L'Ademe pare la marche et le vélo de toutes les vertus

À travers trois nouvelles études présentées ce 10 septembre, l'Ademe confirme l'impact réel de la marche, du vélo et même du covoiturage sur la décarbonation des mobilités. L'agence de la transition écologique insiste en outre sur les multiples vertus des deux premiers modes de déplacement, au bénéfice du commerce local, de la santé et de l'économie en général.

"Le secteur des transports est le plus émissif en gaz à effet de serre et quand on regarde la dynamique, on peut avoir l'impression qu'il n'y a pas eu beaucoup de progrès, qu'on arrive à une sorte de plafond. [À l'Ademe], on essaie de montrer qu'il y a encore un potentiel de réduction, [à condition] d'actionner les bons leviers", a expliqué à la presse, ce 10 septembre, Mathieu Chassignet, ingénieur mobilités durables au sein de l'agence. Parmi ces leviers, figurent en bonne place la marche, le vélo et le covoiturage, auxquels l'Ademe vient de consacrer trois nouvelles études qui mettent en lumière "les bénéfices de cette mobilité plus durable".

Décarbonation : l'impact mesuré, mais réel du covoiturage…

En premier lieu, l'agence réaffirme l'impact positif de ces modes de déplacement sur la décarbonation, y compris pour le covoiturage. Les résultats de ce dernier sont toutefois moins flagrants, en dépit d'une pratique jugée désormais "fortement répandue", motif pris que plus d'un tiers des Français interrogés par l'Ademe déclarent avoir covoituré dans les 12 mois précédant l'enquête. Son impact sur les émissions diffère néanmoins en fonction de la distance parcourue. Il est surtout conséquent avec le covoiturage de courte distance, l'Ademe mettant en relief le fait que pour environ la moitié des passagers, il se substitue alors à un trajet seul en voiture. Il en va autrement avec le covoiturage longue distance, avec lequel "le gain est relativement faible", concède Mathieu Chassignet. En effet, à défaut de covoiturage, près des trois quarts des passagers (70%) auraient utilisé les transports en commun (train, autocar) ; seuls 18% auraient fait le trajet seuls en voiture, précise l'enquête. Pour autant, l'ingénieur souligne qu'il reste "des marges de progression", notamment via la suppression de certains freins à la pratique. Le plus aisé tient sans doute dans la facilitation du dispositif : davantage d'incitations financières, de souplesse, d'aires de covoiturage… Il risque d'être en revanche plus ardu de dissiper les craintes de la mauvaise rencontre (19% des répondants) ou d'un conducteur ayant une conduite dangereuse (13%), ou de chasser le sentiment de gêne ou d'inconfort lié à la proximité d'un inconnu (12%). La préférence pour l'autosolisme reste forte (26%). 

… et de conséquentes marges de progression avec la marche et le vélo

Les marges de progression semblent plus importantes avec la marche et le vélo. L'Ademe estime en effet qu'en généralisant les meilleures pratiques actuelles, la part modale de la marche – qui stagne autour de 23% depuis le milieu des années 1990, après avoir fortement chuté dans les années 1980 – pourrait à nouveau dépasser les 30% et celle du vélo pourrait quasiment tripler (de 3% à 8%) en une vingtaine d'années. Ce qui permettrait, évalue l'agence, de réduire de 15% les émissions de GES pour la mobilité locale (les déplacements de moins de 80 km). Un pas qui lui paraît d'autant plus envisageable qu'elle relève que 76% des Français vivent à moins de 4 km (soit environ 15 minutes à vélo) d'un ensemble d'équipements essentiels (supermarché, collège, médecin, pharmacie, salle de sport, bibliothèque), 36% se situant même à moins de 1 km (soit environ 15 minutes de marche) d'un tel ensemble. Et que de nouveaux outils permettent de lever certains freins à la pratique, comme le vélo à assistance électrique pour augmenter la longueur des déplacements (et répondre ainsi au sujet des "boucles de déplacement"), le vélo cargo pour l'emport de charges (le panier de courses) ou les nouveaux systèmes d'accompagnement des enfants. 

D'importants bénéfices collatéraux

Outre les conséquences positives sur la décarbonation, l'Ademe insiste sur les bénéfices socio-économiques de cette mobilité durable. À l'heure de la désertification des centres-villes, Mathieu Chassignet met en avant "l'émergence d'une vie davantage ancrée dans la proximité", notamment au bénéfice des commerces locaux, l'étude ayant permis de valider l'hypothèse qu'opter pour la marche ou le vélo "permet de réduire les distances parcourues, soit parce que de nouveaux services de proximité peuvent se développer, soit parce que les personnes elles-mêmes font des choix de destination moins éloignées". Et d'indiquer au passage qu'historiquement, les nouveaux modes de transport comme la voiture "n'ont pas fait gagner du temps ; ils ont seulement permis d'aller plus loin. On se déplace toujours 1 heure par jour. C'était vrai en 1800 – on faisait 4 km à pied –, cela reste vrai aujourd'hui – on fait 50 km en voiture". Lesdits commerces de proximité étant jugés "plus intensifs en emplois" que les centres commerciaux périphériques, l'étude évalue ici à 870 millions d'euros le gain obtenu par la société. Une somme qui constitue une infime partie des quelque 57 milliards d'euros annuels de bénéfices que l'Ademe estime générés par les politiques en faveur des déplacements à pied dans les territoires. Une somme qui ne prend pas en compte le coût de ces politiques, que Mathieu Chassignet estime pour le vélo "à 15 euros annuels par habitant", montant qui devrait selon lui être doublé pour "permettre véritablement d'accélérer la pratique". 

La marche qui valait 57 milliards

Pour atteindre ces 57 milliards, l'agence a notamment extrapolé les résultats d'une étude selon laquelle "les actifs ayant une activité physique modérée sont plus productifs de l'ordre de 6 à 9%", soit un gain total estimé de 19,7 milliards d'euros. Elle y ajoute 16,7 milliards "d'amélioration de la santé publique", 7,5 milliards d'euros de réduction des dépenses de voirie – "les espaces pour les voitures coûtent plus chers à l'entretien" –, 4,8 milliards d'euros d'externalités évitées (bruit, pollution…), 4,1 milliards d'euros tirés de la moindre consommation d'espace, etc. Des bénéfices qui pourraient selon elle être en outre augmentés de 35 milliards d'euros supplémentaires si les déplacements à pied progressaient de 25% – hypothèse que l'agence, on l'a vu, juge tout à fait possible. En somme, à défaut d'être toujours en marche, le progrès est à la marche !

Le rural, un bémol

Reste un bémol à cet élan d'optimisme : les gains espérés dans les territoires ruraux, où la part modale de la marche est déjà "deux à trois fois plus faible que dans les agglomérations". S'il "peut y avoir une progression du vélo et de la marche", assure Mathieu Chassignet, il concède que la progression y sera "plus lente". Alors que la généralisation des meilleures pratiques permettrait un gain de la part modale des mobilités actives de 20 points dans l'urbain, la progression ne serait ainsi que de 6 points dans le rural (et de 8 points dans le périurbain). Sans guère surprendre. L'étude montre notamment que dans ces territoires ruraux, seuls 36% des habitants bénéficient des équipements essentiels précités à moins de 4km, "là où dans le périurbain c'est 93%, et même 99% dans l'urbain".

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis