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Travaux supplémentaires : la réception de l’ouvrage ne fait obstacle à l’appel en garantie du maître d’œuvre

Dans un arrêt du 2 décembre, le Conseil d’Etat a tranché une affaire dans laquelle le maître d’ouvrage a appelé en garantie le maître d’œuvre en raison d’une faute de conception de l’ouvrage. L’occasion de revenir sur le lien entre travaux supplémentaires, réception du marché et appel en garantie.

En l’espèce, le centre hospitalier Francis Vals souhaitait construire son nouvel hôpital. La maîtrise d’œuvre de l’opération a  été confiée à un groupement d’entreprises composé des sociétés Guervilly, Puig Pujol et Bâti Structure Ouest. La réalisation des travaux de fondation et de gros œuvre a quant à elle été attribuée à la société SM Entreprise.

Pour obtenir le paiement des travaux supplémentaires qu’elle a dû effectuer, la société titulaire a saisi le tribunal administratif (TA) de Montpellier. Alors qu’elle réclamait près de 1,5 million euros, le TA ne lui a accordé que 30.439 euros.  La société SM Entreprise a donc saisi la cour administrative d’appel (CAA) de Marseille qui a condamné le centre hospitalier à lui verser 619.889 euros et le groupement de maîtrise d’œuvre à garantir l’établissement hospitalier à hauteur de 518.372 euros.

Les sociétés du groupement de maîtrise d’œuvre ont alors saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation.

Selon les sociétés chargées de la maîtrise d’œuvre, la CAA ne pouvait pas les condamner en appel en garantie au titre du paiement des travaux supplémentaires puisque l’ouvrage avait été réceptionné.

Le Conseil d’Etat a profité de ce cas pour rappeler les règles en la matière.

Les travaux supplémentaires sont des travaux qui n’étaient initialement pas prévus lors de la passation du marché et dont la réalisation est "indispensable à la réalisation d’un ouvrage dans les règles de l’art". En principe, "la charge définitive de l’indemnisation [des travaux supplémentaires] incombe au maître de l’ouvrage". Toutefois, si les travaux supplémentaires ont été rendus nécessaires suite à une faute du maître d’œuvre, le maître d’ouvrage peut demander à ce que celui-ci prenne en charge une partie de ces travaux.

En l’espèce, il apparaît clairement que les travaux en litige étaient dus à une mauvaise évaluation initiale par le maître d’œuvre. Il a également été établi que le centre hospitalier aurait renoncé ou modifié son projet de construction s’il en avait eu connaissance en temps utile.

Dès lors, le Conseil d’Etat a confirmé l’arrêt de la CAA en ce qu’il a condamné les entreprises du groupement de maîtrise d’œuvre à garantir une partie du montant des travaux supplémentaires mis à la charge de l’hôpital. Le fait que l’ouvrage ait déjà été réceptionné ne fait pas obstacle à cet appel en garantie.

Les juges de cassation ont donc rejeté le pourvoi des entreprises de maîtrise d’œuvre.

Référence :  CE, 2 décembre 2019, n° 423544