L'open data local en manque de locomotives dans les territoires

À peine 16% des collectivités locales soumises à des obligations légales ont ouvert leurs données, selon les derniers chiffres de l’Observatoire de l'open data. Sans locomotive pour accompagner communes et EPCI, l'open data local piétine. Un dossier qui sera sur le haut de la pile qui attend Constance Nebbula, la nouvelle présidente d'OpenDataFrance.

Selon le bilan publié par l’Observatoire d’OpenDataFrance le 27 mars 2023, 1.062 collectivités avaient ouvert leurs données en 2022, soit 16% de collectivités soumises à des obligations légales. Si le chiffre est globalement en progression avec quelque 200 nouvelles structures, essentiellement communales, ayant ouvert leurs données, l’association note pour la première fois "qu’une trentaine ont disparu du radar". Une disparition liée selon elle au départ de compétences ou à un changement de priorités politiques avec pour effet des défections en cascade liées au partage de ressources.

Rôle moteur des structures de mutualisation

À l'inverse, les démarches coordonnées, dans laquelle une structure de mutualisation joue le rôle de locomotive en prenant en charge l’animation et l’ingénierie technique, ont un impact significatif. C’est ce que montre cette année l’exemple de la Bretagne. Le syndicat Megalis Bretagne a ainsi mis en place un dispositif de publication automatisé des délibérations – un projet financé par l'État dans le cadre du plan de relance (voir notre article du 19 janvier 2023) – ayant permis à quelque 250 communes de franchir le pas tout en créant un outil logiciel susceptible d’être implémenté sur d’autres territoires. Si le rôle des collectivités supra-communales dans l’accompagnement des petites communes est plus que jamais d’actualité, la stagnation du nombre de conseils départementaux engagé dans l’open data, dont un tiers n’ont toujours pas fait le pas quand la quasi-totalité des régions et métropoles ont ouvert leurs données, constitue un mauvais signal. Car sur beaucoup de territoires, et notamment là où il n’y a pas de structure de mutualisation, les communes rurales restent dépendantes des initiatives départementales.

Dispositifs de collecte nationaux

Autre levier à l’ouverture des données des communes, les dispositifs de collecte de données nationaux opérés par l'État tels que la base adresse. Les obligations d’adressage des communes – notamment pour amener la fibre optique sur leur territoire – les contraint en effet à créer et publier une base adresse locale normalisée ensuite diffusée en open data via la base adresse nationale. Faut-il considérer les 11.500 communes ayant publié (à date) une base adresse comme des collectivités "open data" ? "Cela aboutirait à augmenter considérablement nos statistiques mais ce serait un peu biaisé car il y a une dimension volontariste à l’open data", explique Jean-Marie Bourgogne, délégué général d'OpenDataFrance, qui n’exclut cependant pas d’intégrer cette donnée indicative à l’Observatoire.

Des standards peu utilisés

L’Observatoire fait état de 15.185 jeux publiés, sans être certain d’avoir totalement exclu les doublons, un même jeu de données étant parfois hébergé sur plusieurs plateformes. Car l’open data local se caractérise par une grande dispersion, avec plus de 250 plateformes locales généralistes ou spécialisées. Une multiplication des portails qui nuit à la "découvrabilité" et au "référencement" des données estime l’association même si de plus en plus de jeux de données sont référencés sur le portail national data.gouv.fr. Côté thématiques, le top 5 des données les plus publiées sont :
- les équipements ;
- les données administratives ;
- les données sur les transports ;
- la citoyenneté ;
- l’environnement. 

Enfin, l’association note que les standards qu’elle promeut depuis plusieurs années sont peu utilisés dans les faits. À ce jour, 20 schémas de données concernant des compétences locales (subventions aux associations, menus des cantines…) ont été publiés sur le site schema.gouv.fr mais selon les estimations d’OpenDataFrance, à peine 15% des jeux de données sur les thématiques concernées les respectent… Un chiffre d’autant plus inquiétant que l’absence de standardisation est l'une des principales causes du faible niveau de réutilisation des données. Et si l’intégration d’un bouton open data pour faciliter la publication de données normalisées depuis les logiciels métiers est évoqué de longue date par l’association, force est de constater que les éditeurs n’ont pas saisi la perche tendue, sauf à facturer cette prestation aux territoires.

Une nouvelle présidente

La généralisation de l'open data et sa montée en qualité resteront donc sur le haut de la pile des dossiers à traiter par la nouvelle présidente d’OpenDataFrance élue le 23 mars à Toulouse. Constance Nebbula, vice-présidente de la région Pays de la Loire et d'Angers Loire Métropole, succède à Akim Oural à la tête de l’association. L’élue qui a piloté le projet de ville intelligente d’Angers a promis de "faire émerger la notion de service public de la donnée" et de "faire de l'acculturation des élus et des agents, sur tous les territoires, une réalité centrale et massive".

  • Une dizaine de territoires dotées d’une charte de la donnée

Nantes, Rennes, Brest, Paris-Saclay, Aix-Marseille Provence Métropole, Tours ont désormais une charte territoriale de la donnée. Ces documents détaillent les principes, valeurs et engagements que les signataires entendent respecter en matière de collecte, de traitement et d’exploitation des données. Ces chartes ont la particularité de s’intéresser à toutes les données locales, au-delà du strict périmètre des données soumises à des obligations open data. Pour aider les collectivités à s’approprier cet outil, le Forum des Interconnectés, avec l’appui de la Banque des Territoires et de l’Union européenne viennent de publier un guide méthodologique. Les partenaires des chartes peuvent ainsi inclure les citoyens, associations, délégataires de services publics et parfois même des entreprises privées afin de créer un "cadre de confiance" facilitant le partage des données d’intérêt général. Le guide cite une vingtaine de thématiques susceptibles d’intégrer la charte : gouvernance, souveraineté, qualité, stockage, interopérabilité, minimisation de la collecte… Les auteurs du guide notent que le préalable à l’élaboration d’une charte reste cependant la formalisation d’une stratégie numérique. Cette charte est aussi souvent le point de départ d’un "service public de la donnée" dédié à la valorisation et à l’appropriation des données d’intérêt territorial.