Pas de lignes ferroviaires nouvelles sans partenariats public-privé, estime Dominique Bussereau

Auditionné ce 22 octobre par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat pour présenter le rapport et les perspectives de la conférence Ambition France Transports, l'ancien ministre Dominique Bussereau, qui la présidait, en a profité pour faire part de quelques convictions personnelles en la matière, sans langue de bois.

"Si on ne veut pas que ce soient les arrière-petits-enfants de Moudenc [maire de Toulouse] qui voient arriver un TGV direct [de Paris] en gare de Toulouse Matabiau, il va falloir revenir à ce qu'on a fait il y a quelques années, c'est-à-dire des partenariats public-privé." Auditionné par les sénateurs ce 22 octobre sur la conférence Ambition France Transports qu'il présidait (voir notre dossier), l'ancien ministre Dominique Bussereau n'a pas manqué l'occasion d'affirmer quelques convictions personnelles dans un domaine qu'il connaît bien (lire notre article du 17 mars).

Retour aux partenariats public-privé

En l'espèce, la voie des partenariats public-privé (PPP) paraît selon lui d'autant plus empruntable que le groupe SNCF n'y serait "pas hostile" et que "le ferroviaire, ça marche, il y a des clients, il y a des besoins". Et l'ancien ministre de contester l'argument, avancé par le sénateur Hervé Gillé (Gironde, SER), d'une ligne Paris-Bordeaux, "construite par Vinci", toujours déficitaire du fait "du coût du sillon" et "des ruptures de charge", notamment avec la desserte d'Angoulême. "Une plaisanterie de garçons de bain", rétorque un Dominique Bussereau "persuadé du contraire" s'agissant de la rentabilité de cette dernière et qui "voudrai[t] bien voir les chiffres". Lui dénonce plutôt "une offre tout à fait insuffisante" sur la ligne, imputée à Guillaume Pepy, ancien PDG de la SNCF, ou met en avant "le modèle TGV allemand" reposant "sur un grand nombre de dessertes qui permet aux ICE d'avoir leur rentabilité". Quant au coût des péages, il "ne pense pas qu'ils soient trop élevés" au regard "des besoins de rénovation du réseau" : "On a quand même des caténaires qui datent de 1930 !", lance-t-il. D'aucuns pourraient considérer que c'est précisément cher payé pour du matériel centenaire.  

Pas d'argent pour les Serm

Rappelant que la conférence avait fait le choix de mettre "l'accent sur les investissements de performance et de résilience des infrastructures", l'ancien ministre estime qu'à défaut de PPP, "si on y va au rythme des crédits publics actuels, quels que soient les gouvernements, cela sera certainement difficile d'y arriver […]. Quand on voit le coût de la ligne nouvelle entre Lille et Hénin-Liétard, on ne voit pas très bien comment on arrive à financer les Serm et encore moins les lignes nouvelles", confesse-t-il ainsi, après avoir lâché qu'"il n'y a pas d'argent pour les Serm" et que la conférence n'a pu trouver pour ces derniers "de solution simple". Pas de nature à rassurer le sénateur Jacques Fernique (Bas-Rhin, écologistes), qui s'avoue "un peu inquiet quand j'entends le président du COI [Conseil d'orientation des infrastructures, ndlr] nous dire que pour les Serm, c'est surtout une affaire de volonté locale entre les territoires et la région, et moins une affaire de cadrage de financement national". Et de rappeler au passage que la question du financement des Serm constituait "quand même la commande parlementaire, issue du Sénat d'ailleurs, de cette conférence".

Une ligne nouvelle Paris-Lyon au départ d'Austerlitz

Côté ligne nouvelle, relevons que Dominique Bussereau plaide pour la création, "à terme", "d'une ligne nouvelle doublant Paris-Lyon partant de la gare d'Austerlitz – qui a un trafic très insuffisant par rapport à ses potentialités –, s'incurvant dans le Cher pour aller vers Clermont", desservant ainsi "la patate centrale de la France qui est malheureusement hors de la grande vitesse ferroviaire". Pour lui, cette nouvelle ligne, qui ferait Paris-Lyon en 2 heures pour les trains sans arrêt, est la "seule solution" pour faire face à l'inévitable saturation de la ligne existante et pour rentabiliser Austerlitz.

Nouveau partage des lignes fines

Toujours en matière ferroviaire, Dominique Bussereau souligne le changement de position des régions à l'égard des lignes fines du territoire, sujet sur lequel le préfet François Philizot planche de nouveau (lire notre article du 11 septembre). Elles sont "prêtes à en reprendre certaines à 100%", parce qu'elles voient "que les contrats de plan État-région sont souvent des fictions financières", et "à condition que l'État reprenne lui aussi un certain nombre de lignes", observe-t-il. "Ce n'est pas absurde sur le plan conceptuel", juge-t-il. Le sénateur Olivier Jacquin (Meurthe-et-Moselle, SER) attire néanmoins l'attention sur "le risque absolument terrible", "la tentation forte de la SNCF et de l'État d'aller solliciter directement les collectivités territoriales", en prenant l'exemple du "train Metz-Nancy-Lyon arrêté unilatéralement par la SNCF en 2018", et "repris en 2024 par la région, le département et la métropole de Nancy qui cofinancent cette liaison".

Un réseau routier départemental qui "part en quenouille", une ruralité délaissée

L'ancien président de l'Assemblée des départements de France s'inquiète par ailleurs d'un "réseau routier départemental qui va partir en quenouille du fait de la baisse des ressources des départements […]. Vraisemblablement, l'année prochaine le critère d'ajustement du budget va être de baisser le budget de la route". Une perspective d'autant plus inquiétante que ces routes innervent pour l'essentiel une ruralité dont Dominique Bussereau considère qu'elle constitue la "faiblesse" d'un système de transport français par ailleurs jugé "très au point", mais qu'il appelle "à remodeler" sur ce point. Avec la loi d'orientation des mobilités (LOM), "on a dit, dans la ruralité, c'est ou les intercos, ou les régions. Sauf que les régions ont autre chose à faire avec tout ce qu'elles ont à dépenser […]. Et les petites intercos, elles, n'ont pas les équipes et les moyens de le faire", dénonce-t-il ainsi. Autre réforme dans le viseur, celle opérée par la loi Notr "transférant tout le transport scolaire aux régions". Ce faisant, "on a empêché les départements de réutiliser des bus scolaires dans la journée pour faire du transport local", déplore l'élu.

Place au ministre

S'agissant du devenir précis de la "loi cadre" qui doit consacrer les travaux de la conférence Ambition France Transports, on en saura davantage avec l'audition du ministre Philippe Tabarot par les députés, prévue ce 24 octobre. Un ministre que les sénateurs passeront à leur tour à la question le 5 novembre prochain, dès 8h15.

 

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