement "que la prise en compte du statut des journalistes telle que consacrée par le schéma national du maintien de l'ordre ne trouve pas à s'appliquer dans un contexte de violences urbaines". Cette dernière a en effet été biffée par le ministère de l'Intérieur pour répondre au contentieux initié, début septembre, par le syndicat national des journalistes CGT, parmi d'autres requérants, devant le juge des référés du Conseil d'État. Une suppression qui a d'ailleurs conduit ce dernier à juger, le 17 septembre, qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur cette demande. 

… et toujours contestée

Sur le fond, le magistrat estime dans son ordonnance que ce guide "ne saurait […] être regardé comme de nature à porter, par lui-même, atteinte à la liberté de manifester, à la liberté d'information, au droit à la vue ou à aucun autre des droits et libertés invoqués". Pour autant, la menace judiciaire n'est pas totalement écartée, puisque la Ligue des droits de l'Homme a annoncé, le 27 septembre, avoir avec le SNJ à nouveau saisi la justice, considérant que "d'autres mesures liberticides ont reportée[s] dans le guide". Parmi les mesures contestées, figure la définition des violences urbaines retenue par ce vade-mecum, entendues comme "tout acte violent commis à force ouverte contre des biens, des personnes et/ou des symboles de l'autorité de l'État, par un groupe généralement jeune, structure ou non, commis sur un territoire donné dont le contrôle est revendiqué par le groupe".

Aux sources du Beauvau des polices municipales

Rappelons que les émeutes de l'été 2023 sont directement à l'origine du Beauvau des polices municipales, et du projet de loi qui émane de ce dernier (voir notre dossier). "Tirant les leçons" de ces événements à l'automne, Élisabeth Borne, alors Première ministre, avait en effet annoncé une "nouvelle étape dans le continuum de sécurité", en prévoyant notamment de permettre aux polices municipales, à la demande des maires, "d'accomplir certains actes de police judiciaire" (lire notre article du 26 octobre 2023).

 

› Le fonds Violences urbaines s'éteint

Le fonds Violences urbaines vit ses dernières heures. "Le projet de loi de finances pour 2026 ne prévoira aucune ouverture d'autorisations d'engagements (AE)" au titre de ce fonds, enseigne en effet une instruction du ministre de l'Aménagement du territoire datée du 23 septembre. La circulaire précise aux préfets que les dernières demandes de mise à disposition d'AE pour des dossiers éligibles devront être adressées à la direction générale des collectivités locales au plus tard le 14 novembre prochain. 

Réclamé par l'Association des maires de France (lire notre article du 6 juillet 2023), instauré par circulaire du 7 juillet 2023 (lire notre article) et attribué par le préfet de département sous la forme de subventions pour investissements, selon des modalités détaillées par instruction du 21 novembre 2023, ce fonds visait à accompagner financièrement la réparation des dégâts causés aux biens des collectivités par les violences urbaines de l'été 2023.

 

 

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