Le Logement d’abord, une stratégie qui porte ses fruits

Lancée en 2017, la stratégie nationale du "Logement d'abord" a marqué un changement de paradigme dans la lutte contre le sans-abrisme. À mi-parcours de son deuxième plan quinquennal (2023-2027), le bilan publié par la Dihal affiche des résultats concrets et encourageants : plus de 710.000 personnes sans domicile ont retrouvé un logement depuis 2018. Mais des défis majeurs persistent.

Fini le traditionnel "parcours en escalier", qui obligeait une personne à la rue à passer par de multiples étapes d'hébergement temporaire avant d'espérer obtenir un logement pérenne. La politique du Logement d'abord entend inverser cette logique. Elle consiste en effet à orienter les personnes le plus rapidement possible vers un logement stable, tout en leur proposant un accompagnement social, médical et professionnel adapté à leurs besoins. L'idée est de refuser le postulat selon lequel certaines personnes ne seraient pas "prêtes à habiter" et de faire du logement le point de départ d'une réinsertion complète dans la société.

Cette ambition est portée par l'État, mais sa force réside dans son caractère partenarial et territorialisé. Elle mobilise un vaste réseau d'acteurs : associations, travailleurs sociaux, bailleurs, collectivités locales, tous unis autour d'objectifs chiffrés et suivis de près. Quarante-quatre collectivités, de la métropole de Lille à la ville de Porto-Vecchio, se sont d'ailleurs engagées comme "territoires de mise en œuvre accélérée", devenant des laboratoires d'innovations locales.

Des résultats chiffrés qui parlent d'eux-mêmes

Depuis 2018, l'impact de cette stratégie est manifeste. Selon le bilan dévoilé le 11 septembre par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal), au-delà des 710.000 personnes ayant accédé à un logement, plusieurs indicateurs clés démontrent une transformation profonde. Ainsi, 195.000 logements sociaux ont été attribués à des ménages sans domicile. Fait marquant, la part de ces attributions dans le total national a doublé, passant de 4 % en 2017 à près de 8 % en juin 2025. Cette progression est d'autant plus significative que le nombre total d'attributions de logements sociaux a, lui, baissé sur la même période. Par ailleurs, l'intermédiation locative (IML), qui permet à des associations de louer des logements dans le parc privé pour y loger des ménages précaires, a explosé. Le parc a été multiplié par 2,6 depuis 2018 pour atteindre près de 90.000 places. Enfin, les pensions de famille, qui offrent un logement individuel au sein d'un cadre collectif et convivial pour des personnes très isolées, connaissent un véritable essor. On compte aujourd'hui 25.500 places, contre 15.000 en 2016.

Un système d'hébergement toujours sous tension

Malgré ces succès, la situation reste critique. "Il reste encore du chemin pour répondre à l’ensemble des besoins", reconnaît Jérôme d’Harcourt, délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement. Si le nombre de places d'hébergement d'urgence a doublé en dix ans, il ne parvient pas à satisfaire une demande croissante. Pour la ministre démissionnaire chargée du Logement, Valérie Létard, cette saturation n'est pas un échec du Logement d'abord, mais la conséquence d'autres facteurs : l'augmentation des expulsions locatives (+50% entre 2017 et 2024), les "sorties sèches" de prison ou de l'aide sociale à l'enfance, et la situation migratoire de certaines personnes bloquées dans l'hébergement faute de régularisation administrative.

La priorité est donc d'accélérer les sorties de l'hébergement vers le logement pour redonner de l'oxygène au système. Cela passe notamment par un renforcement de la prévention des expulsions, mais aussi par une approche croisée qui lie logement, emploi et santé.

Prévenir, accompagner, innover : les leviers d'action

Pour atteindre ses objectifs, le plan s'articule autour de trois axes majeurs. Le premier est de produire et mobiliser des logements abordables, en maintenant un effort sur les logements très sociaux (PLAI) et en visant 30.000 places supplémentaires en intermédiation locative d'ici 2027.

Le deuxième axe est de prévenir les ruptures. Des dispositifs innovants sont déployés, comme des équipes mobiles pour aller au-devant des locataires en difficulté ou des actions s'appuyant sur les sciences comportementales pour améliorer la prise de contact, comme en Seine-Saint-Denis. Une attention particulière est portée aux jeunes, avec le programme "Un chez-soi d’abord Jeunes" pour ceux souffrant de troubles psychiques, ainsi qu'aux enjeux de santé mentale dans le parc social.

Enfin, le troisième axe vise à accélérer l'accès au logement en coordonnant mieux les acteurs. Les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) sont positionnés comme les "pivots" des parcours, avec des moyens humains renforcés (+360 postes) pour mieux évaluer les besoins et orienter les personnes. L'efficacité de cette coordination est saluée sur le terrain. Pour Olivia Finkbeiner, conseillère sociale interrogée par la Dihal, une plateforme territoriale "constitue une réelle progression sur le plan professionnel et incite à recentrer l’approche des situations complexes".

 

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