L'Association des maires de France part en campagne
L'Association des maires de France (AMF) lance une campagne pour "encourager l’engagement citoyen dans la vie locale". Il s'agit certes de susciter des vocations en vue des prochaines municipales mais pas seulement. Développer, aussi, la "vitalité civique", qui peut notamment passer par la vie associative. Alors que le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu a fait part de sa volonté de préparer "un grand acte de décentralisation", l'AMF reste plus que prudente. Et sait que la priorité du moment est bien la préparation du projet de loi de finances.

© C.M/ Antoine Homé, David Lisnard, André Laignel et Murielle Fabre en visioconférence
A deux mois de son 107e congrès et à six mois des élections municipales, l'Association des maires de France (AMF), tout en conservant sa pugnacité habituelle sur les sujets politiques et financiers et malgré le contexte aussi "tumultueux" que celui de l'an dernier, entend mettre en avant une tonalité positive avec sa nouvelle campagne intitulée "Osez l'engagement !". Une campagne de sensibilisation – notamment des jeunes – pour "encourager l’engagement citoyen dans la vie locale".
S'agit-il d'inciter les Français à se présenter sur une liste aux municipales, à l'heure où tant d'élus ont jeté l'éponge au fil du mandat qui s'achève ? En partie, mais pas seulement. Car en réalité, David Lisnard, le président de l'AMF, tout comme son premier vice-président délégué André Laignel, estiment qu'il n'y a pas véritablement de "crise des vocations". "Il y a plutôt une crise d'exécution des mandats", dit l'un. "Beaucoup ne savent pas la difficulté d'être maire", ajoute le second. Certes, tous deux espèrent que les prochaines élections permettront un certain "renouvellement".
Mais l’objectif de cette campagne est donc plus large : "Rappeler que chacun peut agir pour sa commune, que ce soit par le vote, la participation au sein de son conseil municipal, ou l’implication dans la vie associative". David Lisnard évoque la nécessité de défendre et développer la "vitalité civique" face à "une crise démocratique qui s'accentue" et face à une "défiance" à l'égard des responsables politiques à laquelle les maires font heureusement encore exception (une nouvelle étude du Cevipof réalisée pour l'AMF en témoigne encore une fois).
Depuis le mois de juillet, un kit de communication (flyers, affiches, bandeaux…) a été mis à disposition des communes et intercommunalités pour que celles-ci puissent s'approprier et relayer le message auprès de leurs habitants (25.000 kits ont déjà été téléchargés). Depuis ce 16 septembre, la campagne se décline aussi à travers un plan grand plan média incluant un spot TV.
Plus inédit, l'AMF a souhaité doubler cette campagne d'une opération plus spécifiquement destinée aux jeunes, en s'appuyant sur cinq "créateurs de contenus" très en vue (youtubeurs principalement) qui vont décliner par des productions audiovisuelles diverses formes d'engagement (jeunes élus, bénévoles, associations locales, collectifs citoyens, porteurs de projets…). "Il s'agit de montrer que l'engagement, c'est quelque chose d'accessible à tous", dit Muriel Fabre, secrétaire générale de l'AMF. "Et qu'il y a mille façons de s'engager", complète Antoine Homé, trésorier de l'association.
Enfin, à partir de décembre, viendra le temps d'inciter les citoyens à s'inscrire sur les listes électorales et à aller voter. Parallèlement, l'AMF entend aider les candidats à se préparer en leur fournissant un maximum d'informations.
"Nous nous en réjouissons raisonnablement"
Au-delà de cette campagne, l'AMF rappelle aujourd'hui encore la nécessité de laisser "respirer" la commune, la vie locale – cette commune qui, dit Antoine Homé, représente "l'un des derniers lieux de rassemblement, d'intelligence collective, de délibération, de proximité, de 'présentiel'". Elle renouvelle de ce fait son appel à la subsidiarité, à une "décentralisation ascendante", qui passerait entre autres par le fait de confier du pouvoir réglementaire aux collectivités.
Alors forcément, on songe aux propos du tout nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu qui, dans une interview à la PQR parue trois jours plus tôt, a dit vouloir ouvrir des consultations "dès la semaine prochaine" en vue d'"un grand acte de décentralisation, de clarification et de liberté locale" (voir notre article du 13 septembre). La réaction de David Lisnard : "Nous nous en réjouissons raisonnablement". "Raisonnablement"… car "annoncer cela dans un contexte (...) où l'obsession légitime de l'État est de boucler un budget nous laisse supposer, soit que cette incantation ne sera pas suivie d'effets, soit qu'elle sera le cheval de Troie de nouveaux prélèvements sur les collectivités". Et puis "ce mouvement de décentralisation (...), tous les six mois à peu près on nous l'annonce…", ajoute-t-il, rappelant que "nous avons eu un ministre de la décentralisation pendant quelques mois [avec François Rebsamen] et on n'a rien vu bouger".
Muriel Fabre considère que pour le futur gouvernement, ce ne sera "pas la priorité absolue du moment". La priorité, ce sera bien "la perspective du projet de loi de finances". "Aujourd'hui pour Sébastien Lecornu, la première préoccupation est celle d'avoir un pré-accord parlementaire sur le budget. Puis de constituer un gouvernement. Et certes, sans doute, de ne pas se mettre d'emblée à dos les associations d'élus", résume Antoine Homé.
Alors pour les représentants des collectivités, il va s'agir de faire en sorte que "le plan Bayrou désavoué" et "l'effort disproportionné" qui leur était demandé soit bien remballé pour de bon. "L’autonomie financière et fiscale des collectivités est indissociable de la liberté locale. Elle implique tout d’abord de cesser les ponctions sur les budgets locaux qui ont atteint, en 2025, 7,5 milliards d’euros, et de mettre un terme aux dépenses supplémentaires et charges nouvelles que l’Etat impose chaque année aux collectivités", écrivait la veille l'association dans un communiqué.
En parallèle, l'AMF aimerait bien que divers textes et annonces dans les tuyaux depuis le précédent gouvernement trouvent enfin leur concrétisation. Dont le texte sur le statut de l'élu et celui découlant du Beauvau des polices municipales.
A ce jour en tout cas, l'association n'a pas reçu d'invitation de Matignon concernant d'éventuelles consultations sur la décentralisation.