Comment le gouvernement veut remettre de l’ordre dans les formations en apprentissage et du supérieur

Le plan "Qualité et lutte contre la fraude dans la formation professionnelle", présenté jeudi 24 juillet, prévoit davantage de contrôles des organismes de formation dans l’apprentissage et l’enseignement supérieur. Une habilitation des centres de formation d’apprentis préparant aux diplômes nationaux allant des CAP aux BTS va être mise en place. 

Lutter contre les fraudes dans l’apprentissage et améliorer la "qualité" des formations dans le supérieur. Tel est l’objectif du plan interministériel présenté ce jeudi 24 juillet par les ministres du Travail, de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et du Commerce. Le quatuor entend désormais muscler ses différents outils de régulation pour mettre de l’ordre dans un paysage de la formation s’étant largement agrandi.

Avec la libéralisation de l’apprentissage et les aides à l’alternance, le terrain est devenu propice au développement de comportements frauduleux comme de formations à la qualité "trop dégradée", comme précisé lors d’un brief presse, finissant par nécessiter une intervention des pouvoirs publics. L’alternance a également renforcé l’enseignement supérieur privé en formation initiale qui absorbe par ailleurs un nombre croissant d’étudiants (lire notre article). Le tout dans un environnement où les jeunes peinent à faire le bon choix, faute d’informations lisibles et disponibles sur les établissements.

La ministre chargée du commerce, Véronique Louwagie, annonce, dès la rentrée, une nouvelle campagne de contrôle sur une centaine d’établissements dans l’enseignement supérieur. En 2020, la DGCCRF avait déjà travaillé sur leurs pratiques commerciales trompeuses. Du côté du ministère du Travail, les services de contrôle de la formation professionnelle pourraient doubler les montants recouvrés suite au constat d’irrégularités. L’an dernier, sur les 120 millions d’euros d’aides qu’ils ont récupérées, 10% provenaient d’organismes de formation par apprentissage.

Plus de coordination dans les contrôles

Le gouvernement compte se saisir des nouvelles prérogatives des services régionaux de contrôle de la formation récemment renforcées par la loi du 30 juin 2025 contre toutes les fraudes aux aides publiques. Il s’agira ainsi de mieux barrer la route aux organismes de formation faisant l’objet de suspicions en suspendant leur déclaration d’activité. Par ailleurs, "il faut que nous puissions mettre en place un système d'alerte mutualisé et un système d'information partagé pour améliorer la réactivité, la coordination et l'effectivité [des] contrôles", souligne le conseiller alternance de la ministre Astrid Panosyan-Bouvet.

Les organismes de formation “devront tous réaliser des actions préparant à l’ensemble des compétences et des connaissances identifiées dans le référentiel de compétences de la certification”, indique-t-on dans le dossier de presse. France compétences “examinera le taux de présentation à l’examen et le taux de réussite à la certification”, une disposition qui “permettra de s’assurer que les moyens techniques, pédagogiques et d’encadrement mobilisés permettent de correctement préparer les candidats”.

De nouveaux indicateurs dans Qualiopi pour début 2026

Par ailleurs, pour tenter d’élever le niveau, le ministère du Travail compte s’appuyer sur la certification Qualiopi conditionnant l’accès aux fonds publics mais dont un rapport de l’Igas soulignait la faible sélectivité, puisque 99,3% de demandes sont validées (lire notre article). Il s’agira d’une part de faire évoluer les modalités d’audit en systématisant les contrôles sur place. Pour exercer leur activité, les auditeurs Qualiopi devront suivre une formation certifiante enregistrée au répertoire spécifique.

D’autre part, de nouveaux indicateurs seront intégrés à ce même référentiel. Une concertation avec les acteurs de la formation sera organisée à la rentrée pour une entrée en vigueur "probablement au tout début 2026", selon l'entourage de la ministre du Travail. Il s’agira globalement d’améliorer la transparence des informations dans la communication des organismes et notamment sur les débouchés en matière d’emploi.

S’agissant des CFA en particulier, le nouveau Qualiopi doit "clarifier leurs missions, notamment dans l’accompagnement pédagogique et l’alternance des temps entre formation théorique et pratique en entreprise". Autre enjeu : le renforcement de l’accompagnement des jeunes dans la recherche d’entreprise et une présentation "plus lisible" des méthodes de calcul des taux de rupture, donnant une idée de la qualité de la formation. Le référentiel intégrera en outre de nouvelles missions en matière de lutte contre l’illettrisme et pour la prévention des risques professionnelles en entreprise.

Habilitation pour former aux diplômes nationaux, du CAP au BTS

S’agissant des diplômes nationaux allant du CAP au BTS, le ministère de l’Éducation nationale planche sur une habilitation spécifique qui deviendra obligatoire au second semestre 2026 afin de pouvoir former aux diplômes nationaux du CAP au BTS. Mais les critères de cette habilitation sont encore en cours d’élaboration et devraient être connus à l’automne.

Du côté de l’enseignement supérieur, c’est avant tout sur la base de la certification Qualiopi que le ministère de l’Enseignement supérieur entend faire le ménage parmi les formations à but lucratif (lire notre article). Cette certification deviendra obligatoire pour les établissements faisant de la formation initiale (hors apprentissage) et qui s’appuyaient sur les certifications inscrites au répertoire national des certifications professionnelles. L’enjeu est de définir, par ce biais, une "méthodologie qui permettra de rendre inopérant le financement pour des établissements qui ne font pas de formations de qualité", souligne Thibaut Duchêne, conseiller en charge des questions de formation du ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste. Ainsi, le projet de "label" qui était déjà dans les cartons des prédécesseurs du ministre (lire notre article) pour orienter les jeunes ne conditionnera pas l’accès aux fonds de l’apprentissage mais seulement au référencement sur Parcoursup.

Un projet de loi de régulation dans l’enseignement supérieur

Le projet de loi modernisation et régulation de l’enseignement supérieur, présenté au Conseil supérieur de l’éducation le 3 juillet dernier, et qui doit être examiné à l’automne au Parlement, va porter une partie de ces objectifs. 

Il s’agira notamment de protéger les apprentis dans leurs relations contractuelles avec les organismes de formation en interdisant par exemple les clauses imposant le versement de "frais de réservation" (pouvant atteindre 1.000 euros ou plus) préalables à la confirmation d’inscription en CFA ou de priver les apprentis d’un remboursement au prorata temporis des frais administratifs en cas de départ anticipé. Il sera aussi possible de résilier sans frais le contrat jusqu’à 30 jours avant le début de la formation. 

 

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