Les premiers contours de la planification écologique

Alors qu'une stratégie complète, secteur par secteur, sera présentée "à la fin de l'été", a affirmé Emmanuel Macron le 24 juillet, le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) du gouvernement a publié des éléments chiffrés qui fournissent de premières indications sur les orientations à venir pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre.

La France "n'est pas prête à faire face" aux effets du changement climatique, a lancé le Haut Conseil pour le climat dans son rapport 2023, publié fin juin. Son avertissement a-t-il été entendu par l'exécutif ? Début juillet, avant le remaniement gouvernemental, Élisabeth Borne est montée au créneau dans une interview au Parisien. "Nous avons bâti un plan concret, ambitieux, crédible et financé pour permettre d’atteindre l’objectif de réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030", déclarait alors la Première ministre. Il s’agira d’une "feuille de route complète, qui engage tous les acteurs, avec un effort équitablement réparti : la moitié pour les entreprises, un quart pour les ménages et un quart pour les collectivités", soulignait-elle, promettant que l'État allait "prendre sa part" en consacrant l'an prochain "7 milliards de plus qu'en 2023 pour le financement de la transition écologique". Le 12 juillet, en ouverture du Conseil national de la transition écologique (CNTE), Élisabeth Borne promettait rien moins qu'une hausse de 66% du budget de MaPrimeRénov' pour 2024, dispositif phare d'aide à la rénovation énergétique des logements, et 264 millions d'euros de crédits supplémentaires pour la biodiversité, en appui de la nouvelle stratégie nationale dévoilée  quelques jours après.

"La planification écologique va structurer l'agenda de rentrée", a ensuite prévenu Emmanuel Macron le 21 juillet, en donnant sa feuille de route à la nouvelle équipe gouvernementale d'Élisabeth Borne avant d'assurer dans un entretien sur TF1 et France 2 ce 24 juillet que la stratégie au complet sera présentée "à la fin de l'été". La planification écologique devra permettre au pays de répondre à ses objectifs climatiques tout en "renforçant" son indépendance et en créant des emplois, a souligné le chef de l'État. Des objectifs seront donnés à chaque secteur, ainsi que des moyens, a-t-il affirmé : "Dans l'écologie, plusieurs milliards d'euros" seront investis dès l'an prochain, a ajouté le président en citant notamment l'ouverture d'usines de batteries électriques, d'éoliennes en mer, de panneaux solaires, le développement de l'industrie circulaire (recyclage) et la "structuration des professionnels" dans la rénovation thermique des bâtiments. Le but : faire baisser les émissions de gaz à effet de serre de la France de 403,8 millions de tonnes de CO2 équivalent (Mt CO2e) en 2022 à 270 millions en 2030.

Energies et industrie : le plus gros potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre

Après la mise en ligne d'une première synthèse du plan le 12 juillet, le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) du gouvernement a publié une semaine après un "tableau de bord" des trajectoires de décarbonation attendues dans les différents secteurs.

Les énergies et l'industrie représentent ainsi le plus gros potentiel de réduction selon le gouvernement, avec un objectif de –113 Mt CO2e. Alors qu'une loi visant à accélérer leur production a été publiée ne mars dernier, la part totale des énergies renouvelables dans l'ensemble de la production électrique devra passer de 26% à 34% d'ici 2030. L'énergie solaire devra être multipliée par trois, l'éolien offshore par près de quatre, tandis que l'éolien terrestre devra progresser de plus de 55%. Le biogaz devra passer de 8 térawatt-heures en 2020 à 50 en 2030 et la part de chaleur renouvelables dans les réseaux de chaleur de 59% à 75% au cours de la même période.

Les usines sidérurgiques, de ciment ou d'autres industries primaires devront fortement réduire leurs émissions, via notamment le captage de CO2, une technologie encore embryonnaire, mais pas seulement. Les 50 sites les plus émetteurs hors raffinage devront ainsi passer de 43 Mt CO2e émis en 2022 à 25, et le reste de l'industrie de 33 à 20. Les objectifs de réduction des émissions des activités de raffinage, particulièrement polluantes (9,5 Mt CO2e en 2019) sont de 4 Mt CO2e d'ici à 2030, pour atteindre 5,5 Mt CO2e.

Le tertiaire devra aussi apprendre à se passer de fioul (plus de 80% de baisse demandée) et de gaz (environ -40%) via ses chaudières, alors que le gouvernement s'est interrogé sur l'opportunité d'interdire l'installation de toute nouvelle chaudière à gaz neuves, mettant en émoi tout le secteur. Pour le secteur des déchets, la quantité produite par habitant devra passer de 611 kg en 2021 à 502 kg en 2030. Cette réduction des quantités produites devra s'accompagner d'une meilleure valorisation : le taux de recyclage de la filière emballages ménagers en plastique devra atteindre les 55% en 2030 (contre 31% en 2022) et la valorisation matière (recyclage, compostage…) des déchets ménagers ou assimilés passer de 20 millions de tonnes en 2021 à 23 millions de tonnes en 2030.

Transports : un report modal à accélérer

Le secteur des transports devra réduire ses émissions de 36 Mt CO2e. Le gouvernement prévoit que 66% des voitures neuves vendues en 2030 soient électriques, contre 15% aujourd'hui et table sur une explosion du covoiturage, qui tarde encore à décoller pour les trajets du quotidien. Alors que le nombre de trajets covoiturés par jour est de 21.000 en 2023, il devra passer à 196.000 en 2030.

Pour faciliter le passage au vélo, le nombre de kilomètres de pistes cyclables devra atteindre 150.000 en 2030 contre 61.000 à fin 2023. Les parts des voyages effectués en train et en transports en commun urbains devront également croître, de 20 milliards de km-voyageurs pour le premier et de 15 milliards pour le second.

Le gouvernement reconnaît que le trafic aérien ne pourra qu'être maîtrisé - il passera de 237 milliards de passagers kilomètres transportés en 2019 à 280 en 2030, soit une hausse un peu moindre qu'entre 2015 et 2019.

Bâtiment : priorité aux rénovations globales

Avec un objectif fixé à -28 Mt CO2e, les émissions annuelles domestiques du secteur du bâtiment vont devoir être réduites de plus de moitié, avec deux grands leviers. D'une part, le gouvernement espère que le nombre de rénovations globales de logements via MaPrimeRénov' sera décuplé, pour atteindre 900.000 par an en 2030. D'autre part, la part des résidences principales chauffées au fioul devra être divisée par trois entre 2020 et 2030, pour atteindre 3,6%.

Dans le secteur agricole, le SGPE anticipe 21% de surfaces en bio en 2030 contre 11% en 2022, ce qui réduira les volumes d'engrais azotés (dont l'ingrédient principal est le gaz fossile). Autres leviers : moins de machines agricoles au diesel, et le doublement des cultures de légumineuses. Concernant l'élevage, les émissions annuelles de méthane devront être ramenées à 32,5 millions de tonnes par an contre 36,9 en 2022.

Sols, haies, forêts : des objectifs pour les puits de carbone

Le tableau de bord se termine par plusieurs indicateurs sur les puits de carbone. La consommation annuelle d'espaces naturels, agricoles ou forestiers devra ainsi être divisée par trois en 2030 par rapport à 2020, les surfaces en prairies permanentes passer à 15,7 millions d'hectares, soit un million d'hectares de plus qu'en 2020 et les linéaires de haies repasser à 790.000 kilomètres (contre 811.000 en 2017). La surface de forêt couverte par des documents de gestion durable approuvés devraient s'élever à 8,7 millions d'hectares (contre 7,85 millions d'hectares en 2022) et le cumul du nombre d'arbres plantés avec des financements publics atteindre les 766 millions (voir notre article du 27 juiller).

Ces premiers indicateurs "seront complétés, dans le courant de l'année, par des indicateurs plus complets, pour couvrir les autres enjeux de la planification écologique (biodiversité, adaptation, ressources naturelles, etc.)", précise le SGPE.

 

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