Opérateurs de l'Etat : fusion, cession, rapprochement... Les pistes du gouvernement
Sans détailler le chiffrage pour chaque fusion, suppression ou rapprochement d'opérateurs, des documents ministériels consultés par l'AFP lèvent une partie du voile sur les agences dans le viseur de Bercy pour trouver 2 à 3 milliards d'euros d'économies d'ici 2027.

© AR/ Laurent Marcangeli était l'invité de l'émission "Lundi c'est politique" sur LCP le 19 mai
Auditionnée le 15 mai par la commission d'enquête du Sénat sur les agences et les opérateurs de l'Etat, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, avait confirmé son objectif de 2 à 3 milliards d'euros d'économies d'ici 2027 sur les opérateurs, à l'exception des universités, mais sans détailler les modalités pour y parvenir (voir notre article). Alors pressée par la rapporteure LR de la commission, Christine Lavarde, d'assumer que de telles baisses de dépenses ne seraient envisageables qu'au prix d'abandons de politiques publiques, et non seulement d'un effort sur les dépenses de fonctionnement (voir sur X son intervention), Amélie de Montchalin avait dit l'"assumer", évoquant notamment des doublons.
Sur 77 milliards d'euros de financements publics des opérateurs de l'Etat au total, l'effort devrait se concentrer sur une soixantaine d'entre-eux, et sur 64 milliards d'euros de financements publics qui leur sont alloués en excluant les financements publics des universités. Sans détailler les économies que le gouvernement pourrait dégager (ni sur la masse salariale, ni sur les dépenses), ces structures pourraient faire l'objet de "fusion ou cession", de rapprochements, de "mutualisation", ou certaines de leurs missions pourraient être "reministérialisées", selon ces documents actualisés récemment.
Ces opérateurs de l'Etat ne sont "pas le plus gros gisement d'économies (...) mais en revanche c'est un gisement potentiel d'économies", a commenté lundi le ministre de la Fonction publique Laurent Marcangeli, sur LCP, se gardant de donner le moindre chiffre par respect du travail de la commission.
Sans surprise, plusieurs agences régulièrement au coeur des débats pour leur coût jugé excessif figurent parmi les pistes d'instances à fusionner ou dont la "cession" est envisagée, notamment dans l'agriculture. L'Institut national de l'origine de la qualité (Inao), doté d'un budget de 26 millions d'euros et de 233 agents en équivalent temps plein (EQTP), et l'Agence Bio, qui compte un peu plus d'une vingtaine d'EQTP avec un budget presque équivalent, pourraient faire l'objet d'une fusion ou être supprimés. Cette dernière avait déjà fait l'objet d'un amendement au Sénat qui proposait de la supprimer mais avait finalement été préservée (mais verra son budget rogné... voir encadré ci-dessous).
De même, l'Institut national de la consommation, l'établissement public qui édite le magazine 60 millions de consommateurs, figure parmi les structures à fusionner ou supprimer. Amélie de Montchalin l'avait pris en exemple lors de son audition, considérant que les opérateurs dont les missions étaient "échues", avaient vocation à être supprimés.
D'autres opérateurs seraient également concernés par des "rapprochements", sans fusion, mais avec des économies espérées probablement sur les coûts de fonctionnement et les subventions de l'Etat. Dans le champ de l'écologie figure l'Agence pour la transition écologique (Ademe), qui avait fait l'objet d'amendements réclamant sa suppression lors de l'examen de la loi simplification, avant d'être finalement sauvegardée.
D'autres rapprochements pourraient concerner l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), ou le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Dans le champ du logement, des rapprochements pourraient concerner l'Agence nationale de l'habitat (Anah), qui bénéficie de quelque 3,2 milliards d'euros de financements publics selon ces documents, ou l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru).
"J'ai fait déjà une proposition qui suscite parfois un peu de contradiction", a complété Laurent Marcangeli, "c'est la fusion des établissements publics que sont les cinq IRA", les instituts régionaux d'administration.
Les missions de certains opérateurs pourraient également être reprises en main par des ministères, pour tout ou partie. Ce pourrait être le cas de l'Agence de service et de paiement (ASP), créée en 2009 et qui compte plus d'un millier d'agents. Elle est chargée de verser une grande partie des aides publiques et dépend du ministère de l'Agriculture. Mais les documents ne précisent pas les économies qu'une telle opération permettrait de dégager. D'autres opérateurs pourraient également être concernés comme l'Agence du numérique en santé, le réseau Canopé qui forme les enseignants dans l'Education nationale et l'Agence nationale du sport (ANS).
Le ministère de l'Agriculture annonce couper dans les budgets communication et investissement de l'Agence BioLe ministère de l'Agriculture a annoncé ce mardi 20 mai à l'Agence Bio, chargée du développement, de la promotion et de la structuration du secteur, la suppression des 5 millions d'euros dédiés à sa communication et de près de 10 millions d'euros dédiés au soutien de projets pour l'année 2025. "Dans un contexte budgétaire compliqué avec le tarissement du plan de relance et de la planification écologique, le ministère priorise les crédits sur la structuration de la filière en concertation avec les professionnels", a indiqué le ministère à l'AFP, confirmant la suppression des 5 millions d'euros du budget de la communication et la réduction de la dotation du fonds Avenir bio, qui passe de 18 millions en 2024 à 8,6 millions pour 2025. Un budget de cinq millions par an de 2024 à 2026 avait été alloué à une campagne de communication massive, "C'est bio la France", qui doit être lancée en grande pompe jeudi à l'occasion des 40 ans du label bio pour redynamiser la consommation de produits bio, mise à mal par plusieurs années de forte inflation. Le budget 2024 a été dépensé et financera notamment les deux vagues de campagnes publicitaires télévisées prévues en mai et en septembre. Au-delà, l'agence ne sait pas comment elle continuera à promouvoir les aliments issus de l'agriculture biologique. La suppression du budget communication intervient après une polémique sur un spot publicitaire que le ministère avait demandé à modifier. L'Agence Bio est plus généralement dans le flou quant à son avenir. Sa directrice Laure Verdeau doit être auditionnée jeudi au Sénat par la commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État. L'organisme avait aussi exprimé des craintes, au Salon de l'agriculture, de voir l'enveloppe du fonds Avenir bio, destiné à soutenir des projets de développement de filières biologiques, subir "un coup de rabot". En 2024, ce fonds avait été abondé de 5 millions d'euros au titre des crédits issus de la planification écologique pour atteindre 18 millions d'euros. En 2025, il sera donc quasiment divisé par deux, à 8,6 millions d'euros, selon les annonces du ministère. |