Les amendes forfaitaires en plein essor mais leur recouvrement toujours sujet à caution

Près de 500.000 amendes forfaitaires délictuelles ont été enregistrées par les services de police en 2024, selon une étude du service statistique du ministère de l'Intérieur. Depuis 2019, 1,6 million d'amendes ont ainsi été dressées. Sans qu'on sache réellement leur taux de recouvrement.

Alors que le gouvernement s’apprête à donner la possibilité aux policiers municipaux de constater certaines amendes forfaitaires délictuelles (AFD), une étude du service statistique du ministère de l’Intérieur (SSMSI), montre que cette procédure simplifiée est en "plein essor". Instaurées en 2016 mais mises en œuvre qu’à partir de 2019 pour traiter les délits routiers, les AFD ont été élargies à de nouveaux délits au fil du temps (usage de stupéfiants, occupation illicite de halls d’immeubles ou de terrains, etc.), jusqu’à la Lopmi du 23 janvier 2023 qui l’a étendue à 27 nouvelles infractions (contre l’avis du gouvernement qui souhaitait l’appliquer pour tous les délits punis de moins d’un an d’emprisonnement) : vente à la sauvette, filouterie de carburant, tags, intrusion dans les établissements scolaires, fumigènes dans les stades, atteintes à la circulation des trains, vols à l’étalage, déchets sauvages, etc. (voir notre article du 15 décembre 2022)… Depuis 2019, 1,6 million d’amendes ont ainsi été prononcées. Mais leur nombre connaît une forte augmentation qui traduit "une réelle appropriation du dispositif par les forces de sécurité intérieure", souligne le service statistique. L’an dernier, près de 500.000 AFD ont été enregistrées, c’est 10% de l’ensemble des délits et neuf fois plus qu’en 2019. 

Les délits routiers représentent plus de la moitié des AFD

Trois infractions concentrent l’essentiel des AFD prononcées depuis 2019 : défaut d’assurance (45%), usage de stupéfiants (40%) et conduite sans permis (10%). Les délits routiers représentent donc plus de la moitié des AFD (55%).

Toutefois, depuis 2019, la montée en charge est "nette" quelle que soit la catégorie de délits. La part des AFD représente aujourd’hui 95% des délits enregistrés pour occupations de halls d’immeubles, 77 % des conduites sans assurance, 76 % des usages illicites de stupéfiants et 69 % des ventes à la sauvette.

Seules exceptions : le recours aux AFP est "résiduel" pour les dépôts de déchets (moins de 5 AFD en 2024), les installations sur le terrain d’autrui (60) ou les fumigènes dans les stades (300). "Ce qui peut interroger sur la pertinence du choix de certains délits concernés par ce dispositif", interroge la note.

Un taux de recouvrement de 20%  

Elle relève également d’importantes disparités départementales. Ainsi la proportion de défauts d’assurance dépasse les 85% dans les Yvelines, Mayotte ou en Guyane. Et les trois quarts des départements présentent un taux inférieur à la moyenne nationale. Même constat pour l’usage de stupéfiants : les trois quarts des départements enregistrent un recours inférieur à la moyenne nationale de 76%, alors que quatre départements (Bouches-du-Rhône, Guyane, Hérault et Rhône) affichent un taux de 81%.  La note émet aussi une corrélation entre la fréquence du recours aux AFD et l’augmentation des délits enregistrés : ainsi, dans les départements où plus de 75% des défauts d’assurance font l’objet d’une AFD, ces délits ont augmenté de 28%. La hausse n’est que de 17% dans les départements avec un recours inférieur à 67%.

À noter que l’étude n’aborde pas la question sensible et ô combien importante du taux de recouvrement. Or selon le sénateur socialiste Jérôme Durain, auteur d’une proposition de loi visant à réformer les AFD, les bénéfices à cet égard "sont loin d'être probants". "Sur un plan strictement comptable, le taux de recouvrement des AFD avoisinerait les 20% (50% pour les stupéfiants), ce qui invalide pour l'essentiel l'argument de l'effectivité de la réponse pénale", y indique-t-il.

Depuis le 1er juillet, trois nouvelles AFD sont entrées en vigueur : exercice illégal du métier de taxi, défaut d’inscription au registre VTC et prise en charge irrégulière d’un client sans réservation préalable.

 

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