Le sport-santé : une politique encore mal structurée

Une étude rédigée par deux chercheurs suggère de mieux mailler les réseaux sport-santé, aujourd'hui trop hétérogènes et peu lisibles tant pour les patients que pour les professionnels. Ce travail devrait nourrir la future Stratégie nationale sport-santé.

Donner au sport-santé une cohérence nationale adossée à une gouvernance territorialisée, telle est la voie préconisée par le rapport "Mailler les réseaux sport-santé" rédigé par les chercheurs Clément Perrier (université de Nîmes) et Claire Perrin (université Lyon I) et récemment mis en ligne.

Alors que la France compte douze millions de patients atteints d'une affection de longue durée et près de vingt-trois millions de malades chroniques, on assiste depuis le début des années 2000 à une multiplication des politiques publiques dans le champ de l'activité physique adaptée (APA). Cette politique a pris une nouvelle dimension avec la création, en 2019, des maisons du sport-santé (MSS), dont le nombre dépasse aujourd'hui les cinq cents.

Mais malgré la multiplication des actions et des opérateurs et "une politique nationale forte", l'objectif d'une mise en mouvement généralisée "n'est pour autant pas encore atteint", estiment les auteurs. "Un des éléments principaux que montre notre travail de recherche est l'absence de structuration globale du champ du sport-santé en France", expliquent-ils.

Quatre annuaires sur un territoire

Symbole de cette carence : la redondance de certains outils de recensement des APA. Sur un territoire, on va jusqu'à recenser quatre annuaires, émanant de la ville, du dispositif régional de prescription, du comité régional olympique et sportifs (Cros) et de l'agence régionale de santé (ARS). 

Or cette confusion a des conséquences. Du côté des acteurs de la santé et du sport, c'est l'abandon rapide du référencement et la diminution de l'ensemble des outils. Du côté des patients, des informations peu claires, peu structurées ou contradictoires sont autant de freins qui vont jusqu'à bloquer l'engagement dans la pratique.

Si l'information est à ce point défaillante, c'est aussi parce que les acteurs se sont multipliés, à différents niveaux et avec différentes compétences : professionnels de santé prescripteurs ; acteurs de l'accompagnement et de la prise en charge ; structures de coordination, dont les MSS aux statuts et missions pas toujours bien identifiées ; collectivités territoriales, qui lancent et financent des projets locaux ; services déconcentrés de l'État (ARS et Drajes-délégations régionales académiques à la jeunesse, à l'engagement et aux sports), qui structurent, pilotent et financent les réseaux locaux. Là encore, la redondance des dispositifs "amène de l'incompréhension de la part des partenaires qui pousse au désengagement", notamment de la part des médecins prescripteurs. Et cela sans compter certains territoires, surtout ruraux, "confrontés au problème inverse, c'est-à-dire à l'absence de dispositif existant".

"L'ARS et la Drajes se tirent dans les pattes"

Autre point noir révélé par l'étude : l'opposition entre qualité et quantité, sur fond de pression par le biais des appels à projets. Dans un contexte d'absence de prise en charge systématique des APA par l'Assurance maladie et les mutuelles, les structures s'inscrivent, parfois malgré elles, dans une "course aux chiffres" afin de toucher plus de bénéficiaires et donc de subventions. Et se retrouvent souvent réduites à raccourcir la durée de l'accompagnement et à consacrer moins de temps à chaque bénéficiaire afin de toucher davantage d'individus sur une année. 

À propos de financement toujours, l'étude souligne le manque de pérennité des appels à projets, souvent annualisés, et les disparités selon les territoires. Parmi plusieurs témoignages éloquents, relevons celui d'un chargé de mission sport-santé en collectivité : "C'est très compliqué car ici l'ARS et la Drajes se tirent dans les pattes. L'ARS finance son propre dispositif, elle a ses maisons sport-santé, et donc, les autres MSS, elle ne s'en occupe pas. Et je vous laisse deviner qui gagne les appels à projets ou qui a les subventions."

Selon l'étude, les carences du sport-santé en France, ce sont aussi des enfants et des adolescents qui "restent en marge" des dispositifs, et des disparités renforcées entre régions depuis la réforme de 2023 qui a transféré la compétence de labellisation des MSS aux ARS et Drajes pour... mieux prendre en compte les dynamiques locales. 

Pour une interopérabilité entre les structures

Compte tenu de la multiplication des dispositifs et de l'hétérogénéité des configurations territoriales, qui conduisent à des "effets de cloisonnement", les auteurs de l'étude estiment que "la question de l'interopérabilité entre les structures de coordination et de prise en charge apparaît comme une condition essentielle à l'efficience du déploiement des politiques publiques". Autrement dit, "l'avenir du sport-santé à l'échelle locale repose moins sur la création de nouveaux dispositifs que sur l'activation d'une gouvernance concertée entre les structures existantes".

Les recommandations de l'étude convergent donc vers une "cohérence nationale adossée à une gouvernance territorialisée, où les dynamiques locales sont soutenues, coordonnées et outillées par des cadres communs, adaptés et évolutifs". Par exemple en construisant un outil de référencement national des offres d'APA à partir de critères uniformisés, en limitant le nombre de dispositifs de coordination par territoire et en privilégiant les dispositifs correspondant à un bassin de vie, ou encore en inscrivant systématiquement le sport-santé dans les CLS (contrat local de santé) et en favorisant l'engagement de l'ensemble des collectivités territoriales.

La Stratégie nationale sport-santé attendue en septembre

Ce rapport pourrait avoir des suites prochainement. Soutenu par le ministère des Sports, il doit en effet alimenter la réflexion sur la future Stratégie nationale sport-santé 2025-2030 (SNSS2), tout comme le rapport Delandre, dévoilé en avril dernier (lire notre article du 8 avril). En attendant cette SNSS2, prévue pour septembre 2025, le ministère des Sports est mobilisé sur ce sujet. Le 22 mai dernier, Vincent Roger était nommé délégué ministériel au sport-santé, après avoir été délégué à la Grande Cause nationale de 2024 dédiée à l'activité physique et sportive. Il devra, entre autres missions, développer des partenariats pour rechercher de nouveaux financements en soutien aux projets sport-santé.

Parallèlement, un guide "Santé mentale et activité physique" a été mis en ligne ce 3 juin, au lendemain d'une visite de Marie Barsacq, ministre des Sports, et Yannick Neuder, ministre de la Santé, à la maison sport-santé de Clamart, qui propose une activité physique adaptée à des patients atteints de troubles psychiques.

 

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