"Le logement n’est ni de droite ni de gauche. Il est un toit au-dessus de la tête" : l’alerte des promoteurs immobiliers
Le troisième trimestre 2025 s'inscrit comme un nouveau point bas historique, divisant par plus de six les ventes aux investisseurs. Face à cette crise qui nourrit la crise, selon l’expression de son président, Pascal Boulanger, la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) lance un appel solennel au Parlement : le statut du bailleur privé n'est plus une option, mais une question de survie nationale.
© Aurélie Roudaut
La boussole du logement neuf indique le naufrage. Les chiffres nationaux publiés par la FPI pour le troisième trimestre 2025 révèlent que les ventes totales de logements (détail et bloc) ont plongé de -20,4% par rapport à l'année précédente. Une descente aux enfers qui présage, selon la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), de la plus mauvaise année observée depuis la création de l’Observatoire en 2008.
Face à ce contexte d'incertitude politique nationale et d'attentisme, le président de la FPI, Pascal Boulanger, a tiré le signal d'alarme, jeudi 13 novembre devant la presse : "L’heure est grave ! Jamais le sort du logement neuf n’aura été aussi incertain !"
Le moteur de la production s’enraye
L'origine de cette crise de volume est sans ambiguïté : la disparition des investisseurs particuliers.
Les réservations destinées aux investisseurs se sont en effet effondrées de -55,3% au troisième trimestre 2025. Pour saisir l'ampleur du désastre, la FPI préfère comparer à une année de marché considérée comme normale (2019) : les ventes aux investisseurs sont désormais divisées par 6,5. Ce phénomène valide la position de la FPI, qui rappelle que les rapports antérieurs de l'Inspection générale des finances ou de la Cour des comptes, affirmant que le Pinel était inutile et que le marché se maintiendrait sans lui, étaient "totalement déconnectés de la réalité".
Or, cet investisseur est capital. La FPI le qualifie de "premier moteur d’une fusée à trois étages". Sans lui, les promoteurs ne peuvent atteindre les quotas de financement (souvent autour de 45-50% des réservations) exigés par les banques pour lancer les chantiers. Résultat : le blocage est total.
Une opération sur cinq retirée
La paralysie de la demande a engendré une crise de l'offre. Le nombre de logements neufs mis en vente est passé sous la barre symbolique des 10.000 unités (à 9.962 logements). Un niveau "jamais vu" de mémoire d'observatoire.
Face au manque de clientèle, les promoteurs se résignent : une opération sur cinq (19%) est retirée de la vente. Ce taux est spectaculaire, car il était de seulement 3 à 4% en temps normal, pour des raisons techniques ou judiciaires.
Malgré le retrait d'opérations, les promoteurs continuent de déposer des permis de construire. Cette activité, qui pourrait paraître absurde, s'explique par une stratégie d'urgence : "On n'a pas les moyens ni l’envie de perdre nos collaborateurs donc il faut bien les occuper", s’est défendu Pascal Boulanger. Il s'agit en fait de ne pas perdre des équipes spécialisées et difficiles à former en attendant un futur redressement. "N'insultons pas l'avenir, ça risque de repartir", a tout de même concédé le président de la FPI.
Prix technique et impératif politique
Malgré la faiblesse de la demande, le prix moyen des logements collectifs se maintient sur un plateau, autour des 5.000 euros/m² au niveau national. Ce paradoxe est le signe que le marché du neuf ne s'équilibre pas par les prix. Les promoteurs expliquent qu'ils ne peuvent pas baisser les prix en dessous du seuil de rentabilité sous peine de se voir refuser le financement par les banques. La correction se fait donc uniquement sur les volumes. "Vous pouvez nous taper sur la tête, ce n'est pas pour ça que les prix baissent !", s’est exclamé Pascal Boulanger.
Dans ce contexte de crise systémique, la solution ne peut être qu'institutionnelle. La FPI a réitéré un appel pressant au gouvernement et aux parlementaires sur l’adoption rapide d’un statut du bailleur privé, dont l’efficacité ne viendra que s’il gagne en puissance - ce que la version gouvernementale est loin d'offrir (lire notre article). Les promoteurs misent ainsi sur un cadre fiscal attractif, inspiré par le rapport Cosson/Daubresse, incluant un amortissement de 5% sur 80% de la valeur du bien, une imputation des déficits fonciers à hauteur de 40.000 euros, et une sortie de l’impôt sur la fortune immobilière pour les biens concernés.
L'adoption de ce statut constituerait en outre un levier pour les finances publiques : selon la FPI, qui s’appuie sur les travaux parlementaires, il ne s'agirait pas d'une dépense, mais d'une source de recettes, avec un solde net positif estimé à 1,9 milliard d'euros en moyenne entre 2026 et 2032.
L’adoption du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 s’impose désormais comme une priorité, et la FPI appelle à mettre de côté les querelles partisanes pour servir l’intérêt général. Car comme l’a rappelé Pascal Boulanger : "Le logement ce n'est pas de gauche ou de droite, c’est un toit au-dessus de la tête, pour se protéger."