Les deux tiers des locataires HLM peinent à joindre les deux bouts
Perçu comme une chance par une majorité de ses occupants, le logement social n’échappe pourtant pas à une réalité de plus en plus difficile : celle d’un quotidien rongé par les fins de mois tendues, les restrictions alimentaires et l’angoisse du loyer. Le baromètre 2025 de l’Ancols témoigne d'une précarité persistante, qui fragilise la stabilité résidentielle et alimente le désir de départ, malgré des efforts de rénovation.

© ANCOLS : Enquête annuelle 2025 et C.M
Un toit, oui. Une vie décente, pas toujours. La cinquième édition du baromètre de l'Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) sur la satisfaction des locataires du parc social, basé sur une enquête menée auprès de 3.800 locataires, met en lumière un paradoxe : si le logement social reste perçu comme un "soulagement" et une "chance" par une majorité écrasante de ses occupants, les difficultés financières quotidiennes érodent sérieusement la satisfaction, menaçant la stabilité résidentielle des plus fragiles. En 2025, la précarité atteint des niveaux comparables à ceux observés en 2023, transformant le rêve d’épargne en lutte pour le pouvoir d’achat.
Ainsi, 64% des ménages interrogés déclarent rencontrer des difficultés, "souvent" ou "de temps en temps", pour boucler leurs fins de mois. Cette hausse des difficultés régulières concerne l’ensemble des compositions familiales, mais les familles monoparentales se révèlent particulièrement vulnérables.
Les conséquences de cette pression budgétaire sont lourdes. Plus de la moitié des ménages connaissent, au moins en partie, des restrictions alimentaires. Parmi ceux qui déclarent avoir souvent des difficultés financières, l'exposition au risque de restriction alimentaire est nettement plus élevée. Par ailleurs, un quart des locataires (25%) a rencontré des difficultés pour régler son loyer ou ses charges au cours des douze derniers mois. Ce taux grimpe à 34% pour les familles monoparentales. Les ménages en situation d'impayés sont plus souvent inscrits dans une association d’aide alimentaire (19% contre 12% des autres) ou déclarent manquer de nourriture (19% contre 10%). Enfin, bien que la confiance en l'avenir augmente légèrement, ceux qui qualifient leur situation actuelle d’"assez mauvaise" ou "très mauvaise" font face à un risque important de basculement ou de maintien dans la pauvreté dans les cinq prochaines années.
Seulement 39% des ménages ayant "souvent" des difficultés qualifient leur situation actuelle de "assez bonne" ou "très bonne", contre 80% de ceux qui n'en ont "jamais".
Le loyer, fardeau financier et catalyseur de l'insatisfaction
L'une des principales données dont témoigne cette édition est la corrélation étroite entre la précarité et la perception du coût du logement. L'impression que le logement social permet une amélioration du pouvoir d’achat s'effondre avec la fréquence des difficultés financières.
Alors que 6 ménages sur 10 estiment avoir un loyer convenable globalement, cette perception se fissure chez les locataires en difficulté : un ménage sur deux (50%) rencontrant des difficultés pour le paiement du loyer juge celui-ci trop élevé. Cette perception d’un loyer trop élevé est également citée par 50% de ceux qui rencontrent "souvent" des difficultés à boucler les fins de mois. Par ailleurs, l’estimation que les charges ou dépenses de chauffage sont raisonnables est en baisse tendancielle depuis 2021 (passant de 62% à 47% en 2025).
La mobilité : une fuite face aux contraintes budgétaires
L'épuisement financier se traduit directement par un désir accru de mobilité. Si, globalement, le souhait de déménager est en légère diminution cette année (35% des locataires l'envisagent, contre 38% en 2024), c’est la dynamique au sein du segment précaire qui interpelle.
Le fait d'avoir connu des difficultés pour le paiement du loyer ou des charges augmente significativement la probabilité de souhaiter déménager : 46% des locataires ayant eu des difficultés de paiement envisagent de déménager, contre seulement 32% de ceux sans difficultés. De même, ceux qui estiment que leur loyer est "trop élevé" sont plus nombreux à vouloir déménager (41%) par rapport à ceux qui le jugent correct (33%).
Bien que la principale raison du désir de mobilité reste les problèmes liés au logement lui-même (59%), les raisons purement financières représentent tout de même 13% des motifs de déménagement.
L’étude note en outre que les efforts d'isolation et de réhabilitation (21% des immeubles ont bénéficié de gros travaux dans les trois dernières années) devront continuer de se concentrer sur l'amélioration des performances énergétiques pour alléger le poids des charges, véritable point de friction entre bailleurs et locataires, et conditionner la fidélisation des ménages face à une précarité qui ne faiblit pas.