Le gouvernement s'attaque aux abus de l'enseignement supérieur privé

Le gouvernement a présenté un projet de loi pour mieux réguler l'enseignement supérieur privé et en prévenir les abus, émanant principalement des établissements à but lucratif. Le texte s'appuie sur le contrôle de la qualité et crée deux niveaux de reconnaissance : le partenariat et l'agrément.

Mieux réguler l'enseignement supérieur privé – qui accueillait 27% des effectifs en France en 2023-2024, soit 790.000 étudiants –, c'est l'ambition du projet de loi présenté par Élisabeth Borne, ministre de l'Éducation nationale, et Philippe Baptiste, ministre de l'Enseignement supérieur, lors du conseil des ministres du mercredi 30 juillet 2025.

Depuis le début de l'année, l'enseignement supérieur privé – particulièrement à but lucratif – est dans le viseur des autorités. Dans un communiqué commun, les deux ministres évoquent des "dérives [qui] persistent de la part de quelques organismes de formation dont certaines pratiques ne peuvent plus être acceptées". On parle ici de manque de transparence, de pratiques commerciales douteuses ou d'une qualité d'enseignement qui laisse à désirer.

"Tolérance zéro face aux abus"

Ce projet de loi, qui s'articule avec le plan d'amélioration de la qualité de la formation professionnelle et de lutte contre la fraude présenté récemment (lire notre article du 24 juillet), affiche un objectif "tolérance zéro face aux abus" et visera à  "réguler par la qualité en s'appuyant sur l'évaluation, afin de garantir la confiance dans tous les établissements et toutes les formations de l'enseignement supérieur". Pour cela, il refond les règles applicables à l'enseignement supérieur privé en mettant le contrôle de la qualité "au cœur de deux niveaux de reconnaissance par le ministère chargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR)".

Tout d'abord, un "partenariat" permettra aux acteurs privés d'être associés au service public de l'enseignement supérieur aux côtés des universités et des établissements publics. L'accès à ce partenariat sera décidé par le MESR après une évaluation par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres) portant sur la stratégie de l'établissement et la qualité de sa politique de formation et de vie étudiante. L'évaluation attestera également du caractère non-lucratif de l'établissement – condition sine qua non pour devenir partenaire – et de l'adossement de sa formation à la recherche. Ces établissements privés partenaires pourront par ailleurs être intégrés à la recherche publique.

La contribution de l'État destinée à favoriser l'accueil et l'accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants et à conforter les actions de prévention et d'éducation à la santé réalisées à leur intention par les établissements d'enseignement supérieur sera réservée à ces seuls établissements partenaires. Elle pourra être réduite en cas d'utilisation non conforme.

Agrément délivré par une collectivité

Quant aux établissements privés qui ne seront pas partenaires, ils devront, afin de figurer sur Parcoursup et pouvoir accueillir des étudiants boursiers, bénéficier d'un agrément délivré par le MESR, d'ici à 2030, après une évaluation qualitative de leur stratégie d'établissement et de leur formation, et une vérification de l'existence d'une politique sociale en faveur des étudiants.

On note par ailleurs que "l'agrément ou le contrat délivré par un autre ministère [que le MESR] ou par une collectivité territoriale à un établissement privé délivrant des formations relevant de l'enseignement supérieur peut emporter agrément [...], dans les conditions définies par voie réglementaire".

En outre, les diplômes délivrés par les seuls établissements agréés ou partenaires pourront, après évaluation, bénéficier d'une reconnaissance de l'État ou conférer un grade universitaire. L'évaluation devra tenir compte de la qualité académique de la formation et de sa réponse aux besoins socioéconomiques et de la carte territoriale des formations. Ces mêmes établissements pourront également demander à délivrer des diplômes d'ingénieur, après évaluation de la commission des titres d'ingénieur.

Garanties contre les arnaques

Si le texte entend préserver le principe de la liberté de l'enseignement supérieur, il renforce la protection des apprenants en instaurant un droit de rétractation des étudiants jusqu'à trente jours avant le début d'une formation et en étendant les obligations d'information des établissements. Pour les apprentis, les frais de réservation seront interdits et le droit au remboursement prorata temporis sera garanti en cas de départ anticipé.

Enfin, dans le champ de la formation professionnelle, le projet de loi propose "une mise en cohérence de la régulation par la qualité". En l'occurrence, il étend l'obligation de la certification Qualiopi à tous les organismes porteurs d'un titre RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles) reconnu par le ministère du Travail, quel qu'en soit le mode de financement. "Il n'est plus acceptable qu'une formation soit soumise à des obligations différentes selon son mode de financement, commentent les deux ministres. C'est ainsi une grande partie de l'offre de la formation initiale qui sera pour la première fois soumise à des critères de qualité."

Le projet de loi devrait être débattu à l'Assemblée nationale à partir de la fin septembre 2025.

 

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