Les sénateurs lancent un "appel du 18 juin" du Fabriqué en France
La commande publique est le "trou noir" du Fabriqué en France, dénonce un rapport sénatorial qui évalue à 15 milliards d'euros le manque à gagner pour les entreprises hexagonales. Soit près du cinquième du déficit commercial.

© Capture vidéo Sénat/ Anne-Marie Nédélec et Franck Menonville
Le 18 juin est la date choisie par deux sénateurs pour lancer un "appel à la résistance" sur le Fabriqué en France. "Acheter local mais surtout acheter français c'est évidemment soutenir nos entreprises, préserver nos emplois, réduire notre empreinte carbone et éventuellement notre déficit commercial", a affirmé Anne-Marie Nédélec (LR, Haute-Marne), co-auteure avec Franck Menonville (Union centriste, Meuse) du rapport d'information "Fabriqué en France : la compétitivité patriotique", lors de sa présentation, mercredi.
Si les jeunes sont moins convaincus, une majorité de consommateurs français (65%) déclarent vouloir acheter des produits fabriqués en France. Mais ce motif d'achat n'arrive que très loin derrière le prix (80%), la qualité (73%) et la durée de vie (41%) et les consommateurs considèrent les produits made in France trop chers, de qualité insuffisante et jugent l'offre "France" illisible.
La définition du Fabriqué en France trop complexe
"La définition du Fabriqué en France est beaucoup trop complexe", déplore Anne-Marie Nédélec. On ne compte plus les offres faisant croire qu'un produit est français : "Conçu en France", "Création française", "Collection française", "Savoir-faire français"… Difficile de s'y retrouver dans ce champ marketing. Au total, 92 labels publics et privés sont comptabilisés. Cette "tromperie" sur le Fabriqué en France pénalise les entreprises françaises à hauteur de 5 milliards d'euros, faisant perdre des dizaines de milliers d'emplois, estiment les rapporteurs.
Autre problème identifié : les contrôles sont insuffisants. 22 millions de produits contrefaits ont été saisis en 2024 en France. En Italie, c'est 800 millions. Les contrôleurs italiens sont quatre fois plus nombreux (68.000 contre 16.500) et dotés d'outils juridiques plus efficaces, soulignent les rapporteurs.
De nombreux éléments ne favorisent pas le Fabriqué en France actuellement : la réglementation européenne considère l'indication de l'origine des produits comme une mesure de restriction quantitative à l'importation, la désindustrialisation massive empêche la constitution d'une offre adéquate, les jeunes sont moins attachés à l'origine des produits... Mais surtout, les sénateurs dénoncent un véritable système de "francolavage" avec un flux ininterrompu de contrefaçons favorisé par "la révolution du e-commerce". Environ 1,5 million de colis sont livrés en France, dont plus de la moitié d'une valeur de moins de 150 euros, échappant ainsi aux droits de douane et bénéficiant d'un tarif postal préférentiel... Car la Chine est toujours considérée comme un pays en développement par l’Union postale universelle.
Une commande publique qui ne promeut pas suffisamment le Fabriqué en France
Enfin, les sénateurs considèrent que la commande publique ne promeut pas suffisamment le Fabriqué en France. Ils estiment même que c'est "le trou noir" des marchés publics. "Le potentiel supplémentaire des achats de produits fabriqués en France est estimé à 15 milliards d'euros, soit près d'un cinquième du déficit commercial de 2024, détaille le rapport. Si 25% des marchés publics étaient réservés aux produits français, cela représenterait 50 milliards d'euros par an d'achats français."
Face à ces obstacles au développement et à la vente du Fabriqué en France, les sénateurs avancent plusieurs propositions. Premier axe : mieux l'identifier à travers une meilleure définition (un produit dont la majorité de la valeur ajoutée a été créée sur le territoire national et non plus la dernière transformation substantielle), adopter le marquage d'origine pour tous les produits importés dans l'Union européenne, hors alimentaires, comme le font nos principaux partenaires commerciaux, et regrouper progressivement les labels publics et privés sous un label unique "Fabriqué en France". Le rapport préconise aussi la création d'une plateforme en ligne exclusivement réservée à ces produits.
Cibler les plateformes de commerce chinoises
Le deuxième axe concerne la concurrence. Il s'agirait d'étendre aux produits industriels le principe des clauses miroirs, pour que les produits importés aient les mêmes règles environnementales et sociales. Le rapport insiste sur la nécessité au niveau européen d'une procédure antidumping contre les plateformes de commerce en ligne chinoises. Les sénateurs demandent aussi à mettre en œuvre rapidement l'amendement du Sénat qui soumet à un minimum de droits de douanes tout colis extra-communautaire de moins de 150 euros et de moins de 2 kilos. Cet amendement a été adopté par le Sénat, contre l'avis du gouvernement, dans le cadre de la proposition de loi visant à freiner l'essor de la "fast fashion". Adopté à l'unanimité par le Sénat le 10 juin, un an après l'Assemblée nationale, le texte doit à présent passer en commission mixte paritaire. Il faudra donc surveiller la version finale.
Le renforcement des contrôles est aussi prôné tout comme la mobilisation de la commande publique. Il s'agirait à cet égard de mesurer la part importée de la commande publique, de mutualiser le nombre de pouvoirs adjudicateurs (135.000 actuellement) et de faire du critère bas-carbone un levier en faveur des circuits d'approvisionnements territoriaux courts.
Enfin, les sénateurs proposent de mieux informer les consommateurs, à travers des campagnes régulières de sensibilisation sur leur santé, leur sécurité, l'impact social et environnemental des produits importés. Selon une étude de la Fédération européenne des industries du jouet, 95% des articles achetés sur la plateforme chinoise Temu et testés étaient dangereux pour les enfants...