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L'appel en garantie contre le MOE n’est pas toujours possible

Dans un arrêt du 27 janvier 2020, le Conseil d’Etat a précisé les possibilités d’appel en garantie du maître d’ouvrage (MOA) contre le maître d’œuvre (MOE). Si le décompte général définitif ne fait pas obstacle à un tel appel en garantie, la solution est différente quand l’acheteur a eu connaissance du litige avant l’établissement du décompte. 

En l’espèce, le centre hospitalier de Libourne avait lancé une procédure de passation pour la construction d’un établissement pour personnes âgées. Candidate évincée, la société Alm Allain a saisi le tribunal administratif (TA) de Bordeaux en vue d’être indemnisée au titre de la perte de chances sérieuses de remporter le marché. Le centre hospitalier a été condamné à verser 160.000 euros au candidat évincé et le groupement de MOE à le garantir intégralement du montant de cette condamnation.
Le MOE a alors porté l’affaire devant la cour administrative d’appel (CAA) de Bordeaux, qui réduit le montant de l’appel en garantie à hauteur de 40%.
Restant insatisfait de cette solution, le MOE a alors saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation.

Selon le MOE, la CAA ne pouvait pas admettre l’appel en garantie formulé par le centre hospitalier à son encontre. Deux questions se posaient alors : le MOA peut-il appeler en garantie le MOE alors qu’aucune somme correspondante n’est inscrite dans le décompte général du marché de maîtrise d’œuvre ? Le fait que le MOA ait connaissance du litige avant d’établir le décompte général a-t-il des conséquences sur l’appel en garantie ?
Dans un arrêt du 13 novembre 2019, le Conseil d’Etat avait répondu à la première question, jugeant que "la circonstance que le maître d’ouvrage n’ait pas inscrit au décompte général du marché de maîtrise d’œuvre les sommes sur lesquelles portent les conclusions d’appel en garantie qu’il présente à l’encontre du groupement de maîtrise d’œuvre dans le cadre d’un litige l’opposant au groupement titulaire d’un marché de travaux était sans incidence sur la recevabilité de ces conclusions".

Les faits de la présente affaire ont pour leur part permis au Conseil d’Etat de répondre à la seconde question. En effet, la situation n’était pas similaire ici puisqu’au moment d’établir le décompte général, le centre hospitalier était tout à fait au courant du litige l’opposant à la société Alm Allain, cette dernière ayant déjà saisi le juge administratif.
Dès lors, en signant le décompte général du marché de maîtrise d’œuvre sans l’assortir d’aucunes réserves concernant l’appel en garantie formé contre le MOE, l’acheteur s’est fermé la possibilité de recourir à une telle action.
Si le centre hospitalier avait émis une réserve, même non chiffrée, concernant l’appel en garantie qu’il avait formé auprès du juge, ce dernier aurait pu y faire droit. 

Le Conseil d’Etat a donc annulé l’arrêt de la CAA en ce qu’il admet, à tort, l’appel en garantie formé contre le MOE. L’intégralité de la condamnation devra donc être versée au candidat évincé par le seul centre hospitalier. 

Référence :  CE, 27 janvier 2020, n°425168
 

 

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