Les crédits de la part territoriale de l'Agence nationale du sport restent contraints par les directives nationales
Une analyse des crédits octroyés en 2024 au titre de la part territoriale de l'Agence nationale du sport montre que si les subventions tiennent parfois compte des priorités locales, elles échappent peu aux directives nationales.
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Depuis la création de l'Agence nationale du sport (ANS) en 2019 et la mise en place de la nouvelle gouvernance du sport, les subventions issues de la part territoriale des crédits de l'ANS sont censées refléter la stratégie et les orientations des acteurs du sport dans chaque région. Cette part territoriale correspond à deux grandes actions portées par l'ANS. D'un côté, les projets sportifs fédéraux (PSF), dotés de 80 millions d'euros en 2024, par lesquels les fédérations déploient leur stratégie de développement à travers leurs instances déconcentrées et leurs clubs. De l'autre, les projets sportifs territoriaux (PST) adoptés par les conférences régionales du sport, qui soutiennent – à hauteur de 72 millions d'euros en 2024 – les actions des comités, districts et clubs ainsi que des collectivités en faveur de l'emploi sportif, de la prévention des noyades, de la lutte contre les discriminations et la violence dans le sport, etc.
Pour 2024, l'analyse réalisée par Localtis des listes des bénéficiaires de la part territoriale montre que les deux tiers des crédits dans les douze régions de la métropole sont allés au développement de la pratique sportive (65,4%), devant le sport-santé (11,3%) et l'éthique et la citoyenneté (8,8%). Parmi les autres objectifs opérationnels ayant fait l'objet de subventions, on trouve l'accession territoriale au sport de haut niveau (2,3% des crédits), les vacances olympiques et paralympiques (3,5%), l'insertion par le sport (4,7%), l'apprentissage de la natation (2,5%) et le savoir-rouler à vélo (1,6%).
À périmètres constants, les grandes masses ont peu évolué par rapport à 2023. Le sport-santé, notamment, reste au même niveau, alors que la note de service de l'ANS consacrée aux PSF pour 2024 demandait de "porter une attention particulière" à ce thème, lequel devait, selon la note de service visant cette fois les PST, se voir attribuer 15% des crédits.
Le plan "1.000 emplois sociosportifs" sous-consommé
La part de l'apprentissage de la natation dans l'ensemble des crédits accordés recule légèrement (-0,5%). Néanmoins, l'objectif des 3,5 millions d'euros de dépenses a été atteint à 98%. Quant aux 2 millions dévolus au savoir-rouler à vélo, ils ont été légèrement dépassés (+5%). L'accession territoriale au sport de haut niveau, qui vise à détecter et former de jeunes talents, n'a en revanche pas été plébiscitée en 2024 : seulement 3 millions dépensés sur les 12 millions potentiels.
Quant à la part dévolue au développement de la pratique, qui représentait 74% des crédits en 2023, elle ne compte plus que pour 65,4% après avoir été érodée par de nouveaux dispositifs. Parmi eux, l'enveloppe consacrée aux vacances olympiques et paralympiques – Paris 2024 oblige – en faveur des jeunes des territoires prioritaires, d'un montant de 4,75 millions d'euros, a été consommée à 97%. En revanche, seuls 60% des 10 millions d'euros prévus en 2024 au titre du plan triennal "1.000 emplois sociosportifs" ont été dépensés.
Des enveloppes fléchées à l'euro près
Si les directives de l'ANS établissent les enveloppes budgétaires nationales à respecter, il en va de même pour la déclinaison régionale de certains objectifs opérationnels. C'est ainsi que les crédits disponibles pour la prévention des noyades ont été dépensés à l'euro près par la conférence des financeurs d'Auvergne-Rhône-Alpes (352.000 euros) ou en Normandie et Centre-Val-de-Loire (114.000 euros). D'autres régions, en revanche, ont choisi de faire de l'apprentissage de la natation une priorité, à l'image de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur qui lui a consacré 371.920 euros et 3,6% de ses crédits, contre 2,5% en moyenne nationale. Paca a également fait un effort particulier pour le savoir-rouler à vélo : 2,6% des crédits, contre 1,6% en moyenne.
Les Pays de la Loire se distinguent sur deux objectifs opérationnels. D'une part, en faveur de l'insertion par le sport, avec 6,3% des crédits contre 4,7% en moyenne, et seulement 2,5% dans le Grand Est. D'autre part, en faveur du sport santé, avec 13,8% des crédits, contre 11,3% en moyenne, et seulement 9,5% en Auvergne-Rhône-Alpes. Cet investissement est tout sauf un hasard. Le PST des Pays de la Loire place en effet l'ambition de "favoriser la santé par l'activité physique et sportive à tous les âges de la vie" comme le premier de ses objectifs prioritaires.
On note encore que la Nouvelle-Aquitaine a choisi de donner 10,9% des crédits de la part territoriale aux actions en faveur de l'éthique et de la citoyenneté, soit le taux le plus élevé parmi les douze régions. Là encore, cela correspond à l'objectif de son projet sportif territorial visant à valoriser le sport comme "créateur de lien social et porteur de valeurs". En revanche, la même région qui faisait du sport "vecteur de santé" une priorité en termes de développement des pratiques, ne consacre que 11% de ses crédits au sport-santé, soit moins que la moyenne nationale.
1% des crédits pour les collectivités
Et les collectivités dans tout ça ? Un seule commune – Montargis (Centre-Val-de-Loire) – a actionné la possibilité, quand il n'existe pas de club support sur un territoire prioritaire, de bénéficier d'emplois sociosportifs. Aucune n'a reçu d'aide pour le sport-santé, alors que cet objectif, transversal par nature, aurait pu être porté par des collectivités. Les collectivités bénéficiaires directes des crédits l'ont été uniquement pour l'apprentissage de la natation (72% des sommes octroyées à des collectivités) et le savoir-rouler à vélo (26%). Au total, les collectivités ont reçu 1,3 million d'euros de subventions directes sur la part territoriale en 2024, soit 1% des crédits.
Ce bilan 2024 de la part territoriale montre une certaine rigidité dans l'octroi des subventions. Si quelques transferts de crédits d'une enveloppe à l'autre peuvent être demandés à l'ANS, les directives nationales laissent peu de marge de manœuvre aux acteurs régionaux du sport. Les crédits de chaque objectif opérationnel pour 2024 étaient fléchés à l'avance et devaient de surcroît se conformer aux priorités transversales de l'ANS telles que le sport-santé (15% des crédits), le parasport (14%) ou la pratique féminine (16%), le tout devant en outre se combiner avec l'attribution de 60% des crédits aux territoires carencés (QPV et ZRR). Rien d'étonnant, dans ces conditions, à ce que les acteurs régionaux, malgré des réalités territoriales différentes établies par leurs PST, aient été amenés à faire des choix fort semblables sous l'égide du préfet de région, délégué territorial de l'ANS, à la manœuvre dans le pilotage des crédits.